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Méfiez-vous des blondes - Roman

Roman "Méfiez-vous des blondes" est un roman mis en ligne par "J.L.Miranda".. Rejoignez la communauté de "De Plume En Plume" et suivez les mésaventures de Audrey et cie...

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L’impudence de Nicolas

 

Audrey venait de s’arrêter au bord de la route, elle se mit à marcher au bas d’un talus sans but précis ; elle voulait juste prendre l’air. Elle se sentait un peu abattue ce jour-là, était mécontente de la tournure que prenait sa situation.

Elle s’était renseignée sur les démarches pour entamer la procédure de divorce, apprit que ce serait bien plus long et coûteux qu’elle ne l’avait supposé. Claude la harcelait de supplications alternées avec des menaces. Il lui reprendrait Fabrice de gré ou de force, si elle refusait de se soumettre. De plus, les ragots sur son compte avaient repris de plus belle, et sa mère la tançait tous les soirs.

Elle entendit le bruit d’une voiture qui s’arrêtait sur la route. Nicolas l’avait suivi. Cette fois, elle n’eut pas la force de lui résister. Elle se donna à lui les yeux fermés, tirant de sa faiblesse, faute de plaisir, la satisfaction de la vengeance. Il n’avait pas rentré les pans de la chemise qu’il lui demandait quand ils retrouveraient pour s’aimer de nouveau.

– J’ai quitté Claude, je vais demander le divorce. Et toi, tu n’as rien fait. Tu me prends pour une gourde, hein ? Tu n’as aucune intention de quitter Michèle.

Pris de court, Nicolas ne savait trop quoi répondre, il se tenait devant Audrey, l’air gêné. Elle poursuivit sur le même ton :

– Tu m’as prise au dépourvu, profitant d’un moment de faiblesse. Ça fait longtemps que tu cherchais la faille. Tu sais, je n’ai tiré de ce rapport que la piètre satisfaction de tromper Claude. Au bout du compte, tu n’es qu’un dragueur cynique, un homme à femmes.

– J’essaie de convaincre ma femme d’accepter le divorce à l’amiable. Sinon, c’est bien trop cher pour nos moyens. Elle refuse obstinément.

– Je n’en crois pas un mot. Tu mens, comme tu l’as toujours fait depuis le début. Demain, je l’appellerai et je lui dirai tout. Je lui dirai de ne plus se soucier avec les fréquentations de son mari. Il n’y aura plus de rendez-vous galants entre nous.

– Tu ne vas pas me faire ça, quand même !

– Ah ! que si, je le ferai. Ça te donne la trouille, hein ? Tu sauras ce que c’est que l’enfer de la jalousie. Je ne veux plus de toi comme entraîneur. A tout prendre, je préférerais me rabibocher avec Claude.

Nicolas mordillait sa moustache, blessé dans son amour-propre. Tant pis, si Audrey ne voulait plus de lui. Il n’avait pas l’intention de divorcer d’avec sa femme, pour se remarier avec elle.

– Quoi qu’il arrive, j’ai atteint mon but. Je me suis envoyé une belle blonde, dit-il haussant les épaules.

Cette réplique assassine résonna longtemps dans la tête d’Audrey, avec des répercussions dévastatrices. Elle avait la sensation angoissante que des pans entiers de sa vie intérieure étaient sur le point de se désagréger. En vain, il essaya de se rattraper, elle ne se donnait même pas la peine de répondre, lui tournant le dos. La rupture était bel et bien consommée entre les deux amis cette fois.

L’impudence de Nicolas répandit dans les veines d’Audrey un froid aseptisant qui, la pénétrant jusqu’au tréfonds de son être, eut raison de ses illusions amoureuses. Elle avait fini par croire en lui, elle rêvait de refaire sa vie avec lui et le voilà qui, d’un seul trait, lui révélait l’inanité de ses sentiments, affichant un sourire de triomphe donjuanesque, devant la femme éperdue qu’il venait de posséder.

En rompant avec Nicolas, elle perdit son seul point d’appui, au moment où ses rapports avec sa mère devenaient de plus en plus tendus. La connivence de Jeanne avec Claude et Candice lui apparaissait évidente. Elle lui montrait le chemin du foyer conjugal comme la seule issue viable, et Audrey lui répondait, inébranlable, que le cimetière lui semblait préférable.

– Si je rentre à la maison, ce sera le drame avant huit jours. Je finirai par lui rentrer la brioche d’un coup de fusil.

La rupture avec sa mère eut lieu un soir quand elle rentra du travail, après avoir rembarré Nicolas qui cherchait à renouer le dialogue. Elle ne vit pas Fabrice sortir de la maison pour courir à sa rencontre. L’air contraint, Jeanne se tenait sur la défensive en prévision d’une nouvelle friction. Claude était venu chercher le gamin, et il lui avait fait savoir qu’Audrey ne le reverrait plus.

Elle se rendit sur-le-champ chez sa belle-mère, décidée à reprendre son fils. On l’empêcha de l’approcher. Munie d’une fourche, Candice cria férocement :

– Fous le camp, salope ! Un pas de plus et je te perce le cul !

Audrey prit la route de Paris dans la soirée. Eperdue, elle demandait à sa voiture tout ce qu’elle avait sous le capot, roulant comme si elle avait les flammes de l’enfer aux trousses. Elle courait se réfugier auprès de son frère, Jacques, qu’elle n’avait pas vu depuis les dernières vacances.

Elle était sûre qu’il ferait tout ce qui était dans son pouvoir pour l’aider. C’était un garçon sérieux, réfléchi, très proche des siens, capable de trouver le conseil approprié, le mot rassurant, porteur d’espoir.

Il lui rappelait leur père qui les avait quittés trop tôt. Quand elle était petite, il veillait sur elle ; et c’était à lui qu’elle confiait ses petits malheurs. Depuis lors, ils étaient unis par une amitié sans faille. Il habitait à Paris depuis une dizaine d’années, à la suite d’un concours de la poste qu’il avait réussi. Il exerçait le métier de facteur et avait trouvé la femme de sa vie. C’était une petite brune aux joues pleines et à l’œil morne, qui n’inspirait pas beaucoup de sympathie à Audrey.

Une fois arrivée dans la capitale, elle s’égara dans d’innombrables détours et dut se renseigner à plusieurs reprises, avant de trouver le domicile de Jacques. Elle frappa à sa porte avec insistance, de plus en plus fort, mais rien ne bougea à l’intérieur. Un roquet se mit à japper dans l’appartement juste au-dessous. Il était deux heures du matin à sa montre, tout le bâtiment semblait dormir. De toute évidence, son frère était absent.

Ce fut à cet instant précis que le suicide, dont la tentation l’effleurait de temps à autre, lui apparut comme la seule issue possible. Après une course folle, elle se retrouvait, les nerfs éreintés, devant une porte close, dépourvue du soutien qu’elle était venue chercher.

Elle redescendit dans la rue, elle repartit à la dérive sous une pluie battante, puis elle tourna longtemps en rond, sans trop savoir vers où aller. Elle finit par tomber en panne sèche sur le boulevard Serrurier, qu’un ciel bas assombrissait ; elle regardait autour d’elle, n’apercevait personne à qui s’adresser. Elle poursuivit son errance à pied, marchait parfois au milieu de la chaussée, se disant qu’elle finirait bien par trouver la délivrance. Elle frissonnait de fatigue et de froid, s’efforçant de ne plus penser, de ne plus sentir.

Elle souhaitait mourir avant l’aurore. Même l’image de son fils, qu’elle aimait de tout son cœur, se dissolvait dans le noir poisseux de ses pulsions de mort.

Le désir d’en finir prit corps soudain au fond de la nuit. La lumière des phares l’enveloppa dans un faisceau de rayons insaisissables. Elle regardait le gouffre avancer dans sa direction. Le halo qui dissimulait sa gueule béante s’élargissait très vite, devenant plus intense chaque seconde, l’éblouissant, la clouant sur les pavés.

Alors, elle écarta les bras attendant le choc, la lampe qui explose, les chaînes qui se brisent juste avant que la nuit éternelle ne la transperce... Et ce fut un crissement de pneus sur la chaussée, la voix d’un homme en colère.

« Mais qu’est-ce que vous foutez au milieu de la chaussée, nom de Dieu ? s’écria-t-il sortant de la voiture. Vous n’êtes pas blessée, au moins ? Est-ce qu’il faut appeler des secours ? »

Jacques alla chercher sa petite sœur à l’hôpital, et il l’emmena chez lui. Il possédait un deux-pièces cuisine joliment décoré, qui donnait sur une rue tranquille. Sa femme, Helga, qu’Audrey avait jugée un peu rêche à son goût, se montra aimable, compréhensive, et elle lui dit que son mari lui parlait souvent de leur enfance. Avec une complicité féminine qui s’ébauchait, elle lui dit à l’oreille qu’il était inutile de se réconcilier un jour pour se fâcher le lendemain.

En revanche, Jacques essaya de la persuader qu’elle avait l’intérêt à se réconcilier avec Claude. Même s’il ne s’agissait que d’une façade. Il lui jeta le bras autour des épaules comme autrefois, échangea un regard fraternel avec elle, l’assurant de son soutien inconditionnel.

– A Paris, tu te sentiras bien, je te connais. Tu seras libre, personne ne se mêlera de ta vie privée. Je te suggère vivement de passer le prochain concours pour entrer à la poste.

Le lendemain, Claude arriva à Paris, l’air conciliant. Il se montra tout sucre, tout miel, avec un seul but en tête : ramener sa femme avec lui. Sous les conseils de Jacques, il eut la sagesse de ne pas égrener des remontrances, refoulant autant que faire se peut les bouffées de rancune qu’il avait l’habitude de mêler avec des accusations. Il ne fut question que de l’avenir.

Il s’efforça tant bien que mal d’adapter son discours aux attentes d’Audrey, qui lui exigea des excuses. Rien ne serait plus pareil, il avait changé pendant son absence, dit-il. Ils repartiraient du bon pied, il en était sûr, et il jura de ne jamais revenir sur le passé. Et même, si elle le souhaitait, ils pourraient vendre la maison et aller vivre ailleurs.

Vu l’attitude de son mari, Audrey ne pouvait refuser la réconciliation. Sans le moindre enthousiasme, elle la plaça sur le socle de la raison, à l’écart du feu grésillant de l’amour.

Regardant sa petite sœur d’un œil complice, Jacques lui chuchota à l’oreille avant de prendre congé :

« A très bientôt, petite sœur ! Rappelle-toi ce dont nous avons parlé. Je t’enverrai tout ce qu’il te faut pour réussir. »

A suivre...


 

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Auteur

J.L.Miranda

25-02-2018

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Méfiez-vous des blondes n'appartient à aucun recueil

 

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