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Le fugitif du Sud-Express - Grande Nouvelle

Grande Nouvelle "Le fugitif du Sud-Express" est une grande nouvelle mise en ligne par "J.L.Miranda".. Rejoignez la communauté de "De Plume En Plume" et suivez les mésaventures de Gilberto et cie...

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Le fugitif du Sud-Express

 

Gilberto échappe de justesse à la police qui est à ses trousses. Sur le campus, il pousse ses camarades à la révolte contre le régime répressif qui opprime le peuple. Alors, la PIDE, Gestapo portugaise, reçoit l'ordre de mettre le trublion hors d'état de nuire. Il réussit à monter à bord du Sud-Express en partance pour Paris, mais les policiers le repèrent à la dernière minute. Commence alors une poursuite impitoyable à travers la péninsule Ibérique. Gilberto aurait pu choisir un autre moyen pour quitter le pays. Seulement, il sait que Sonia est dans le train. C'est une fille dont il est tombé amoureux pendant les vacances. L'envie de la rejoindre lui fait prendre des risques insensés.

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L’étoffe des héros

 

Un jeune homme de taille au-dessus de la moyenne, coiffé d’une belle casquette, ornée d'un écusson de l'université d'Oxford, et portant des lunettes noires, se glissa au milieu des passagers dans la gare de Campanhã, visiblement soucieux de passer inaperçu. Il était sur le qui-vive, surveillant le quai d’un bout à l’autre, attentif à tout ce qui bougeait alentour.

La veille au soir, il se trouvait sur une esplanade, dans le centre de Porto, quand le serveur lui apporta un verre de grenadine et une enveloppe cachetée, de la part d’un monsieur… Le garçon se retourna pour lui montrer ce dernier, mais le mystérieux messager avait disparu.

Le jeune homme ne fut nullement surpris par cette péripétie. La grenadine signifiait qu’il avait affaire à la cellule révolutionnaire de la ville, où il avait des accointances. Elle lui adressait un message qui devait être urgent, vu la façon dont il lui avait été transmis. Il retira la carte de visite insérée dans l’enveloppe, où l’on avait griffonné cette phrase : « Les chiens sont à tes trousses, ils veulent ta peau. » Par chiens, son correspondant désignait les agents de la PIDE, la police secrète de Salazar.

Dès lors, il n’était pas question de rentrer chez lui, car les sbires du dictateur l’y attendaient sans aucun doute. Il cherchait où passer la nuit en sécurité lorsqu’il pensa à Dolores, sa camarade de faculté qu’il avait tirée d’affaire, une nuit que des voyous l’avaient prise à partie, à la sortie d’une salle de cinéma. Par la suite, ils devinrent de bons amis dont les rapports, néanmoins, ne dépassaient guère les limites du campus.

Dolores était une fille sans complexes, à l’aise partout où elle passait, ce qui n’était pas facile pour une femme, sous la chape de plomb que le régime faisait peser sur la jeunesse. Elle fut étonnée de voir Gilberto sonner à sa porte, mais sa physionomie calme ne trahit pas la moindre contrariété. Elle lui fit bon accueil, l’invitant à l’intérieur sans hésitation. Elle se trouvait seule ce soir-là, car sa colocataire était absente depuis quelques jours.

Le visiteur se garda bien de lui révéler la véritable raison de sa présence. Il lui dit qu’il fuyait un individu, avec qui il avait des démêlées à cause d’un pari qu’ils avaient fait sur un match de football. Comme ce dernier avait gagné, il venait de lui enjoindre de payer, sous peine de se voir arracher les couilles. Or, la somme étant trop importante, il se trouvait dans l’impossibilité de régler la question.

Dolores fit la moue, incrédule, elle n’était pas dupe. Epris de liberté, Gilberto militait sur le campus contre le régime, appelant leurs camarades à l’action révolutionnaire. Elle adhérait totalement à ses idées, admirant son courage et son ardeur, et elle l’épaulait dans son action autant qu’elle pouvait. Il devait se sentir menacé, cherchait sans doute refuge dans un endroit où il croyait que la police ne viendrait pas le trouver.

Au matin, avant de quitter Dolores, Gilberto lui recommanda vivement de ne dire à personne qu’il avait passé la nuit dans son domicile. Il ne voulait surtout pas lui causer des ennuis. Il lui promit de prendre contact avec elle, dès qu’il serait en sécurité.

« Tu vas passer ta vie à fuir à cause d’un pari ? » fit-elle, prenant un air moqueur.

« Je dois changer de nid chaque soir. Comme si j’avais une meute de chiens aux trousses, répondit-il. » répondit-il, avec un clin d’œil. »

Le nombre de passagers sur le quai avait grossi. À la suite d’une bousculade provoquée par deux passagers, dont l’un accusait l’autre de vouloir lui voler son portefeuille, un petit vieux tomba sur la voie, au moment précis où un train arrivait. Il n’allait pas s’arrêter, à en juger par son allure. L’accident semblait inévitable, le train allait écraser le malheureux.

D’un bond, Gilberto rejoignit le petit vieux, il le coucha entre les rails, et il s’était juste aplati lui-même à ses côtés quand la locomotive arriva à leur hauteur. Un suspense insoutenable pétrifia le quai, pendant la poignée de secondes que le convoi cacha les deux hommes.

Enfin, on les vit étendus sur les traverses, la main du jeune homme tenant la tête du petit vieux assujetti contre le ballast. Ils s’en étaient sortis indemnes. Le héros aida le miraculé à se relever, sous les applaudissements mêlés de bravos de la foule enthousiaste.

Devenu l’objet de toutes les attentions, le jeune homme se sentit tout à coup en danger. Il mit l’indicateur sur sa bouche, puis mima le mouvement d’une fermeture à glissière, avant de disparaître dans le tunnel creusé sous les voies. Il se dirigea droit vers le Sud-Express dont le départ était imminent.

Au même moment, deux hommes firent irruption dans la gare, se comportant avec la désinvolture et l’autorité d’individus au-dessus des lois. Le plus fort des deux avait un physique nerveux, l’œil inquisiteur, les pommettes saillantes et une balafre sur la face gauche, s’étendant de l’oreille au coin de la bouche. C’était l’inspecteur Beluga, redouté par son acharnement dans la traque aux communistes, ennemis jurés du régime. L’autre était un petit gabarit aux traits irréguliers, les cheveux plantés bas sur le front ; son visage tout piqué de la petite vérole donnait une touche répugnante à sa laideur. De plus, il louchait un peu. Il n’était autre que le tortionnaire Pipo, un sans-cœur, que les cris déchirants de ses victimes laissaient de marbre.

Béluga s’adressa aux voyageurs qui se trouvaient sur le quai, décrivant le fugitif, et il leur demanda s’ils avaient vu quelqu'un correspondant à son portrait. Ils devinèrent d’instinct qu’ils avaient affaire à la police secrète. Alors, se regardant les uns les autres, ils secouèrent la tête avançant les lèvres, dans une mimique qui disait leur ignorance.

Pendant ce temps, Pipo regardait le Sud-Express à l’arrêt, au bord du dernier quai. Les passagers se dépêchaient de gagner leur place, certains passant les bagages par les fenêtres pour aller plus vite, car l’heure prévue pour départ était dépassée. Au milieu de ce branle-bas, le policier crut apercevoir Gilberto, qui cherchait à monter dans une voiture. Il fit part de ses observations à Béluga qui réagit aussitôt, hélant le cheminot qui s’apprêtait à donner le départ du train. Comme il semblait n’avoir pas entendu son appel, il sortit son pistolet et tira un coup de feu en l’air.

 Le fonctionnaire se retourna essayant de voir d’où venait la détonation ; il vit un individu qui, les mains à côté de la bouche, lui ordonnait de reporter le départ du train. Le cheminot ouvrit les bras, l’air désolé, parce qu’il avait baissé le drapeau rouge. La mécanique grinça sur les rails, le convoi s'était mis en branle, s’éloignant vers le sud.

Alertés par le coup de feu, des voyageurs se penchèrent aux fenêtres, essayant de comprendre ce qui venait de se passer. Ils virent les deux policiers courir après le train le long du quai. Béluga tira encore deux fois en l’air, mais il dut se résigner à laisser filer sa proie.

Notre héros se trouvait dans une voiture formée de plusieurs compartiments, chacun pourvu de six couchettes. Il se tenait debout dans le couloir, regardant par la fenêtre le paysage qui défilait devant lui. Il n’avait pas de passeport, ni de billet de train ; il voyageait clandestinement.

Après de longues minutes de suspense haletant, il pouvait enfin respirer, mais son soulagement risquait d’être de courte durée. Il savait que les sbires du régime ne lâchaient pas prise facilement. S’ils l’avaient reconnu, comme il en était persuadé, ils essaieraient de l’intercepter au prochain arrêt du train. Ils allaient sans doute faire appel à des renforts. Gilberto les voyait fouiller les voitures une à une, fourrant le nez dans tous les recoins susceptibles de cacher un homme. Il devait donc trouver un plan pour leur échapper.

C’était fin juillet 1970. En ce temps-là, une fois installé dans la cabine de pilotage, le train en marche, il n’y avait aucun moyen de joindre le conducteur. Ainsi, notre héros savait que le comité d’accueil ne pouvait l’attendre que dans la prochaine gare où un arrêt était prévu. Ce serait Ovar, d’après les voyageurs qu’il avait pu interroger.

D’abord, il avait intérêt à se débarrasser de sa casquette, un cadeau que son père lui avait apporté d’Angleterre, s’il ne voulait pas être remarqué de loin. Il s’était aperçu qu’un garçon de stature semblable à la sienne semblait fasciné par son couvre-chef ; alors, il l’aborda en souriant et lui proposa de l’échanger contre son bob, justifiant son geste par le fait qu’il en avait d’autres semblables à la maison. Se mirant dans la vitre de la fenêtre, le voyageur était ravi de sa nouvelle coiffure. Il s’empressa de remettre le bob à Gilberto, lui disant sa gratitude ; il rêvait depuis longtemps d’une casquette comme ça, se réjouissait par avance de l’impression qu’il ferait dans sa cité de banlieue.

Le fugitif en profita pour lui demander dans combien de temps aurait lieu le premier arrêt du train. Ayant appris qu’ils n’étaient plus trop loin, il se prépara à entrer en action. Il repéra une poignée d’arrêt d’émergence, près de la sortie de la voiture. A partir de ce moment-là, il se mit à guetter l’approche de l’agglomération, puis les indices montrant la proximité de la gare. Quand le train fut à environ cinq cents mètres de celle-ci, il tira fermement la poignée. Le freinage fut immédiat, provoquant des grincements de ferraille sur les rails. Le train n’était pas tout à fait arrêté quand, ouvrant la porte, Gilberto sauta sur le ballast, roulant ensuite sur le talus, avant de disparaître dans la nature.

Il se trouva empêtré dans un massif de ronces, ce qui lui valut quelques égratignures. Rien de bien méchant. Il réussit à contourner l’obstacle, se dirigeant aussitôt en direction de la voie qui conduisait au centre de la ville.

En chemin, il se rendit compte qu’il avait perdu ses lunettes de soleil. Il eut un haussement d’épaules. Tant pis ! Il n’était pas question de rebrousser chemin et affronter de nouveau le massif de ronces, pour récupérer un accessoire somme toute superflu. Alors, il marchait à grandes enjambées, supputant ses chances d’échapper à ses poursuivants.

Il pénétra dans la première cabine téléphonique qu’il trouva sur son passage et appela la gare d’Aveiro, une ville moyenne, distante d’une quarantaine de bornes. Il demanda à quelle heure était prévue l'arrivée du Sud-Express ; on lui répondit qu’il serait en retard, à cause d’un incident de parcours.

Il souriait en raccrochant le combiné. Tandis que les pides perdaient leur temps à Ovar, il sauta dans un taxi et demanda au chauffeur de le conduire à Aveiro. Il n’était nullement stressé, au contraire, on aurait dit qu'il prenait du plaisir à jouer au chat et à la souris avec les policiers.

 

 

 

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J.L.Miranda

14-01-2018

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Le fugitif du Sud-Express n'appartient à aucun recueil

 

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