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Le Lampadaire - Texte

Texte "Le Lampadaire" est un texte mis en ligne par "Deogratias"..

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Dédicace spéciale à Ted, à qui j'avais promis d'écrire une suite à son propre texte à partir de la même image.

Le Lampadaire



- Je suis un lampadaire, enfin, je ne sais pas bien. Je crois qu’avant, dans les temps anciens, on m’appelait « réverbère ». Il y avait les allumeurs, le soir venu, qui me donnaient lumière et chaleur. Maintenant, je suis un lampadaire. 


- Es-tu certain d’être ce que tu dis mon ami ? Interrogea le parapluie.


- Oui, pourquoi cette question ?


- C’est que tu me serres entre tes mains sans jamais me lâcher ! A-t-on déjà vu un poteau aussi têtu qui jamais ne me ferme ? 


- C’est vrai, répliqua le banc esseulé depuis plus de deux heures, mon Dieu qu’il pleut !  Pourquoi te fatiguer de la sorte mon ami ? Quand l’eau tombe, elle tombe partout. Tu te fatigues en vain, voilà la vérité.


- Non, vous avez tort. Je sers à quelque chose. 


- A quoi ? s’écria le parapluie qui jamais ne pouvait se fermer


- Oui, à quoi ? demanda à son tour le banc qui jamais ne restait sec bien longtemps.

Alors, le lampadaire tout ému devant tant d’incompréhension leur expliqua 

**************

 

"Il était une fois : La poésie. Souvenez-vous :

 

Un jour, une jeune femme toute arrosée par l’eau du ciel vint jusqu’à moi. Elle était si jolie, je ne pouvais pas laisser la pluie ruisseler ainsi sur la peau de ses bras nus. Aussitôt, je me suis penché pour l’abriter. Quand elle me vit bouger pour la protéger, elle s’écria : « Voilà qui est étonnant ! ». 

Ma lampe aussitôt s’éclaira d’un sourire radieux. Le temps pluvieux formait milles gouttes transparentes sur notre banc. Elle hésita à s’asseoir. Quand elle leva la tête pour me regarder d’un peu plus près, elle vit mon parapluie protecteur d’humidité. Elle se réjouit alors tout à fait rassurée.  

 

Lorsqu’enfin, elle s’assit, la grande expédition pluvieuse débuta. Tous les quatre, moi, le parapluie, le banc, la jeune fille, nous nous retrouvions en train de voguer sur les vagues scélérates du climat agité.  Et de babord, et de tribord, nous partions vers une destination inconnue. Nous cherchions à nous protéger loin des assauts du vent, de la pluie torrentielle et des briseurs de rêve toujours à l’affût. 

 

Te rappelles-tu ce jour mon ami ? demanda le lampadaire au banc si discret, c’était moi le navigateur à la tête de notre petite embarcation. Nous avons flotté durant de longues minutes tel un bouchon perdu au milieu de l’océan. Je n’étais pas sûr d’accoster quelque part". 

 

- Quelle était notre destination mon ami ? demanda le parapluie qu’un frisson parcourait
 
- Je ne le savais pas justement. Je crois que nous rêvions d’aborder le Soleil. A l’abri des intempéries automnales, nous désirions le ciel caniculaire éloigné des tempêtes. Nous étions las des colères, celles des éléments déchaînés qui nous assaillent tout le temps. 
 
- Je me rappelle maintenant, dit le banc fatigué. Nous étions comme le radeau de Robinson en quête d’une terre, de temps sec et de clarté. 
 
- C’est cela. Nous étions condamnés à rester toujours là, sous la voûte d’une météo maussade. Nous espérions connaître enfin les rives d’une contrée semblable aux îles pacifiques. Tant de nuages en larmes nous attristaient bien trop.
 
- Ah oui, je me souviens moi aussi ! S’écria le parapluie toujours ouvert
 
- Alors que ma conduite n’était pas des plus sûres au milieu de toute cette inondation, tu as agité tes petites baleines secouées par la fureur du temps. 
 
- Oui, alors, nous nous sommes envolés. Plus haut, toujours plus haut, quelque part entre ici et le ciel. Par je ne sais quel hasard, nous étions revenus à notre point de départ. L’eau dégoulinait partout sur nos membres, le sol trempé refusait de nous abandonner. C’est là que nous avons compris.
 
- Quoi donc ? interrogea la lampe qui jamais ne se redressait, comme si, pour toujours, elle regardait à l’horizon d’où viennent les moussons.
 
- Le sens de notre vie.  Nous étions faits pour la pluie non pas pour le soleil. Si nous avions été construits pour le climat tropical, toi le lampadaire tu serais un palmier, je serai un ananas gorgé de soleil et  toi le banc tu serais une piscine. 
 
- C’est vrai, répondit la jeune fille qui n’avait rien perdu de la conversation.
 
- Tiens, elle est encore avec nous ? s’étonna le banc qui ne l’avait pas remarquée.
 
- Eh bien oui, nous l’avions oubliée. Elle est invisible dès que le soleil revient. On ne peut la percevoir que lorsque le temps est mauvais. C’est à ce moment-là uniquement que les passants peuvent la deviner, assise ici, avec nous. Elle n’est invisible que pour ceux qui ne nous remarquent pas. Mais quel mystère ! Dès qu’une personne veut bien prendre un peu de son temps, il peut la remarquer aussi. Elle est omniprésente.



un petit coin de paradis




- Oui, tu as raison. Nous ne sommes pas trois. Nous sommes toujours trois plus un, nous avons toujours près de nous quelqu’un qui s’abrite des intempéries. Dès qu’un passant nous observe, c’est l’invisible qu’il peut voir, non pas seulement nos attitudes inertes.
 
- Exactement, confirma le parapluie courbaturé par son ouverture définitive. Tantôt je vois une jeune fille, tantôt je vois plutôt un jeune homme.
 
- Et pourquoi pas un vieillard âgé qui repose le menton sur son pommeau de canne ?
 
- Oui, bien sûr. Tout est possible. Regardez bien. Qui voyez-vous ? 
 
- C’est un bien beau métier que le nôtre, reprit le lampadaire un peu trop penseur. S’il faisait toujours beau, nous n’aurions aucune utilité. 
 
- Il était une fois la poésie, répéta alors le meuble urbain qui jamais plus ne se plaignait d’exister par temps de pluie.
 
- Oui, répondit l’écrivain qui lui donnait la parole. Tu éclaires de ta lumière la tristesse de nos jours gris, tu protèges nos âmes d’enfant de nos chagrins sans fin. Tu nous donnes la permission de rêver.



Et vous, qui me lisez, qui voyez-vous sur ce banc ?



 

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Deogratias

23-10-2024

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Le Lampadaire appartient au recueil textes

 

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