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Méfiez-vous des blondes - Roman

Roman "Méfiez-vous des blondes" est un roman mis en ligne par "J.L.Miranda".. Rejoignez la communauté de "De Plume En Plume" et suivez les mésaventures de Audrey et cie...

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Audrey et sa mère

 

C’était le début d’une période noire, marquée par la solitude et les soucis pour son avenir, pendant laquelle Audrey vécut au bord de la folie. Elle se laissait aller à la provocation et à la démesure, avait envie de tromper son mari, pour se venger de la punition qu’il lui avait infligée. En même temps, elle narguait les commères du village qui, en vérité, étaient plus envieuses de sa séduction qu’outrées par sa conduite. Bravant les convenances, bafouant la morale, elle dérivait l’âme en peine, délaissée par sa propre mère, pour se retrouver dans une station de métro à Paris, seule à seul avec le néant de son existence.

Les rapports d’Audrey avec sa mère avaient toujours été orageux. Celle-ci préférait Daisy, sa sœur aînée, qui était infirmière. Même son frère, Jacques, était placé bien plus haut qu’elle dans son estime.

Jeanne était une femme simple et courageuse, elle bénissait la vie quand elle avait du bois à brûler sur l’âtre et du pain pour nourrir sa maisonnée. Ses relations avec les gens étaient plutôt superficielles. Son cœur ne débordait pas de chaleur humaine à partager. Mais elle aimait beaucoup ses enfants. Si elle donnait moins d’affection à Audrey qu’aux autres, c’était peut-être parce que celle-ci était la chouchoute de son père.

Audrey eut beaucoup de mal à s’en remettre quand il les quitta, victime d’une crise cardiaque. Un beau jour, dépitée par les largesses que sa mère avait envers Daisy, elle perdit les pédales. Elle lui dit sans détour que papa aurait pu être encore en vie, si elle avait eu le souci de le ménager, sachant parfaitement que son cœur était fragile. Il était toujours surmené parce que, en plus du travail à l’usine, il se démenait pour arrondir sa paie. Il ne voulait pas que sa femme ait à se plaindre de son sort. De son côté, sous-estimant les avertissements du médecin, elle ne l’avait jamais incité à se reposer.

Sous le choc, le visage de Jeanne devint livide, laissant voir en profondeur les flétrissures de l’âge. Elle resta interdite, suffoquée par la brutalité des griefs, l’estomac noué comme un poing rageur.

Au bout d’un instant, elle détourna le regard ; puis, faisant un effort pour se ressaisir, elle grommela entre ses dents :

Quelle peste que cette fille ! Comment ai-je pu porter une abomination pareille dans mon ventre ? J’aurais dû l’étouffer à la naissance. »

Elle se retourna vers Audrey, les traits défaits, elle releva la tête et les épaules dans une secousse spasmodique. Sur un ton sévère, elle jeta à la figure de sa fille tout le mal qu’elle pensait d’elle, lui prédisant de grands malheurs :

« Des accusations, c’est tout ce que tu sais faire ! Tu es butée, égoïste et méchante, ma petite. Tu es pareille à une belle orange sans une goutte de jus dedans. Tu n’auras jamais rien, puisque tu n’as rien à donner. Que dalle ! Tu iras ton chemin toute seule, et tu finiras ta vie abandonnée de tous ! »

Les reproches insensés qu’Audrey fit à sa mère portèrent un coup fatal à leurs relations. Elle ne la chassa pas de sa maison, mais adopta une attitude distante, se cantonnant dans le rôle de mère par devoir, se montrant le plus souvent d’humeur maussade. Son ressentiment, au lieu de s’amenuiser pour disparaître avec le temps, s’était fondu dans l’idée négative qu’elle se faisait de sa fille cadette, l’assombrissant un peu plus.

N’empêche qu’elle fut sérieusement ébranlée quand elle vit Audrey tomber sur le plancher, à ses pieds, couverte de sang et de larmes, terrorisée, gémissant comme une petite fille sortant d’un cauchemar.

« Maman ! Maman ! Ferme la porte, maman ! Il va venir ici nous tuer ! »

Il y avait dans son regard toute la pitié dont le cœur d’une mère est capable envers son enfant, au-delà des ressentiments et des désaccords susceptibles de les éloigner l’une de l’autre. Dès qu’elle lui dit, entre deux sanglots, que son mari avait voulu la tuer à coups de ceinture, elle s’indigna maudissant son gendre que, du reste, selon sa propre expression, elle n’appréciait guère plus qu’une piqûre dans les fesses.

Elle décida qu’Audrey s’installerait chez elle avec Fabrice, jusqu’à ce qu’elle ait retrouvé une situation à sa convenance.

Le lendemain, de bonne heure, elles se rendirent ensemble à sa maison. Audrey y allait chercher Fabrice et, par la même occasion, elle en profiterait pour prendre des affaires dont elle avait besoin.

Elles retrouvèrent Claude en pyjama, dessoûlé, allant d’une pièce à l’autre, sans but précis. Il n’était pas parti à l’usine, ne savait pas trop quoi faire. Voyant arriver sa femme, il crut qu’elle rentrait la tête basse, en femme soumise. Il eut l’air très malheureux lorsque sa belle-mère lui apprit qu’Audrey allait habiter en sa compagnie et qu’elle avait l’intention de demander le divorce.

Comme il contestait le bien-fondé de sa résolution, elle lui dit en face ce qu’elle avait sur le cœur

– Tu l’as bien cherché, toi. Je savais que ça finirait mal. Moi, à sa place, je ne t’aurais pas supporté si longtemps. Être traitée comme une bête de somme et battue comme une chienne ? Non, pas ça, mon garçon, ma fille mérite mieux !

– Elle me trompe, c’est une salope ! Il fallait voir comme elle était heureuse qu’il soit à la maison, comme ils se regardaient sous cape.

– Qu’est-ce que tu en sais, malheureux ? Tu l’as prise sur le fait ? Des ragots que ta mère noircit exprès pour te monter la tête contre Audrey. Maintenant, elle va pouvoir te trouver une femme à son goût.

– Ma mère m’a dit la vérité. Le père Justin l’a vue au bord de la rivière, pendu à son cou, prête à se faire baiser.

– Il faut pas croire ce vicieux, il passe sa vie à raconter des cochonneries.

– Y a pas que lui, tout le monde sait qu’elle me trompe avec Nicolas.

– Admettons-le, puisque tu y tiens tellement ! Ce n’était tout de même pas une raison pour la tuer à coups de ceinture. Si une femme trompe son homme, c’est parce qu’elle n’est pas heureuse avec lui. C’est ça qu’il fallait voir.

Audrey n’intervint pas dans cet échange qui risquait de dégénérer très vite en altercation. Elle se dépêcha de rassembler ses affaires, se déplaçant d’un pas nerveux, la mine assombrie, contenant avec peine sa rancune. Gare à lui ! s’il s’avisait de la provoquer : elle lui jetterait toute sa haine à la figure.

Il eut le bon sens ou la faiblesse de laisser Audrey libre de prendre tout ce dont elle avait besoin. Tandis que Jeanne s’occupait du petit, elle chargea ses affaires dans la voiture.

Bientôt, elle était prête à s’en retourner, une clé de la maison dans la poche, comme si elle partait en vacances. Elle n’avait pas l’expression réjouie d’une personne qui a devant soi de beaux jours en perspective, au contraire, elle était soucieuse, révoltée contre sa chienne de vie. Jamais son avenir n’avait été aussi incertain.

Claude n’essaya même pas de retenir Audrey, il sentait bien qu’il ne pouvait rien pour changer le cours des choses. Comme il la suivait l’air contrit, avec cette allure pitoyable d’un homme prêt à fondre en larmes, elle lui dit sèchement, sans détour :

« Ce n’est pas la peine de faire cette tête. Je ne veux plus de toi, c’est fini ! Je ne veux plus de toi ! Je vais à l’hôpital faire constater l’état où tu m’as mis. Je verrais comment tu vas expliquer tout ça au juge, le moment venu. »

Deux jours plus tard, Claude quitta la maison à son tour. Il retourna chez sa mère où il retrouva sa chambre de célibataire. Après de longues années de vie commune, ils revenaient tous les deux au point de départ. Audrey se disait que, s’il lui était possible de remonter le temps et de tout recommencer depuis le début, malgré l’enfant qu’elle avait porté dans les entrailles et qu’elle chérissait de tout son cœur, elle n’unirait pas sa vie à celle de Claude.

Elle regrettait amèrement son erreur. Elle avait passé les meilleures années de sa jeunesse à la poursuite d’un but – bâtir une maison pour son enfant – sur une voie tourmentée qui, finalement, aboutissait à la séparation. L’enfant et la maison ne lui avaient pas apporté le bonheur dont elle avait tant rêvé. La maison était là, portes et fenêtres closes, lui rappelant son échec. Elle y allait de temps à autre, lorsqu’elle était sûre de ne pas y rencontrer son mari ; accablée de tristesse, il lui arrivait de s’affaisser sur une chaise et de pleurer amèrement.

Elle s’affairait à la recherche d’un emploi. C’était une condition essentielle pour retrouver son indépendance et pouvoir faire des projets d’avenir. Nicolas lui apportait un précieux soutien moral, n’hésitant pas à l’épauler dans ses démarches, si bien qu’elle finit par être embauchée dans une bonneterie, un peu grâce à son intervention.

Elle ne cachait plus sa liaison amoureuse avec lui. En plus des rencontres sur les courts de tennis, il venait parfois la retrouver à la sortie du travail. Elle se moquait de sa réputation, ne laisserait pas le qu’en-dira-t-on gâcher son plaisir. Bientôt, elle alla encore plus loin, prenant Nicolas comme entraîneur. Cette fonction justifiait sa présence à ses côtés.

Ayant eu connaissance de cette fréquentation assidue, la mère d’Audrey la sermonna sévèrement. Avait-elle perdu la tête ? En cas de divorce, vu son dévergondage, elle n’obtiendrait même pas la garde de son fils. Et puis, que pouvait-elle attendre d’un homme marié avec deux enfants à charge ?

Elle lui répondit qu’ils étaient simplement de bons amis et qu’elle n’avait rien à se reprocher. Elle disait vrai. Elle n’avait pas encore consenti aux rapports charnels que Nicolas souhaitait ardemment. Cela devait arriver peu après sous un ciel recouvert de gros nuages noirs, dans une atmosphère étouffante, orageuse.

 


 

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Auteur

J.L.Miranda

19-02-2018

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Méfiez-vous des blondes n'appartient à aucun recueil

 

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