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Méfiez-vous des blondes - Roman

Roman "Méfiez-vous des blondes" est un roman mis en ligne par "J.L.Miranda".. Rejoignez la communauté de "De Plume En Plume" et suivez les mésaventures de Audrey et cie...

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Les regrets d’Audrey

 

Claude savourait le café à petites gorgées, tandis qu’Audrey lui caressait les cheveux. Elle lui déroba furtivement le bout papier qu’elle chiffonna un peu plus. Le numéro de téléphone était devenu presque indéchiffrable ; elle le composa avec application, tendant le papier pour mieux lire les chiffres. Il se rebiffa soudain, c’était à lui d’appeler son copain, il n’avait pas besoin de secrétaire.

Devant la brutalité de sa réaction, Audrey pensa au fusil et au ceinturon à cartouchières, et elle s’imagina le braquant résolument sur lui. Il plaqua le combiné contre l’oreille, but une nouvelle gorgée de café. Audrey venait de le mélanger exprès pour que le somnifère passe massivement dans son gosier. Mais il fit la grimace, remettant la tasse entre les mains de sa femme.

On entendit une voix d’homme, avec un accent assez prononcé. Elle se tenait prête à renverser le café sur lui, s’il le fallait pour empêcher la communication, lorsqu’il se rendit compte que son correspondant n’était pas José. Il raccrocha le combiné, sans prendre la peine de s’excuser. C’était un Arabe qu’il avait eu en ligne.

« Je me suis gouré, je suis même pas foutu de faire un numéro de téléphone, marmonna-t-il contrarié, et il essaya de déchiffrer le numéro, le tapant de nouveau. Cette fois, personne ne répondit.

De plus en plus câline, pleine d’attentions, Audrey poursuivait ses chatteries, se frottant sur lui avec des soupirs langoureux, et elle l’embrassait de temps à autre avec tendresse. Comme il commençait à bâiller, elle lui dit de monter dans la chambre. Elle l’y rejoindrait sitôt qu’elle aurait couché Fabrice.

Audrey avait fait son autocritique sur la route, après avoir quitté Nicolas, et elle s’accablait encore et toujours de reproches. N’était-elle pas responsable, pour une large part, du malheur et de la solitude qui l’affligeaient ? Les hommes étaient tous pareils. Ils tournaient autour des femmes, attentifs, se répandant en galanteries, vous disaient ce que vous aimez entendre, tant qu’ils n’avaient pas eu ce qu’ils cherchaient. C’est seulement ensuite qu’ils laissaient apparaître leur vraie nature. N’était-elle pas trop égoïste ? Elle avait mis le sport au centre de sa vie. Il lui arrivait de délaisser le ménage, son mari et son fils, pour un match de tennis. Si elle se tournait vers sa famille, s’occupant mieux de Claude et consacrant plus de temps à Fabrice, elle finirait sans doute par trouver le moyen d’amener la paix et le bonheur dans son foyer.

Quand elle entra dans la chambre, il ne dormait pas encore. Elle se glissa sous la couette, auprès de lui, avec des audaces de nymphomane, si fringante à vouloir lui donner du plaisir qu’elle s’en étonna elle-même. Elle lui disait qu’il n’y avait qu’une façon de taire les mauvaises langues. Il fallait qu’ils sortent ensemble le dimanche. Pendant la belle saison, les jours de grand soleil, ils pourraient déjeuner sur l’herbe, au bord de l’eau. Ensuite, il viendrait la voir jouer, s’il y avait des tournois dans le pays, sinon ils joueraient tous les deux, en compétition amicale, juste pour se distraire. Même en semaine, s’ils en avaient le temps, ils pouvaient faire quelques échanges de balles. S’il entretenait sa forme physique, par un entraînement assidu, elle était sûre qu’il serait capable d’atteindre un bon niveau.

Il ne répondait pas, réagissant mollement à ses ardeurs, et lorsqu’elle voulut qu’il la pénètre physiquement pour la contenter, marquant ainsi le début d’une période nouvelle dans leur ménage, il s’endormit dans ses bras, la laissant seule avec ses préoccupations. Elle doutait qu’il ait compris le souhait de renouveau qu’elle avait exprimé.

Se retrouvant seule avec ses pensées, elle décida de s’engager fermement sur la voie du renouveau. Elle redoubla d’attentions envers son mari, prenant le temps de l’écouter, et elle le questionnait sur des choses qui lui tenaient beaucoup à cœur, comme la chasse, d’une voix enjôleuse de séductrice.

Il ne pensait plus à inviter José. En revanche, il se proposa de faire réviser au plus vite la voiture. Il voulait s’assurer que la mésaventure de sa femme ne se reproduirait plus à l’avenir. L’ingénieuse fabulation par laquelle Audrey avait dissimulé son incartade semblait avoir pris pour de bon, dans l’esprit Claude, le cachet d’un fait véridique.

Saisissant l’occasion, elle revint sur son idée de rapprochement réciproque, lui faisant la démonstration des avantages qui en résulteraient pour leur ménage. Ils tenaient l’un à l’autre, leurs discordes n’étaient dues qu’à de mauvaises habitudes. Un changement bénéfique ne dépendait que de leur bonne volonté. Chacun d’eux se devait de sacrifier au plaisir de l’autre, souscrivant à de nouvelles règles en vue d’un nouveau comportement, qui serait un exemple d’harmonie conjugale dans le village.

Lorsqu’il partirait à la chasse, le dimanche, elle resterait à la maison ou rendrait visite à sa mère. En revanche, s’il était disponible, il l’accompagnerait sur les courts de tennis. En un mot, il lui semblait capital pour leur bonne entente, peut-être même pour la survie du ménage, qu’ils se partagent autant que possible leurs loisirs.

La métamorphose ne s’opéra pas en deux jours. Il lui fallut persévérer, travailler son mari en profondeur par des fâcheries savamment dosées, qu’elle faisait alterner avec des replâtrages salutaires. Avec le temps, il apprit de quel côté se levait le soleil conjugal. Il prit goût au tennis, chassait moins. On les voyait ensemble presque partout, au grand désespoir de Nicolas, qui n’avait désormais guère l’occasion d’aborder Audrey. Mais il ne s’avoua pas battu pour autant.

La carte qu’il tenait en main représentait sa dernière chance. Serait-il capable de la jouer à bon escient ? Pour rester en contact avec Audrey, d’une façon régulière, il devait nouer des relations étroites avec Claude. Ce ne serait pas chose simple. Bien au contraire, cela ressemblait plutôt à une gageure. Les cancans avaient fait état de l’empressement de Nicolas auprès d’Audrey. Claude se souvenait qu’il avait été son premier amour. L’idée qu’il avait réussi à raviver des ardeurs passées, chez sa femme, lui faisait hérisser les poils du torse.

Dès qu’il trouva Claude à l’écart, loin de la vue de témoins, Nicolas l’aborda sans détour :

– Ecoute, mon vieux, tu me fais la gueule à cause des ragots. Eh bien, tu as tort ! Audrey n’a rien à se reprocher, et moi non plus. Nous avons été tous les trois à l’école ensemble, non ? Elle est une amie d’enfance, comme toi, d’ailleurs. J’aime beaucoup la façon dont elle s’impose sur le court, c’est tout. Elle a toujours eu du panache, cette fille. Si tu penses qu’elle te trompe, tu te fourres le doigt dans l’œil, mon petit vieux. Tu ne te rends même pas compte de ta chance. Oui, c’est une chance que d’avoir une femme pareille ! Tes voisins jasent, tu veux savoir pourquoi ils jasent ? Parce qu’ils sont jaloux de votre couple, pauvre couillon ! »

Pris au dépourvu, Claude resta muet, incapable de réagir aux propos raisonnables de Nicolas, qui, s’approchant à l’improviste, s’était planté devant lui, tendu, une lueur farouche dans les yeux. Il se mit à parler sur un ton de voix choisi à dessein, juste assez véhément pour faire croire qu’il était fâché de se voir mêlé à des ragots sans fondement. D’ailleurs, il fit exprès d’empêcher Claude de riposter, le but étant plutôt de le faire réfléchir.

Dès qu’il eut fini sa mise au point, laissant son interlocuteur abasourdi, il s’éloigna d’un pas rapide, convaincu qu’il venait d’aplanir le terrain en vue d’une entente fructueuse. Pour sa part, Audrey comprit très vite le sens de la manœuvre. Elle aurait voulu y couper court, mais elle ne savait pas comment s’y prendre, sans se compromettre aux yeux de son mari. Alors, elle dut se contenter d’observer le manège de Nicolas, tout en se jurant de lui refuser le moindre encouragement.

Il s’ensuivit une période charnière, pendant laquelle Audrey s’engagea sans réserve, payant de sa personne, afin de consolider le climat relativement agréable qui régnait dans son ménage, grâce aux changements qu’elle avait réussi à y introduire.

Elle s’étonnait de l’habileté dont elle était capable dans la comédie de l’amour. Elle excellait dans la tromperie, jouant l’épouse attentive, doublée d’une maîtresse passionnée, sensuelle, cherchant le plaisir avec ardeur et feignant l’atteindre pleinement. Son mari en restait béat de contentement, persuadé de lui avoir donné du plaisir, alors qu’elle n’éprouvait pas la moindre jouissance dans les jeux de l’amour.

Elle ne faisait que lutter contre ses tentations. Elle se battait contre les démons qui la poussaient malgré elle sur les chemins tortueux de l’infidélité, se servant des armes que la nature lui avait données, sans se faire pour autant trop d’illusions sur l’issue de l’affrontement.

Curieusement, le bonheur développa chez Claude le besoin d’expansion, lui redonnant le goût de la convivialité ; et, comme il était gauche et défiant, il se mit à boire pour remédier à ses difficultés de communication. Audrey ne saurait lui interdire l’alcool sous peine de rallumer leurs dissensions, qui risqueraient d’anéantir les efforts qu’elle avait déployés pour reconstruire leur vie de couple sur de nouvelles bases. Elle se bornait à le détourner autant que possible des mauvaises fréquentations, se tenant près de lui dans les occasions propices à la beuverie, et lorsqu’il s’enivrait malgré ses précautions, elle se montrait moins câline le soir, afin de lui faire comprendre qu’il devait choisir entre l’amour et le vin. Enfin, elle lui répétait sans cesse qu’elle tenait beaucoup à lui et qu’elle ne voulait surtout pas qu’il finisse comme son père.

Il lui donnait raison, promettant d’être plus sobre à l’avenir et, pour revenir dans ses bonnes grâces, il se proposait de l’aider, plus docile et accommodant que jamais. Audrey savait par avance qu’il l’accompagnerait sur le court à la première occasion, portant ses affaires avec sollicitude, et qu’il suivrait le match priant le ciel pour qu’elle le gagne. Il espérait ainsi retrouver l’amour dans ses bras.

Pour sa part, après sa brève rencontre avec Claude, Nicolas faisait preuve d’une étonnante discrétion. Audrey le tenait à l’œil, et elle se demandait parfois quel était le sens de ce changement de comportement. Avait-il cessé de l’aimer ? Peut-être qu’il s’était lassé de ses hésitations, la prenant pour une bégueule.

Il continuait de la soutenir sur les courts, comme par le passé, mais il n’était plus aussi assidu et enthousiaste qu’auparavant. Parfois, il ne faisait que passer, et s’il restait jusqu’au bout, il ne cherchait pas à rencontrer Audrey pour la féliciter ou la réconforter, selon l’issue du match. Il lui faisait un signe de loin, lui adressait parfois un mot gentil au passage, mais il ne s’arrêtait pas auprès d’elle, même lorsqu’elle se trouvait seule.

Il voulait lui faire croire qu’il ne s’intéressait plus à elle comme avant, qu’il venait la voir jouer juste pour se distraire. Mais elle savait bien que son indifférence était feinte. Il attendait son heure, tout simplement. Elle étouffait son dépit, se jurait d’opposer à ses avances futures un froid glacial, capable de décourager le dragueur le plus audacieux.


 

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Auteur

J.L.Miranda

04-02-2018

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Méfiez-vous des blondes n'appartient à aucun recueil

 

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