![]() Venez publier une histoire détente ! / Protéger une histoire détente |
|
|
|
Le Nouvel Ascenseur
Voilà quelques semaines qu’Eugène était rentré de vacances et quelle ne fut pas sa surprise de découvrir un nouvel ascenseur dans son immeuble. Il n’en revenait pas. Un ascenseur tout propre, avec un joli décor beige. Une rampe grise posée sur le mur du fond. Un ascenseur moderne, sans tag, sans saleté, sans odeur. Un de ceux qu’il pouvait voir quand il se rendait dans une grande administration ou un cabinet médical. Un de ceux que possédaient certains restaurants « haut de gamme », le groom en moins. Il était content Eugène. Son HLM avait fait des efforts. Rien que pour les pauvres bougres, qui, comme lui, ne touchaient que le smic ! Il savait qu’il n’avait pas les moyens de se loger ailleurs.
Eugène ne se plaignait pas. Son quartier n’était pas encore une zone de non-droit. On y était bien. Oh bien sûr ça lui aurait plu de vivre comme les riches, comme ceux de la rue d’en face qui habitaient dans une résidence de « haut- standing ». Il avait vu ça sur le mur publicitaire juste avant sa construction. Mais maintenant qu’il avait un ascenseur tout neuf, sa cité devenait une résidence. Sa pauvreté n’était plus une tare. Il avait un ascenseur de riche dans un immeuble de pauvres !
Eugène était content. Il avait même pouffé de rire lorsqu’il se retrouva entre les quatre murs de cet engin ascensionnel. « Flambant neuf ! » s’écria-t-il. C’était trop drôle tout ce confort inattendu pour les cabochards qui partagent avec lui ce même espace de vie.
Mais voilà, il y a 8 jours à peine, alors qu’il faisait encore doux, que les oiseaux réveille-matin sifflaient encore le lever du jour, Eugène avait dû prendre l’ascenseur de bonne heure. Quelle ne fut pas sa surprise ! Une femme, tout d’un coup venue de nulle part, s’était mise à proclamer : « 2ème étage. Ouverture des portes ! ». Eugène regarda autour de lui : Personne ! Il entra dedans, appuya sur le bouton du rez-de-chaussée et entendit alors : « Fermeture des portes ! ». D’où venait cette voix ? Il n’y en avait pas avant ! Arrivé au rez-de-chaussée, la même voix se mit à retentir : « Rez-de-chaussée ! Ouverture des portes ! ».
Totalement ahuri, il comprit qu’il s’agissait d’une boite vocale. A chaque utilisation, à la montée comme à la descente, il entendrait cette voix féminine proclamer : « Ouverture des portes ! Fermeture des portes ! 2ème étage ! Rez-de-chaussée ! Fermeture des portes ! Ouvertures des portes ! ». Alors qu’il n’avait rien entendu jusqu’ici depuis son studio voilà que dorénavant toute sa journée était ponctuée par ces répétitions incessantes. Eugène devenait irritable. A une ou deux reprises il avait crié fort en même temps que cette garce enfermée dedans : « OU-VER-TU-RE DES POR-TES ! ». Il avait poussé une voix terrible. Il espérait ainsi qu’elle la fermerait sa grande gueule ! Mais rien à faire. La femme prisonnière de l’engin ne cessait ni ses voyages, ni ses annonces. Après trois jours, il commença pourtant à s’y faire. Avec le temps, il ne l’entendait plus que par instants. Sauf bien sûr au moment de l’utiliser. Eugène en avait pris son parti, dès que les portes s’ouvraient, il criait plus fort qu’elle : « 2ème étage ! OUVERTURE DES PORTES ! ». « Oh, se disait-il, ma voix masque la sienne, au moins pour moi, rien que quelques secondes ! Enfin, presque…Elle est péniiiiiiible ! ».
Mais voilà, deux journées entières s’écoulèrent, toujours un matin, Eugène avait toujours été ce qu’on appelle un « lève-tôt », il découvrit, horrifié, qu’une personne avait tagué l’intérieur de ce moyen de transport pas comme les autres. La colère lui monta au nez. « Si je trouvais le salopard qui a fait ça ! ». Il n’en revenait pas. « Pour une fois qu’on a, à notre disposition, quelque chose de neuf ! ». Il avait envie de crier : « les gens sont cons ! ». Au moment où il appuya sur le bouton de sa destination, la femme se fit entendre : « Fermeture des portes ! ». Il se mit à l’interpeller : « Et toi la voix, ça ne te met pas en rogne qu’on esquinte ton outil de travail ? Révolte toi bon sang ! ». Mais il n’eût pour toute réponse : « Rez-de-chaussée, ouverture des portes ! ». « Elle est conne cette nana ! Mais quelle idée d’avoir mis cette voix ! Pourquoi n’ont-ils pas fait comme sur certains GPS ? La voix de Fernandel, un accent du midi. Ça aurait d’la gueule ça au moins ! …. »
Les heures passèrent. Après une longue marche dans les rues piétonnes de sa ville, il rentra. Il toucha le bouton de l’appareil en se préparant à entendre : « Rez-de-chaussée : Ouverture des portes ! ». C’est ce qui se produisit en effet, mais oh surprise ! Encore une ! Voilà qu’il vit juste devant lui, sur le mur du fond, un nouveau miroir fixé là, avec la rampe en acier juste en dessous à hauteur des jambes. « Roooooo ! Que je suis déçu ! Pour une fois qu’il n’y avait pas de vitre ! ça ne sert à rien ! Si non à se déprimer quand on voit sa bouille chaque matin ! ». Décidément, sa bonne humeur, une fois de plus, en une fraction de seconde, se brisa tel du verre, dans cet ascenseur qui obéissait aux nouvelles normes « pour personne handicapées » et donc obligatoires.
Voilà qui aurait pu s’arrêter là, mais, voyez-vous, Eugène est sensible. C’est comme ça, c’est inscrit dans ses gênes. Il s’endormit sur son canapé au retour de sa promenade. Il fit un rêve atroce. Il se vit enfermé seul dans l’ascenseur avec cette bonne femme invisible. Elle lui susurrait à voix basse dans le fond de l’oreille : « Ouverture des portes mon Eugène ! ». Puis, tout transi de colère, il remarqua une caméra miniature cachée derrière le miroir. « Ah voilà ! C’est pour ça ! »… Eugène se réveilla en sueur. « N’importe quoi ! Tu dérailles complètement ! ». Il explosa de rire.
Le lendemain, alors qu’il s’apprêtait à utiliser l’objet de son cauchemar, soudain, il regarda sur sa droite. La porte : « ESCALIERS » lui tendit sa poignée. En quelque sorte. Il descendit les marches, dans la joie : « Pourquoi n’y avais-je pas pensé ? Après tout, je ne suis qu’au deuxième étage ! ». Rempli d’un sentiment libérateur, il rata une marche et se retrouva cul parterre. Il entendit alors une autre personne qui appelait l’ascenseur. La voix résonna très fort à ses oreilles tandis qu’il était au sol. La femme se moquait de sa chute, ironique, elle hurla : « Ouverture des portes ! ».
|
|
"Soyez un lecteur actif et participatif en commentant les textes que vous aimez. À chaque commentaire laissé, votre logo s’affiche et votre profil peut-être visité et lu."
Le nouvel ascenseur
appartient au recueil Histoires courtes
Lire/Ecrire Commentaires ![]() |
|
  | |
Histoire terminée ! Merci à Deogratias. |
Tous les Textes publiés sur DPP : http://www.de-plume-en-plume.fr/ sont la propriété exclusive de leurs Auteurs. Aucune copie n’est autorisée sans leur consentement écrit. Toute personne qui reconnaitrait l’un de ses écrits est priée de contacter l’administration du site. Les publications sont archivées et datées avec l’identifiant de chaque membre.