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Méfiez-vous des blondes - Roman

Roman "Méfiez-vous des blondes" est un roman mis en ligne par "J.L.Miranda".. Rejoignez la communauté de "De Plume En Plume" et suivez les mésaventures de Audrey et cie...

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Déjeuner sur l’herbe

 

Nicolas roulait de nouveau dans le sillage de la voiture d’Audrey, mais cette fois, ils avaient convenu de s’arrêter dans un endroit solitaire. Elle choisit un petit parc de stationnement peu fréquenté d’ordinaire. En y arrivant, on voyait à l'écart, à vingt mètres de distance environ, un espace accueillant bordé d’une haie de charmes.

Quand elle descendit de sa voiture, Audrey avait la respiration oppressée, de petits frissonnements agitaient légèrement ses muscles contractés, comme si elle avait froid, alors qu’un temps estival régnait sur le pays. Malgré les belles couleurs de son éventail, l’illusion ne lui avait pas obnubilé l’esprit. Sa jugeote de femme campagnarde, dont elle gardait l’empreinte profonde, lui laissait entrevoir le pétrin où elle risquait de tomber.

En revanche, Nicolas était fringant, plein d’aise, persuadé qu’il venait de franchir un pas décisif vers le but recherché. Il félicita vivement Audrey de l’avoir conduit dans un endroit si pittoresque. C’était une cahute de verdure qui avait pour toit un ciel splendide. On pouvait y savourer la beauté de la nature tout en profitant, presque, de l’intimité d’une alcôve.

La désinvolture de Nicolas déplut à Audrey. Elle se rendit compte qu’il n’était pas venu là pour le plaisir de flirter dans un décor poétique. Elle songea à s’en aller, mais son intention resta au niveau de l’idée.

Cette fois, l’élan volontaire ne fut pas assez énergique pour engendrer l’action, comme l’autre jour sur la route. Elle était attachée à Nicolas par des chaînes invisibles qui l’empêchaient de prendre le volant. Elle sentait les pieds rivés à la mousse qui tapissait le sol, elle ne pouvait pas s’échapper.

Il riait de l’air contraint d’Audrey, d’un rire dominateur. La volupté de la conquête éclatait sur ses lèvres gourmandes, s’amassait aux coins de sa bouche. Il jouissait par avance du frémissement du corps de son amie abandonné dans ses bras.

Elle ne disait rien, se tenant sur ses gardes, comme un animal menacé. Elle écoutait son monologue entrecoupé de silences impatients. Il essayait de la séduire avec une argumentation fourbe sur l’usure du mariage. Ils avaient le droit de se consoler mutuellement de leurs malheurs conjugaux, et il lui répétait que c’était avec elle qu’il aurait dû se marier. Ils auraient fait le couple le plus beau, le plus heureux que le pays ait jamais vu.

Debout, à côté de sa voiture, il se collait contre Audrey, lui faisant sentir l’expression vive de son désir. Il lui coupait le souffle avec des baisers ardents, la tenant à sa merci, quand le ronronnement d’un moteur ralentissant sa course alerta l'oreille d’Audrey. Puis, ce fut le bruit de quatre roues roulant au pas sur le gravier. Elle se dégagea vivement de l’étreinte de Nicolas, se composant la hâte une allure présentable, et déjà le véhicule, dont elle avait la première sentit l'approche, pénétrait l’espace de leur intimité, s’arrêtant à quelques pas de la cahute de verdure.

Audrey saisit nerveusement la portière de sa voiture, laissée entrouverte ; elle se reprocha d’avoir accédé à la demande de Nicolas. Qu’est-ce qu’elle était venue faire dans cet endroit ? Elle aurait dû être chez elle, avec son fils. Elle chercha des yeux l’immatriculation de l’auto, inquiète, et le fait qu’elle soit d’un autre département la rassura sur les conséquences de cette intrusion inattendue. La tête du conducteur ne lui disait rien, elle ne l'avait jamais vu.

Celui-ci descendit de son véhicule et se mit à marcher d’un pas un peu raide, dégourdissant ses jambes, après avoir passé plusieurs heures d’affilée assis au volant. Il s’approcha de la cahute pour uriner. Il aperçut les amoureux, devina pourquoi ils se trouvaient dans cet endroit solitaire, à l’écart de la route. Il leur jeta des regards entendus qui blessèrent Audrey intimement.

La présence de l’inconnu rompit le charme. Elle revint à son idée de partir et, cette fois, elle se sentait assez d’énergie pour la mettre en pratique. Elle remonta dans sa voiture avant que l’inconnu s’en aille. Elle ne voulait pas se retrouver seul à seul avec Nicolas, craignant que sa résolution ne l’abandonne. Il essaya vainement de la retenir. Sa fébrilité dans l’exécution de la manœuvre pour reprendre la route, le grincement de la vitesse et la marche arrière précipitée dénotaient son trouble. Elle partit sans hésiter, faisant un simple signe de la main à Nicolas, sans se retourner.

Elle continua malgré tout de lui accorder des escapades solitaires. Mais elle lui tendait une oreille moins réceptive, tandis qu'il s’efforçait d’élaborer une nouvelle stratégie basée sur la patience, convaincu que le temps l’aiderait à préparer le lit où elle finirait par s’allonger.

Un beau jour de juillet, sachant que Claude serait absent pour la journée, Audrey rejoignit Nicolas au lieu de se rendre sur le court où elle devait jouer un match important. Ils s’étaient donné rendez-vous au bord de la rivière, dans un endroit peu fréquenté où ils ne risquaient pas d’être dérangés. Dans un panier d’osier, Audrey apporta le déjeuner, chaudement enveloppé dans un plaid à carreaux.

Nicolas flaira les odeurs appétissantes qui chatouillaient ses narines, avançant le nez sous le regard amusé d’Audrey, qui se réjouissait devant l’humeur gaie de son ami. Elle se disait qu’elle était encore capable de rendre un homme heureux.

– Miam-miam, que ça sent bon ! Je n’en crois pas mon nez. Que de bonnes choses ! On va se régaler ! dit-il relevant la tête.

– Tu ne t’attendais pas à un repas trois étoiles, hem ?

– Non, pas du tout. Je pensais qu’on allait manger un hamburger avec du coca. De toute façon, ta présence aurait suffi à me combler.

– Mais, si l'on peut avoir deux plaisirs au lieu d’un, c’est mieux, tu ne trouves pas ?

– Oh, mais bien sûr ! s’écria Nicolas. Je me demande comment tu as pu nous préparer tout ça, sans que Claude s’en rende compte.

– C’est jour de chasse, aujourd’hui. C’était prévu depuis quinze jours.

Elle était à genoux auprès du panier, il se trouvait accroupi à ses côtés.

– Tourne-toi un peu vers moi, s’il te plaît. Tu veux bien ? murmura-t-il rapprochant la bouche de l’oreille d’Audrey.

Elle se prêta volontiers au jeu, il mit les genoux devant ses genoux à elle, lui prit la tête entre ses mains.

– Tu es une fille adorable. Tu as tout ce qu’il faut pour me combler. C’est avec toi que je veux vieillir.

– Tu m’as demandé de t’épouser, l’année de nos quinze ans, au bal des pompiers. Est-ce que tu t’en souviens ? demanda Audrey.

– Je m’en souviens comme si c’était hier. Tu portais une robe rouge qui t’allait à ravir.

– Tu n’as rien oublié de notre flirt ?

– Non, je n’ai rien oublié. Je regrette de ne pas avoir persévéré dans mon idée de t’épouser.

– Embrasse-moi comme en ce temps-là, murmura-t-elle tout émue.

Ils se regardèrent bien au fond des yeux, se disant des choses que les mots ne sauraient exprimer, puis leurs bouches s’unirent dans un long baiser.

Audrey étendit sur l’herbe drue une nappe à carreaux bleus. Elle étala dessus le déjeuner qu’elle avait apporté. En plus du plat qu’elle réussissait le mieux, le coq au vin, il y avait un gâteau au chocolat, une bouteille de Saint-Emilion achetée exprès pour lui, ainsi que des crevettes mijotées à sa manière et du fromage de chèvre. Elle s’y prenait avec une certaine cérémonie, contente de voir l’expression comblée de son ami.

Elle se plut à le servir, et elle lui dit qu’elle n’avait jamais eu cette attention envers son mari ; même pas pendant le temps de relative bonne entente qu’ils avaient vécue ensemble, avant la naissance de Fabrice.

Tout en mangeant, ils parlèrent surtout d’eux-mêmes, avec un plaisir sans cesse renouvelé.

– J’ai dit à ma femme mon intention de demander le divorce, dit Nicolas. D’abord, elle s’est emportée, me jetant des mots désagréables à la figure. « Bon débarras ! », qu’elle m’a répondu ; puis, elle m’a planté là et est partie s’enfermer dans la chambre.

« Un peu plus tard, je suis revenu vers elle, pour lui rappeler que nous avons tout essayé en vain, mais j’ai trouvé la porte fermée. J’ai tendu l’oreille, je l’ai entendue sangloter à l’intérieur. Alors, j’ai pensé qu’il valait mieux remettre la question à plus tard, raconta Nicolas.

– Ce n’est pas facile, surtout quand on a des enfants et des biens en commun, observa Audrey, qui avait le même problème.

– On est dans une situation identique. On est obligé de vendre la maison. L'air de rien, même si le bonheur n’y habite plus, on y est quand même attaché, reprit Nicolas.

– Pour franchir le pas, il faut qu’on ait des perspectives d’avenir qui nous permettent de repartir du bon pied.

– L’amour peut servir de levier, il permet de franchir bien des obstacles.

– Oui, sans doute. Mais mon expérience m’a appris qu’il y a une bonne part d’illusion dans ce sentiment. Ce n’est pas une assurance vie, répliqua Audrey.

– Dans mon ménage comme dans le tien, nous avons surtout connu le mauvais côté du mariage. Je veux divorcer pour reconstruire autre chose. Si l'on se met en ménage, toi et moi, c’est pour toujours.

Audrey avait l’impression excitante d’un bonheur qu’elle éprouvait pour la première fois de sa vie. Les heures passèrent à l’allure d’un train dont on n’a même pas le temps de compter les voitures. Elle embrassait Nicolas avec ardeur, elle remontait le temps pour redevenir l’adolescente qu’il avait tenue dans ses bras, quinze ans plus tôt, au bal du 14 Juillet.

Vers le milieu de l’après-midi, lorsqu’elle rangeait les affaires dans sa voiture, il la saisit par-derrière, visiblement excité. Elle se retourna vers lui en se redressant, avec un tendre reproche dans les yeux. Il l’embrassa encore, donnant libre cours à sa passion.

Audrey n’opposa qu’une faible résistance, elle était sur le point de déposer les armes. Au fond de son cœur, elle attendait ce moment avec impatience depuis longtemps. Tant pis pour les conséquences ! C’était l’heure et l’endroit rêvés. Sous le soleil éclatant, elle avait enfin son petit coin de paradis. L’amour, comme le feu d’artifice dans une fête, venait couronner son escapade.

Elle leva la tête pour contempler le ciel et, quand ses yeux revinrent sur terre et se mirent à voguer sur la rivière qui coulait paisiblement, quelques mètres plus loin, ils tombèrent sur un individu. Elle croyait halluciner, c’était un ange ou un démon ? En face d’eux, sur l’autre rive, un pêcheur, le bord du chapeau baissé sur le front, braquait sur eux un œil allumé, s’intéressant aux amoureux plutôt qu’aux poissons.

­– Arrête ! Lâche-moi ! cria-t-elle, tout d’un coup hérissée comme une chatte devant un clébard.

– Mais qu’est-ce qui te prend tout à coup ? Tu te fous de moi ? Tu penses que tu vas t’en tirer comme ça, hein ?

– Tu ne vois pas le type qui nous regarde, là-bas ? s’écria Audrey, affolée.

Nicolas s’écarta, désappointé. Encore une fois, il se voyait frustré dans son désir. Il essaya, néanmoins, de relativiser les choses.

– Nous n’avons pas de chance. Mais il ne faut pas paniquer, Audrey. Tirons-nous d’ici, il n’y a pas d’autre chose à faire. Je te remercie beaucoup de l’après-midi que j’ai passé en ta compagnie, chuchota Nicolas d’un air désolé.

Il remonta dans sa voiture et partit le premier. Audrey fit de même. Elle maudissait l’heure où elle avait décidé de délaisser le tournoi de tennis pour ce pique-nique. Cette fois, c’en était bien fini des rendez-vous avec Nicolas. Elle se jura de ne plus tomber dans ce genre de travers. Elle roulait vite, trop vite, pressée de retrouver sa maison, et elle se répétait continuellement :

“Pourvu que ce sale pêcheur ne m’ait pas reconnu ! Pourvu que ce sale pêcheur ne m’ait pas reconnu ! ”


 

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Auteur

J.L.Miranda

22-01-2018

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Méfiez-vous des blondes n'appartient à aucun recueil

 

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