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Les Esras Terrès ! - Histoire

Histoire "Les Esras Terrès !" est une histoire détente mise en ligne par "Deogratias"..

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Les "Esras Terrès"

 

 

Tim a 3 ans. Haut comme trois pommes, il aime bien s’endormir le soir avec sa petite lampe qui projette des étoiles sur le plafond de sa chambre.

A 3 ans, vous avez remarqué ? Rien n’est tout à fait comme nous : les grandes personnes. Au temps de l'innocence, on ne connait pas les bonnes manières, on n’aime pas non plus les mêmes choses, on n’a pas davantage le même vocabulaire. C’est normal. « Pour faire un homme, mon Dieu, que c'est long..." dit la chanson.

 

Tim, il aime poser des questions. C’est un bambin très éveillé. Tout l’intéresse : le cou des girafes, les griffes des paresseux, les fleurs carnivores, les pixels des écrans, les légos en bois, le sac à main de maman, le chocolat posé sur le haut de l’armoire dans la cuisine, les feutres fluos, les bagnoles surtout les « cracteurs ! ». Oui, je sais, il a une façon toute particulière de prononcer tous les mots en Tr, Cr, chr, vr…Ce foutu R qui vient  s’emmêler dans sa bouche ! C’est pas bien facile tout de même !

 

Tim est donc un petit garçon comme beaucoup de son âge. Plein de vie. Plein de joie. Plein de tout. Il respire à la poésie des premières fois, il avale l’air comme on boit un nectar, il court aussi vite que les années qui passent, il aime bien tricher au jeu du cache-cache, il ramasse les marrons pour les jeter dans l’étang. Il aime bien voir comment ça fait, quand c’est fait : « Plouf ! ».

 

A 19 heures, toute la petite famille était arrivée dans le grand hôtel sur le lieu de leurs vacances. Juste huit jours arrachés à un emploi du temps surchargé. Huit jours avec Tim, ses rêves, ses envies, son innocence. Quand ils furent sur place,  Anthony, le papa, avait demandé à l’accueil où était leur chambre. L’hôtesse d’accueil lui avait répondu :

- « Chambre 13, 13ème étage ». Il avait souri, puis il avait ajouté :

- " Vous vous moquez de moi n’est-ce pas ? ».

- « Non ! » avait répondu la dame un peu gênée. Sabrina, sa femme, avait alors pris la parole :

- « Vous espérez qu’il nous arrive un malheur peut être ? ».

- « Oh, madame, non, nous n'y avons même pas pensé ! Vous aviez demandé une suite parentale avec une chambre pour l’enfant et une belle vue avec terrasse. Il nous restait la 13. Vous verrez, on y est bien ! Et jusqu’ici, je vous assure que tous nos clients n’ont jamais eu de souci ! ».

Les parents se regardèrent dubitatifs, ils étaient du genre à croire au chat noir, à l’échelle qu’il faut éviter, au pain à ne pas retourner sur la table du déjeuner, alors le chiffre 13 de l’étage 13 pendant leurs vacances, voilà qui les effrayait quelque peu. Enfin, ils se firent une raison.

 

Ils ne furent pas déçus. Tout était magnifique. Un décor fantastique aux couleurs pastelles. Un grand lit avec du linge bien repassé. Pas comme chez eux. Sabrina, faute de temps, avait depuis longtemps renoncé à la corvée du repassage.

Une belle terrasse leur permettait, malgré la hauteur, d’aller au soleil sous un parasol installé là. Tim fut tout de suite enchanté. « Oh ! c’est beau ! » avait-il dit en découvrant la ville vue d’en haut et la mer juste devant. « Oui, enfin, c’est haut tout de même ! avait répondu Sabrina, moi, ça m’fout le vertige ! ». « C’est quoi le vertige ? » avait demandé Tim. « C’est quand on a peur de la hauteur ! » avait répondu avec maladresse sa mère, consciente que ce n’était pas tout à fait la bonne réponse. « Ben moi j’ai pas peur ! ». Fin de la discussion.

 

Les premiers jours s’écoulèrent entre baignades à la mer, restaurant et balades aux environs. Près de Nice, la beauté de la nature est à couper le souffle. Les bateaux arrimés, le soleil au zénith, le sable sous les pieds, le vent chaud, les sourires des touristes, les façades colorés partout. C’était le bonheur. Intact. De quoi reprendre souffle avant le retour au quotidien si bien rempli, avant la monotonie des jours gris, des transports en commun, des smartphones trop bavards, avant surtout le moral des jours sans relief, sans insouciance.

 

Attablés pour le déjeuner devant un moules-frites tant convoité, les parents de Tim mangeaient avec bonheur, tout décontractés. Tim de son côté s’évertuait à faire couler le ketchup dans son assiette. C’est alors que la conversation s’engagea de nouveau :

- « Où elles sont les étoiles dit papa ? » ;

- « Eh bien on les voit la nuit tu sais ! seulement la nuit ! »

- « Et pourquoi on les voit que la nuit ? ». Anthony sourit.

- « Parce que ! ». Sabrina intervint :

- « C’est le Bon Dieu qui l’a voulu comme ça ! Tu n’as pas ta lampe avec toi, c’est ça Tim ? ». Il hocha la tête en signe d’approbation.

-  « Evidemment elle te manque, tu as du mal à t’endormir parce qu’elle n’est pas là ! ».

- « Oui ! "  répondit-il dans un sourire à vous fendre l’âme.

- « Tu sais, tu n’as qu’à fermer les yeux pour les imaginer devant toi ! ».

- « C’est pas pareil !  ».

L’échange en resta là. Nul besoin de s’appesantir sur ce problème qui n’en était pas un, en tout cas pas pour les grandes personnes. Tim n’avait qu’à finir son assiette avant de retrouver sa pelle, son rateau et son seau.

La journée s’écoula sans heurt ni soucis.  L'humeur de Tim cependant s’assombrissait en même temps que le jour déclinait. Après s’être fâchée devant ses récriminations continuelles depuis plus d’une heure, Sabrina le coucha : « Que tu le veuilles ou non, tu dois dormir ! Tu es fatigué Tim ! Arrête de rouspéter ! ». Tim fut donc bordé, embrassé, voilà. Fin de la journée.

 

Après un premier sommeil venu d’un coup d’un seul, Tim se réveilla. Sans sa lampe, tout était bien noir ! Il se leva et prit la direction de la chambre de ses parents. A sa grande surprise, ils n'étaient pas là. Il en fut surpris. C’est à ce moment précis que les choses se compliquèrent.  Plus jamais les parents n’oublieront ces fameuses vacances.

  

Tim, puisqu’il était seul, n’avait qu’un désir : voir les étoiles que d’ordinaire sa lampe projetait sur les murs de sa chambre. Puisqu’elles n’étaient pas là, il décida d’aller les cueillir. C’est Mamé qui disait ça : « Ceuille les étoiles mon chéri ! Va les cueillir ! », elle disait toujours cela au moment du coucher.

Ça le faisait rire. Il voulait bien lui, Tim, aller cueillir les étoiles. « Ben puisqu’elles sont pas là, j’vais aller les cueillir ! ». Ni une, ni deux, voilà notre petit homme sur la terrasse dont la porte était restée ouverte. « Mais elles sont trop hautes, j’peux pas ! ». Il avait beau se dresser sur les pointes de ses pieds nus, rien à faire. Pas moyen de les toucher. « Pfff  ! », il soupira, tout déçu.

Un peu attristé mais non pas découragé, il remarqua soudain une petite porte sur le côté droit , bien petite, un peu cachée. Il décida d’aller voir. Habile, juché sur ses pieds, il ne parvenait pas à atteindre la poignée. C’est alors qu’il se mit à réfléchir. Il se souvenait que parfois avec un banc, il suffisait de se mettre dessus pour atteindre ce qui était plus haut que lui.

Il traina donc, tant bien que mal, la grande chaise placée là sous le parasol et entreprit d’ouvrir cette porte récalcitrante. « ça marche ! » s’écria-t-il tout à sa joie. Après l’avoir ouverte, il vit juste derrière un petit escalier en colimaçon. Il grimpa tout de suite dessus. Les marches étaient hautes mais avec Zozo dans les bras, il pouvait tout.

Zozo c’était un panda en peluche offert par Mamé au retour du Zoo de Beauval. Il adorait les pandas. Il faisait une véritable fixation sur cet animal fétiche. Muni donc de son Zozo, il aimait bien ce prénom, « c’est rigolo ! », il montait les escaliers avec soin. Une autre porte se situait tout en haut. Petite cette fois-ci. Un peu comme une trappe. Il ouvrit, ce fut facile. Et là, il se retrouva sur le toit de l’immeuble.

 

« Oooooh ! » fit-il « c’est beau ! ». Il se mit à rire : « J’vais les cueillir ! J’vais les cueillir ! ». Tout excité, il avança droit devant, le nez en l’air. Tim est à un âge où rien n’est impossible, ce n’est pas comme nous. Encore une différence. Il se souvenait bien de son livre, son préféré, celui avec des images. Il aimait bien les comparer avec son plafond étoilé : « Là, y’a les étoiles, puis là , les filantes, on peut pas les attraper, elles volent trop vite ! ».

Tim a aussi beaucoup d’imagination. "Trop peut-être !" affirmeront les grands. Il s’en moquait lui, il voulait dormir au milieu des étoiles. Le nez posé sur un nuage ensommeillé, il contemplait les planètes, il toussait pour les faire avancer. Il regardait la lune, ce grand disque jaune au milieu. Il pensait qu'il aimerait bien la cirer un peu. Comme le chiffon de maman qu’elle passait un peu partout sur les meubles le samedi matin. La lune « elle sentirait  boooon ! ». Il adorait cette odeur. Il aimait tant embrasser l’univers, parler au cosmos, naviguer sur la poussière des astres. 

Il désirait être « asronaute » pour toucher Saturne. Il enlèverait ses anneaux pour les ramener à sa Mamé. Quelle bonne idée ! Couché sur un nuage, il voudrait bien voler lui aussi à la vitesse de la lumière. « Pt’être j’verrai des "Esras Terrès" ! ». Ils auraient tous la couleur du panda géant, celui du Zoo. Comme eux, Tim était sûr que les "Esras Terrès" seraient bien gentils. Ils auraient tout leur temps pour l'écouter, lui, Tim. Petit innocent debout sur le toit d’un building à plus de 23 heures.

 

Pas sot, il se souvint du vertige à maman. Lui aussi, il commençait  à se demander si le vertige n'allait pas le prendre. Alors, il avait décidé de s’assoir. La tête levée vers le ciel, il murmurait : « C’est trop haut ! »…Puis, les yeux lourds de sommeil, il chuchota à l’oreille de la nuit : « z’attends les "Esras Terrès", ils vont venir ! ». Il commençait à rouspéter un peu contre le froid qui venait doucement lui caresser les pieds. Il les cacha sous ses jambes qu’il recroquevilla près de lui. Toujours la tête en l’air, il attendait de voir le même spectacle que celui de sa chambre. Il entendait la voix de Mamé, il posa sa tête sur le front de Zozo puis avec lenteur se laissa glisser sur le sol. Il s'endormit. Le nez dans le ciel, le cœur en orbite et l’âme bien droite.

 

Pendant ce temps, les parents étaient rentrés de leur courte promenade en amoureux. Par réflexe, le premier geste de Sabrina fut d’entrouvrir la porte de la chambre de Tim pour voir si tout allait bien. Il dormait si profondément tout à l’heure ! C’est là qu’elle vit le lit vide. Elle cria : « Tim ! Tim ! ». Pas de réponse. Son sang ne fit qu’un tour, aussi vite que les étoiles filantes de son garçon rêveur, les larmes lui montèrent aux yeux. « Mon Dieu, Anthony, Tim ! Tim ! Tim ! ».

Elle eut beau appeler, personne ne répondait. Ils cherchèrent partout. Dans tout l'hôtel : « Vous ne l’avez pas vu ? ». Non, personne ne l’avait vu sortir. « Mais comment est-ce possible ? ». La dame à la réception était formelle  « Si un enfant était passé par là, nous l’aurions vu tout de suite ! ». Affolés, angoissés, les mains moites, le cœur saisi d’une terreur sans nom, Sabrina et Anthony fouillèrent partout : les couloirs, le jardin, le restaurant du hall. Rien. Pas de Tim ! Volatilisé ! Ils commençèrent à penser au pire. Ils appelèrent la police.

 

Comment auraient-ils pu deviner que les cueilleurs d’étoiles vont sur les toits ? Je vous l’ai dit, les grands et les petits vivent dans deux mondes parallèles : ni les mêmes mots, ni les mêmes goûts, ni les mêmes rêves. Tandis que les recherches battaient son plein dans un hôtel maintenant étranglé par une angoisse hors norme, notre petit Tim lui continuait de se promener sur la terre des étoiles, muni des anneaux de Saturne, à la recherche des « Esras Terrès » en forme de Panda chinois.

 

Tout d’un coup, comme un cri de délivrance, un voisin s’écria : « Regardez ! ». Tous levèrent la tête, postionnés devant la façade du building dressé comme un défi vers le ciel, ils virent Tim debout sur le toit. Remplis de stupeur, tout le monde s'agitait. Le petit qui avait dû se réveiller, vêtu de son pyjama jaune, se tenait bien droit près du bord. Les gens se mirent à parler fort et à courir partout.

Anthony prit l’ascenseur à toute vitesse, il courut vers la terrasse, il remarqua ce qu’il n’avait pas vu quelques minutes plus tôt : la petite porte entrouverte sur le côté. Il se précipita sur le toit et appela Tim. Il tentait de cacher sa peur pour ne pas l'effrayer. « Tim ! Tim ! Tu viens Tim ? ». L’enfant tourna la tête. « Papaaaa ! » puis courut se jeter dans ses bras.

Tout soulagé, des larmes plein les yeux, il demanda :

- « Mais qu’est-ce que tu fais là Tim ? Bon sang ! Tu nous a fait une peur ! ».

- « Pourquoi vous avez peur ? Je cherchais les "Esras Terrès" ! ».

Son père ne put s’empêcher de rire. Quand Sabrina le tint elle aussi dans ses bras, elle crut qu'elle allait s'évanouir de bonheur. Les voisins, le personnel, tous soupiraient de soulagement.

"Je vous présente Tim, l’ami des Extras-terrestres !", s'exclama son père alors qu'il le soulevait à bout de bras.  Fort de cette renommée soudaine, Tim ne trouva rien de mieux que de lever le bras pour montrer son biceps invisible. Autant vous dire que l’hilarité fut générale.

 

Vous avez aimé mon histoire ? En ce qui me concerne, c’est Tim qui me l’a racontée. Oui, vous pouvez me croire. Pour m’aider à m’endormir le soir, je me suis acheté, depuis peu, une lampe qui projette elle aussi non pas des étoiles mais des vagues de toutes les couleurs avec une petite musique d’ambiance, je crois que c’est elle qui m’a conté la belle épopée de Tim.

 

La prochaine fois que vous verrez des étoiles, laissez donc tranquille le Petit Prince et sa rose, pensez plutôt à Tim et à Zozo, regardez bien, vous les verrez danser avec les étoiles sur le toit d’une tour.

Au fait, vous l’avez su ? Ils ont bel et bien rencontré les "Esras Terrès" ! Oui, oui, je vous assure !

Qui sont-ils ? Oh, la réponse est simple : ils sont un peu comme moi, un peu comme nous tous...

 

Des petits poètes rêveurs sur les toits de l'Amour. Déguisés en….

 

 

« Esras Terrès ! »

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Deogratias

15-07-2024

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Les Esras Terrès ! appartient au recueil Histoires courtes

 

Histoire terminée ! Merci à Deogratias.

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