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Méfiez-vous des blondes - Roman

Roman "Méfiez-vous des blondes" est un roman mis en ligne par "J.L.Miranda".. Rejoignez la communauté de "De Plume En Plume" et suivez les mésaventures de Audrey et cie...

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Un dimanche cinglant

 

Le lundi de Pentecôte, de façon inattendue, les choses tournèrent à l’avantage de Nicolas, lui permettant de placer la carte qu’il possédait en main sur un coup gagnant. Audrey disputait la finale d’un tournoi qu’elle avait gagné l’année précédente ; et, cette fois, elle avait encore la faveur du public.

Plus de cent spectateurs assistaient au match, ce qui était considérable dans une petite ville de province, étant donné qu’il s’agissait d’un tournoi pour amateurs.

Audrey menait au score dans le jeu décisif qui devait déterminer le vainqueur de la première manche. Après un vif échange, son adversaire s’entêta à contester le point qui permettait à Audrey de l’emporter. Elle affirmait que la balle était tombée hors de la ligne.

Descendant de son perchoir, l’arbitre, après vérification, trancha en faveur d’Audrey. Pendant la pause, alors que les deux joueuses s’apprêtaient à reprendre le match, une altercation éclata sur le bord du court. Certains supporters se retournèrent contre l’arbitre, et l’un d’entre eux lui dit qu’il accordait des points litigieux à certaines joueuses, pas trop farouches, qui acceptaient de le rétribuer en nature. Outré, celui-ci abandonna la direction de la partie, estimant qu’il lui était impossible de poursuivre son travail, après les injures et la calomnie dont il avait été l’objet.

En même temps, Claude s’en prenait à l’insolent qui, sous les huées de la foule, menaça de lui rabaisser le caquet d’une paire de taloches. Audrey s’approcha empoignant sa raquette comme une arme contondante, prête à prendre part à l’échauffourée qui semblait inévitable. Claude se trouvait seul et désemparé devant le fauteur de troubles qui, lui, était épaulé par deux autres zigotos de même acabit.

Ce fut à ce moment précis que Nicolas vint se placer aux côtés de Claude. Il tenait à la main le pieu qu’il venait d’arracher dans la clôture d’un chantier avoisinant.

– On dirait qu’ils cherchent la bagarre, les mecs ? dit-il calmement. Et il s’adressa avec assurance au provocateur : « Tu veux arbitrer le match, toi ! On te donnera deux coups de bâton pour chaque faute que tu feras au profit de ta championne, ça te va ? »

La querelle n’alla pas plus loin. La fermeté de Nicolas, qui tenait le pieu en position de frappe, désarma les couards, qui se retirèrent en proférant des menaces. Le match reprit sous la direction d’un nouvel arbitre. Cet incident stimula Audrey, tant et si bien que, en moins d’une demi-heure, elle écrasa son adversaire sous un score sans appel : deux manches à zéro.

Curieusement, la victoire ne l’enivrait pas outre mesure ce jour-là. Le plus important n’était pas le trophée, les bravos, les félicitations, car la perspective d’un rapprochement avec Nicolas lui accaparait l’esprit. Celui-ci se joignit à eux et trinqua à sa victoire dans un bistrot, puis il les accompagna jusqu’au village. Tenant à lui montrer sa gratitude, Claude, qui était un peu émoustillé, invita Nicolas à venir chez eux boire un verre et manger un morceau.

Comme ils s’acheminaient vers la maison, Audrey alla chercher Fabrice chez sa mère. En rentrant, quelque temps plus tard, elle les trouva attablés devant une bouteille de vin, du saucisson, des olives, une terrine de pâté, du jambon, des cacahouètes… Claude avait mis sur la table une bonne partie des provisions stockées dans le réfrigérateur. Même le reste du gâteau qu’ils avaient entamé au déjeuner s’y trouvait. Ils se racontaient des histoires de chasse, lestes, parlant fort et riant bruyamment.

Claude dirigea le regard vers l’entrée de la cuisine où sa femme venait de paraître, tenant Fabrice par la main. Intrigué par la grimace qu’il vit sur sa figure de son hôte, Nicolas se retourna pour la regarder. Leur alacrité grossière retomba tout d’un coup. Un silence pesant se fit dans la pièce. Audrey ne dit pas un mot, mais ils sentirent que leur tenue lui déplaisait, en voyant son visage renfrogné et le reproche qui fusait sous ses sourcils froncés.

Elle claqua la porte de la cuisine, leur tournant le dos dans un mouvement de colère, puis monta à l’étage coucher Fabrice.

– Audrey est de mauvais poil, observa Nicolas. Il vaut mieux que je file.

– C’est rien, vieux ! Bois encore un coup ! Mais... y a plus une goutte dans la bouteille...je vais chercher une autre, attends.

– C’est bon. Faut que je reprenne la route.

– Attends-moi là, bouge pas ! La soirée est encore longue. »

Quand Audrey redescendit dans la cuisine, les retrouvant toujours attablés, à moitié soûls, elle fut incapable de se retenir. Elle interpella sèchement son mari.

– T’as vu l’heure qu’il est, Claude, hem ? Demain, tu bosses dans l’équipe du matin.

– Ca y est, je savais qu’elle allait ramener sa fraise. Fais-nous du café.

– Non, pas pour moi. Merci. Je m’en vais, Claude. Demain, il faut que je me lève tôt, dit Nicolas, déjà debout, rentrant sa chaise sous la table.

Il échangea avec Audrey, bien malgré elle, un regard d’intelligence qui n’échappa pas à Claude. Nicolas serra la main de ce dernier, embrassa avec gourmandise les joues de marbre de son amie. Prenant congé d’eux, il passa dans le hall d’entrée. Comme Claude restait assis à sa place, malaxant des miettes de gâteau entre ses doigts, le regard sombre, Audrey raccompagna Nicolas d’un pas raide, dans une attitude qu’elle voulait froide et détachée.

Avant de s’en aller, Nicolas se retourna vers Audrey, l’air suppliant d’un enfant malheureux.

– Je me sens si bien près de toi que j’y passerai toute la nuit. Pourquoi tu ne veux pas de moi ? »

Elle resta imperturbable, ne desserra pas les lèvres. A peine lui avait-il tourné le dos qu'elle referma la porte sur lui. Ses mots l'avaient touché intimement, elle sentit vibrer dans son cœur une aspiration irrésistible.

Elle aurait tant aimé sentir, dans ses bras, les parfums enivrants qu’elle pressentait au cœur de la nuit, lorsque le cri d’un hibou, chargé de mauvais présages, perça les ténèbres au loin.

Claude l’attendait dans la cuisine, malaxant toujours des miettes de gâteau entre ses doigts, le regard mauvais, les commissures des lèvres abaissées. Dans l’atmosphère électrique qui régnait dans la pièce, elle sentit l’orage se rapprocher. Elle se mit à débarrasser la table. Elle tenait à laisser la cuisine propre et rangée avant d’aller se coucher.

Claude la suivait l'air menaçant. Tout à coup, il lança une boulette de gâteau contre le réfrigérateur et la dévisagea, le regard hargneux.

–Tu gâtes pas mes invités, hein ? Une vraie mégère! grogna-t-il, l’air mauvais. Depuis quand t’es fâchée avec lui ? Je t’ai posé une question, réponds ! cria-t-il tapant sur la table avec force du plat de la main. Y a pas si longtemps, tu l’embrassais à pleine bouche au bord de la rivière. Et même tu te serais fait sauter, s’il n’y avait pas un pêcheur en train de regarder. L’œil perçant du père Justin a tout vu.

Elle s’efforçait de rester sereine, lui tenant tête, elle nia toutes ses accusations d’une voix ferme, un peu essoufflée néanmoins :

– C’est faux, archifaux ! Le père Justin est un vieux cochon qui prend ses désirs pour des réalités !

– Ah ouais !... J’ai fait vérifier avant-hier le câble de l’accélérateur de la voiture, il n’a jamais été touché.

– Demande à José, c’est lui qui l’a réparé.

– J’ai demandé de ses nouvelles à son cousin. Il est rentré au pays l’année dernière. J’aurais dû te plomber le cul l'autre jour, salope ! »

Il se remit debout, le teint bilieux, le menton tremblant, les traits défaits par la hargne. La jalousie lui enflammait la cervelle.

Tout à coup, il renversa la table contre la porte pour couper la retraite à sa femme. Il enleva sa ceinture, enroula dans la main le bout opposé à la boucle. Il l’avait à sa merci. En vain, elle le suppliait de lui pardonner. Il frappait aveuglément n’importe où, tantôt, attrapant sa femme par les cheveux, tantôt, la rejetant contre les meubles, criant qu’il allait la tuer. Elle protégeait sa figure autant qu’elle le pouvait, lui tournant le dos, croisant les bras sur son front.

La fureur de Claude grandissait au fur et à mesure qu’il la battait, comme s’il en éprouvait un plaisir sadique.

Elle finit par réagir, se jetant contre lui de tout son poids, désespérée, avant qu’il n’achève de labourer son corps. Il perdit l’équilibre, tomba à la renverse contre la table qui barricadait la sortie. Il n’eut pas le temps de se relever qu’elle ouvrait la fenêtre, sautant à pieds joints sur la pelouse du jardin.

En quelques enjambées, elle regagna la rue, puis elle se mit à courir aussi vite qu’elle en était capable. Au bout de sa course éperdue, elle frappa à la porte de sa mère à grands coups, désespérée, comme si elle avait une bête féroce aux trousses. Quand Jeanne vint ouvrir, Audrey s’élança vers l’intérieur et tomba sur le plancher, à ses pieds ; elle haletait terrorisée, couverte de sang et de larmes, et elle gémissait comme une petite fille sortant d’un cauchemar :

– Maman ! Maman ! Ferme la porte, maman ! Il va venir ici nous tuer ! 

– Qui va venir nous tuer ? Qu’est-ce qu’il est arrivé ? s’écria Jeanne, effarée.

– Regarde ! gémit Audrey, montrant le dos meurtri à sa mère. Elle avait le corsage tout taché du sang de ses blessures.


 

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Auteur

J.L.Miranda

11-02-2018

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Méfiez-vous des blondes n'appartient à aucun recueil

 

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