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Méfiez-vous des blondes - Roman

Roman "Méfiez-vous des blondes" est un roman mis en ligne par "J.L.Miranda".. Rejoignez la communauté de "De Plume En Plume" et suivez les mésaventures de Audrey et cie...

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La situation se complique

 

Claude attendait sa femme dehors en tenue de chasseur, tandis que Fabrice s’amusait sur la balançoire. Il secouait la tête, piaffant comme un bourricot harcelé par des mouches. Son fusil reposait sur la crosse, debout contre le mur, à côté du ceinturon à cartouchières. Il était rentré bredouille, après avoir parcouru bois et marais, depuis le petit jour.

En le voyant, Audrey eut le cœur serré, elle s'attendait à ce qu’il rentre plus tard. Il s’était arrêté chez sa mère, à l'entrée du village, croyant l’y retrouver. Elle était bien contente de revoir son fils, la péquenaude, et elle en avait profité pour lui rebattre les oreilles avec les racontars qui couraient sur le compte de sa belle-fille.

– Tu savais qu’elle avait un match important en début d’après-midi ? dit-elle d’un air dubitatif.

– Elle m’en a parlé l’autre jour. Elle voulait que je l’accompagne, mais j’avais convenu d’aller chasser avec les copains.

– Elle m’a amené le petit en début d’après-midi. A l’heure qu’il est, elle devrait être rentrée depuis longtemps, tu ne crois pas ?

Claude acquiesça de la tête, Candice poussa plus loin ses insinuations malveillantes.

– Elle a peut-être encore gagné. Et, bien sûr, elle s’est attardée en chemin pour fêter la chose à sa manière. Ce n’est pas la première fois.

Audrey comprit au premier coup d’œil que son mari était émoustillé. Il avait fait la bringue au bistrot avec ses camarades, comme à leur habitude. Soudain, elle eut un mouvement de panique, pensant au panier qui se trouvait dans le coffre de la voiture, contenant la vaisselle à laver et les restes du déjeuner sur l’herbe.

« S’il le trouve, je suis perdue. Comment expliquer le match manqué devant la preuve irréfutable de mes égarements ? »

Elle eut l’idée de se rendre chez sa mère, avant de rentrer à la maison, mais Fabrice avait quitté précipitamment la balançoire, pour venir vers la grille. Elle laissa la voiture dans la rue, avec l’intention de s’en servir plus tard. Fabrice leva les mains devant sa mère, elle le prit dans ses bras, le serrant bien contre sa poitrine. C’était à la fois la force et le réconfort dont elle avait besoin, avant d’affronter la querelle que Claude ne manquerait pas de lui chercher.

– Pourquoi t’as pas été jouer ? dit-il venant à sa rencontre.

Il la regardait d’un air soupçonneux, les sourcils froncés et les pommettes crispées :

– Ton adversaire vient d’appeler. Tu ne l’as même pas prévenue. Pourquoi ? Explique-toi, bon sang !

– Comment est-ce que je pouvais y aller ? Je suis tombée en panne. J’ai attendu des heures avant qu’on me dépanne. Si tu étais avec moi, ça aurait été plus facile. Mais monsieur n’a rien à cirer de sa femme.

– Tu m’as conseillé de plus te regarder jouer ? Il faudrait savoir ce que tu veux.

– Oui, quand je mets ma jupette. Ce n’était pas le cas aujourd’hui, je suis en short, comme tu le vois.

De l’autre côté de la rue, en face de chez eux, le rideau d’une fenêtre frémit, sous le souffle de la mère Lorin, qui ne perdait pas une occasion de les espionner. Audrey s’empressa de rentrer dans la maison, afin de se dérober aux regards indiscrets.

Claude ramassa le fusil et le ceinturon d’un geste vacillant, puis il la suivit à l’intérieur en grommelant. Tout à coup, Audrey eut la nette sensation qu’il braquait le fusil sur elle : son cœur bondit, affolé ; elle se retourna vers lui d’instinct, au moment où il baissait le canon. Alors, elle le regarda avec méfiance, parce qu’elle le croyait capable de la tuer. Derrière son front assombri, des pensées funestes le travaillaient depuis quelque temps. Il ne la voyait plus du même œil, le soupçon avait adultéré son image dans sa tête. Les rumeurs sur son infidélité que tout le village se répétait de bouche à oreille, et que Candice lui rapportait assorties de remarques malveillantes ; les allusions des collègues qui se gaussaient de sa jalousie ; la curiosité malsaine des voisins qui espionnaient tous leurs faits et gestes, tout cela l’ulcérait un peu plus chaque jour.

Elle se garda bien de lui faire la moindre réflexion, craignant qu’il n’ait appris davantage sur sa liaison avec Nicolas.

« Pourvu que ce sale pêcheur ne m’ait pas reconnu ! Pourvu que ce sale pêcheur ne m’ait pas reconnu… » Fabrice demanda à sa mère de lui donner à boire. Elle lui caressa le front d’une main soucieuse, l’emmena d’un pas nerveux vers la cuisine.

– Alors, t’es tombée en panne, hem ? Quel genre de panne ? demanda Claude.

Il s’approcha de sa femme, incrédule. Elle ouvrit le frigidaire, versa de l’eau fraîche dans un verre. Claude plia le fusil et enleva les cartouches, puis il le déposa sur la table, se prémunissant peut-être contre des tentations funestes. Comme le ceinturon encombrait celle-ci, il le balança par terre, dans un accès de mauvaise humeur, et il jura, donnant un coup de pied sur une chaise qui tomba à la renverse.

Audrey se mit à raconter sa mésaventure, illustrant ses propos avec une mimique expressive. L’accélérateur s’était coincé, pédale à fond, alors qu’elle roulait à plus de cent kilomètres à l’heure, dit-elle, les poings crispés autour d’un volant imaginaire. Elle arrivait sur un virage serré, elle enleva le pied de la pédale, mais le moteur tournait toujours à plein régime. Panique ! Jamais elle n’arriverait à tourner. Que faire ? Plus que cinquante mètres, elle allait se planter dans le décor. Les freins ne suffisaient pas à ralentir le véhicule. Elle mit le levier de vitesses au point mort, le moteur s’emballa dans un bruit d’enfer, les pneus crissèrent quand elle freina à bloc, l’arrière de la voiture se déroba. Elle avait frôlé la catastrophe, ouf !... C’est un miracle si elle n’avait pas capoté. Elle avait réussi à arrêter la voiture sans dommages. Elle tremblait comme une feuille, avait des sueurs froides, quand elle coupa le contact.

Une table de bois verni, avec un fusil de chasse posé dessus, séparait le couple. Claude se tenait en face de sa femme, il ne croyait pas à son histoire d’accélérateur bloqué. Il se tenait appuyé des deux mains sur le dossier d’une chaise. Quant à Audrey, elle s’occupait de Fabrice, qui attirait constamment son attention sur lui, avec ses petits caprices, et elle en profitait pour se distraire de la frayeur qui lui causait l’attitude de son mari.

Son récit n’avait pas produit l’effet escompté sur lui. Il affichait un air calme, ruminant sa colère rentrée, mais elle savait que sa réaction pouvait être aussi soudaine que violente. Elle se disait, pour se rassurer, qu’il n’était pas au courant de son escapade. Il venait de rentrer de la chasse, n’avait pas pris connaissance des derniers commérages. Elle croyait avoir été convaincante ; maintenant, il fallait veiller à ne pas le contredire. Il lui fallait aussi éviter les détails précis, les lieux identifiables, afin qu’il ne puisse pas se livrer à d’éventuelles vérifications.

– Et comment t'as été dépannée ? Tu t’es débrouillée toute seule, hem ? demanda-t-il sans se départir de sa défiance.

Elle s’attendait à cette question, en avait imaginé une réponse vraisemblable. Elle lui montra ses mains tachées de cambouis. Elle était restée des heures durant, le capot soulevé, sur le bord de la route. Elle avait essayé de décoincer l’accélérateur, tirant sur le câble à mains nues, sans succès, parce qu’elle n’avait pas les outils appropriés.

Quelques automobilistes s’arrêtaient gentiment, ils lui demandaient s’ils pouvaient l’aider, mais ils n’étaient pas plus capables qu’elle de résoudre le problème. Ils lui proposaient d’envoyer une dépanneuse, mais elle refusait, vu qu’il s’agissait d’une panne qui pouvait être facilement réparée sur place.

– Enfin, j’ai eu beaucoup de chance. Imagine ! Je vois une Ford Escort noire qui s’arrête devant moi, chargée de valises sur le toit. Devine qui c’était ! José, le Portugais qui a travaillé avec toi. Celui qui a refait l’embrayage de ta 205. On a bien rigolé, parce qu’il avait repeint sa voiture au pinceau, tu te souviens ? Eh bien ! José rentrait de ses vacances au Portugal. Tu sais qu’il porte toujours dans le coffre sa boîte à outils et des pièces de rechange ? Eh bien, c’est lui qui m’a dépanné, tandis que sa femme donnait le biberon à leur bébé. J’ai discuté un peu avec elle. Maintenant, ils habitent du côté de Chaumont, et José travaille dans un garage, d’après ce qu’elle m’a dit.

– On m’a parlé de ça l’autre jour, je sais plus qui. Je vais l’appeler, je l’inviterai à venir passer un dimanche avec nous. C’est un brave gars, hein ? »

Audrey vacilla sur ses jambes, elle crut qu’elle allait s’évanouir. Elle se pencha pour dorloter son fils, tournant le dos à son mari, afin qu’il ne puisse pas voir l’angoisse qui vint tout à coup altérer sa physionomie. Elle ignorait qu’il avait eu des nouvelles du Portugais, car il avait quitté la région depuis plusieurs années. Elle était fort embarrassée, craignait de voir son échafaudage de mensonges s’écrouler tout d’un coup, comme un château de cartes. La situation, qui semblait prendre une bonne tournure, risquait de se trouver compromise, à la suite d’un simple coup de téléphone.

– Attends, Claude, il faut que je regarde mon calepin.

– Nous devons être disponibles pour les recevoir. J’ai envie de boire du café, j’en ferai pour toi aussi.

« Il faut que je l’empêche de téléphoner. Les somnifères, où est-ce qu’ils se trouvent ? Je le ferai dormir, se dit-elle. »

– Attends, tu l’appelleras après. Je vais te faire du café, ça te fera du bien. Il faut que je regarde mon calepin. José doit être fatigué, chéri, il vient de faire un long voyage d’une seule traite. Tu l’appelleras demain.

Claude ne tint nullement compte des remarques de sa femme. Il se moquait bien de ses rendez-vous sportifs. On n’allait pas reporter l’invitation d’un ami à cause d’un match de tennis. Elle n’avait qu’à l’annuler, et l'on n’en parlerait plus.

Il se rendit dans la salle. Elle l’entendit rouvrir et refermer des tiroirs, à la recherche du numéro de téléphone de José. Il gronda le petit qui le gênait dans ses déplacements, lui enjoignit de revenir auprès de sa mère. Celle-ci rappela Fabrice tout en préparant la potion qui, à son avis, enlèverait à son mari toutes ses envies au profit du sommeil.

Dans la tasse où elle allait lui servir le café, elle pila trois comprimés d’un somnifère puissant, de quoi le faire dormir pendant douze heures d’affilée. Elle entendit ses pas dans le couloir, il revenait dans la cuisine,

– Qu’est-ce que tu fabriques ? dit-il, l’air intrigué.

– Mais, je te fais du café, voyons ! Tu ne sens pas sa bonne odeur ?

Il mit le nez dans la tasse qu’elle tenait dans la main, l’inspecta d’un coup d’œil, mais il n’y vit qu’une pincée de sucre qu’elle y avait versée par précaution.

– T'as pas vu quelque part un numéro de téléphone écrit au crayon, sur un bout de papier d’emballage ? Je l’ai pris dans le bottin l’autre jour.

Comme elle répondait négativement d’un signe de la tête, l’idée lui vint qu’il aurait pu le laisser dans la boîte à gants de sa voiture, et il sortit pour aller s’en assurer. L’angoisse d’Audrey était telle qu’elle avait du mal à respirer. S’il fourrait le nez dans le coffre et voyait le panier avec les restes du piquenique, ce serait la bagarre assurée. Elle le suivit du regard à travers la fenêtre. Il ouvrit la portière droite, se mit à fouiller la boîte à gants. Au bout d’une minute, se redressant, il se mit à réfléchir, puis il se déplaça vers l’arrière. Il ouvrit le coffre, abaissa la tête pour regarder dedans. Audrey détourna le regard, l’angoisse lui tordait les entrailles. Elle enleva le fusil de la table, le porta dans un placard avec le ceinturon à cartouchières.

Quand il revint, le bout de papier entre ses doigts, il retrouva Audrey près du téléphone, une tasse de café fumant sur un plateau. Il ne remarqua pas l’effort qu’elle déployait pour dissimuler sa tension nerveuse.

« Ouf ! Je l’ai échappé belle. Il ne l’a pas vu, le panier. Pour une fois, je suis contente qu’il soit bourré. » se dit-elle, voyant le danger s’éloigner. Maintenant, il fallait l’empêcher d’appeler José.


 

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Auteur

J.L.Miranda

29-01-2018

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Méfiez-vous des blondes n'appartient à aucun recueil

 

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