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Méfiez-vous des blondes - Roman

Roman "Méfiez-vous des blondes" est un roman mis en ligne par "J.L.Miranda".. Rejoignez la communauté de "De Plume En Plume" et suivez les mésaventures de Audrey et cie...

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Audrey sous le charme

 

Audrey était presque rétablie, ses côtes ne gênaient plus ses mouvements. L’appel des courts se faisait plus pressant au fur et à mesure que son état physique et moral s’améliorait. Elle fit un jogging et, après avoir couru à bonne allure environ une heure et demie, elle ne ressentit pas la moindre séquelle. Le test étant positif, elle se sentit prête pour reprendre l’entraînement. La saison était encore longue, il y avait encore beaucoup de tournois à disputer.

Son retour à la compétition eut lieu deux semaines plus tard. Claude ne vint pas assister au match, suivant les conseils de sa femme. En revanche, Nicolas était là, sur la ligne du filet. Leurs regards se croisèrent, il lui fit un signe de la main, elle sourit en brandissant sa raquette. Sa présence lui était aussi agréable que bénéfique, elle le cherchait des yeux en pénétrant sur le court, oubliant les sages considérations qu’elle formulait à son égard. Il était marié et père de famille, elle ne pouvait attendre de lui qu’un amour coupable. Alors, elle n’écoutait que la vérité qu’elle ressentait dans sa chair : elle se sentait l’envergure d’une championne quand il la regardait jouer.

Audrey remporta une nouvelle victoire, Nicolas accourut la féliciter ; il lui proposa une rencontre loin de témoins indiscrets, qu’elle n’eut pas la force de refuser. Elle savait que la déception de son ami lui donnerait du regret.

– On s’arrêtera sur la route, dans un bistrot, on a des choses importantes à se dire, dit-elle excluant ainsi une rencontre dans la nature.

– D’accord. Où tu voudras, je te suis.

C’est sur le chemin de l’école qu’Audrey avait côtoyé ce garçon vif, effronté, qui la taquinait à propos de sa coiffure et de ses yeux qu’il trouvait tantôt verts, tantôt bleus, suivant la couleur du temps et la nature de son humeur.

Au bal du 14 Juillet, l’année de ses quinze ans, Audrey l’embrassa pour la première fois. Il venait de lui demander d’un air sérieux si elle voulait l’épouser. Ils furent séparés par la vie qui les conduisit sur des chemins différents, mais elle avait toujours pensé à lui comme son premier amour. Quand elle songeait à ses plus belles années, la figure de Nicolas émergeait avec un relief particulier, dans ses souvenirs d’adolescente.

La première fois qu’il lui proposa un rendez-vous seul à seul, elle inventa des excuses pour se dérober. Elle essaya de résister à la tentation par un mensonge qui, à la fin, ne fit que l’aiguiser. Elle s’empressa de monter dans sa voiture, répétant que son fils et son mari l’attendaient avec impatience, parce qu’ils avaient convenu de sortir ensemble le soir. Nicolas ne croyait pas un mot de son histoire, il la suivit, signalant sa présence dans son sillage par des appels de phares répétés, exaspérant Audrey.

Soudain, elle s’arrêta sur le bas-côté de la route, hors de ses gonds. Elle descendit de la voiture prestement, l’œil dur, la mâchoire crispée. Il fit de même, venant vers elle, souriant d’aise, s’attendant à un accueil prometteur, et il se vit vertement apostrophé :

– Qu’est-ce que tu as à me coller au cul comme ça ? Je t’ai dit que je suis pressé !

Il ne se démonta pas, prenant l’expression ingénue d’un saint pris en défaut de vertu, la bouche entrouverte, surpris de sa réaction.

– Mais, je ne t’empêche pas de rouler vite, Audrey. Par contre, tu aurais pu t’arrêter dans un endroit un peu plus discret.

Aussitôt, la colère de cette dernière monta d’un cran :

– Parce que tu te figures que je me suis arrêtée pour écouter tes balivernes ? Je te préviens que, si tu continues de me suivre comme ça, je ne t’adresserai plus la parole.

Cela dit, elle remonta dans la voiture, tandis que lui, sans se déconcerter le moins du monde, s’approcha de la portière ; il pencha la tête mettant sa bouche au niveau de la sienne.

– J’adore ton tempérament impulsif. Ton lambin de mari ne te mérite pas. 

Les joues d’Audrey brûlaient, elle bouillonnait au-dedans. Elle le blâma encore du regard, tout en enclenchant la vitesse. Puis, sans crier gare, elle démarra pleins gaz, faisant les pneus crisser longuement sur l’asphalte.

Nicolas resta perplexe, entre le doute et la fascination. Entre-temps, une inquiétude s’insinuait dans l’esprit d’Audrey ; elle se disait qu’il finirait par se lasser, si elle continuait de le rebuter. Plus qu’un fervent supporter, il était devenu une sorte de ressort magique dans son jeu. Sous les encouragements de Nicolas, sa motivation redoublait, son énergie se trouvait accrue. Elle se sentait si forte moralement qu’elle avait l’impression de pouvoir donner plus qu’elle en avait dans le ventre. Cette surestimation de ses capacités, surtout si le match s’engageait sur quelques coups heureux, lui donnait bien souvent un avantage psychologique décisif sur son adversaire.

Un jour qu’il ne vint pas la regarder jouer, parce que sa voiture était tombée en panne sur la route, elle eut tout de suite l’intuition de son absence, avant même de regarder l’endroit où il se tenait à l’ordinaire. Elle comprit qu’il lui faudrait une volonté plus forte et un effort plus grand, si elle ne voulait pas donner une pâle image de soi-même.

Des sentiments confus troublaient sa raison. Elle ne savait plus très bien lequel des deux lui plaisait le plus en lui, le supporter inconditionnel ou l’admirateur galant. Peut-être serait-elle incapable de choisir l’un plutôt que l’autre. La scène au bord de la route lui revenait sans cesse en mémoire, il lui apparaissait plus charmeur que jamais et, en souriant, elle le voyait stupéfait par son démarrage ébouriffant.

Il était plus fort et plus souple que Claude, résolu dans le geste comme dans la parole, l’œil gourmand du chat reniflant une odeur alléchante, et il riait de si bon cœur en sa compagnie que même les poils de sa moustache vibraient joyeusement.

Elle allait passer les quelques jours qui la séparaient du match suivant à se demander s’il reviendrait la soutenir. C’était la fête de l’Ascension, elle s’en souvenait parfaitement. Le temps était ensoleillé ce jour-là. Elle pénétra sur le court la tête basse, faisant rebondir une balle devant elle pour se distraire de ses pensées. Elle pressentait qu’il ne serait pas là. Ce fut un après-midi noir. Jamais elle ne réussit à entrer dans le match. Elle était déconcentrée, trop souvent en retard sur la balle, servant comme une débutante, si bien qu’elle se fit écraser en un temps record.

A la fin du match, elle se hâta de disparaître, confiant à quelques supporters désolés, en passant, qu’elle était souffrante ; et, comme elle doutait que ses paroles, à elles seules, aient assez de poids pour les convaincre, elle afficha à leurs yeux une grimace douloureuse qui lui valut quelques mots de sympathie.

Parce qu’elle avait un rapport avec Nicolas, cette défaite cuisante s’installa d’emblée au cœur de sa vie mentale. Se remémorant l’engueulade sur la route, elle se demandait quelles pouvaient être les raisons de son absence, essayant ainsi d’effacer le doute qui troublait son sommeil. Dans son for intérieur, ayant pesé chaque mot, chaque geste, elle parvint à la conclusion que son attitude ne suffisait pas à justifier une fâcherie quelconque de sa part, pourvu qu’il tienne à elle un tant soit peu. D’ailleurs, ne lui avait-il pas dit, avant son démarrage en trombe, qu’il adorait son tempérament impulsif ? Peut-être avait-il été empêché de venir par un événement imprévu. Il se pourrait même qu’il ait rompu avec sa femme. Leurs relations se dégradaient de jour en jour, d’après les confidences qu’il lui faisait à chacune de leurs rencontres, l’instituant en quelque sorte témoin de la désagrégation de son ménage.

Trois jours plus tard, sa contre-performance retentissait encore parmi les aficionados qu’elle revenait sur le court, fermement décidée à prendre sa revanche. Qu’il assiste au match ou non, il fallait qu’elle l’emporte. Elle souhaitait à vrai dire qu’il n’y assiste pas. Elle avait envie de se prouver à soi-même qu’elle n’avait pas besoin de sa présence, pour développer un tennis de bon niveau.

Mais il ne manqua pas de venir, il était là, posté à la place qu’il affectionnait sur la ligne du filet, faisant parfois le ramasseur de balles. Au moment où il apparut, le match était engagé à l’avantage d’Audrey, elle menait au score, et elle finirait par l’emporter sans vraiment puiser dans ses réserves. Elle fit exprès de l’ignorer. Jamais son regard ne chercha celui de Nicolas.

Le match achevé, malgré la froideur qu’elle lui affichait, il s’empressa de la féliciter comme d’habitude. Elle le remercia d’un mot bref, le gratifiant au passage d’un regard ennuyé.

Elle était d’humeur maussade, sans trop savoir pourquoi. La victoire qu’elle venait de remporter ne la satisfaisait pas outre mesure. Peut-être n’avait-elle pas tout à fait digéré la correction que lui avait été infligé récemment.

Ramassant ses affaires, visiblement pressée, répondant aux compliments qu’on lui faisait avec un sourire un peu forcé, elle quitta le court et prit aussitôt la direction de sa voiture.

Nicolas la raccompagna, essayant de renouer le dialogue, mais elle ne daigna même pas lui accorder un regard. Il lui expliqua pourquoi il n’était pas venu jeudi dernier. Il avait dû emmener son fils aîné à l’hôpital, le crâne fendu, les cheveux trempés de sang, parce qu’il avait fait une chute dans l’escalier. Le lendemain, apprenant sa défaite, il avait regretté de ne pas avoir été là pour la réconforter.

– Et ton fils, est-ce qu’il va bien ? dit-elle avec sollicitude.

– Il s’en est tiré avec une grosse frayeur et une dizaine de points de suture.

Le courant était rétabli entre eux. La déculottée de l’Ascension s’estompa d’autant plus facilement qu’elle venait de renouer avec le succès. Une foule d’atomes crochus, qu’elle avait refoulés à cause de l’incertitude et du doute, s’activèrent tout d’un coup, leur donnant un surplus d’agrément, en guise de compensation.

– J’ai souhaité que tu ne sois pas là aujourd’hui. Je voulais me prouver que je suis capable de gagner, loin de ta présence.

– Le match était plutôt bien engagé quand je suis arrivé, tu menais au score, mais ton tennis n’était pas tout à fait le même.

– Pourquoi tu dis ça, tu me vois jouer quand tu n’es pas là ?

– J’étais arrivé presque au début, mais je me suis placé à un endroit où tu n’as pas l’habitude de me voir.

– Donc, tu as vu les premiers jeux. Et alors, c’était brillant ?

– Tu joues un bon tennis, ton coup droit est efficace, ton service aussi, mais il te manque le surplus de vitalité que seul l’amour peut te donner.

– Quel prétentieux ! »

Leur conversation à bâtons rompus procura à Audrey un plaisir rarement ressenti auparavant. Le bonheur de la parole y prenait sa dimension la plus étendue.

L’attirance de son ami agissait sur elle comme un euphorisant injecté dans ses veines, et elle finit par changer sa vision du monde et le rapport des choses. Il détenait le pouvoir redoutable de lui communiquer ses désirs, influençant par la même occasion sa volonté et son jugement. Alors, elle avait tendance à minimiser les interdits, perdant de vue les inconvénients qui, dans sa situation de femme mariée, pouvaient advenir de telles rencontres. Les ennuis qu’elle encourait, en se laissant aller de la sorte, ne lui causaient pas de frayeur. Elle allait jusqu’à se moquer du qu’en-dira-t-on et de la jalousie de Claude.


 

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Auteur

J.L.Miranda

15-01-2018

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Méfiez-vous des blondes n'appartient à aucun recueil

 

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