"La pt'ite Valise" est un texte mis en ligne par
"Deogratias"..
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Ecrit dans le cadre d'un atelier d'écriture : Ecrire à partir de l'image ci-dessous. Ecrire du point de vue de la valise
La pt’ite valise
Il était une fois une petite valise de rien du tout, avec une jolie poignée, un beau cuir, et même quatre petites roues tout à fait modernes. Les valises aiment être portées mais elles apprécient tout autant de courir sur le bitume. D’ailleurs c’est amusant, qu’importe si le souffle lui manque, ce qui compte n’est-ce pas, c’est d’avancer toujours.
L’une d’entre elles, un jour pas comme les autres, dans la salle d’attente d’un placard bien enfermé s’est mise à parler de sa vie de valise :
« Quand Sybille avait 5 ans, elle dit un jour à sa mère : « Un jour, je m’en irais loin d’ici, chasser les perles et les dragons ! » Sa Maman avait répondu : « Bien sûr mon chou, un jour tu feras tes valises, tu chasseras les perles, les dragons et même les océans. C’est comme ça, tous les enfants s’en vont un jour ou l’autre, ils larguent les amarres et partent dans leur vie ».
Puis Sybille a eu 10 ans, elle dit à sa mère : « Un jour je ferai mes valises, je partirais très loin d’ici, plus besoin d’écoles ou de cartables, ni de tableaux ni de notes. Ce sera merveilleux » Maman avait répondu : « Bien sûr mon chou, un jour tu feras tes valises, très loin d’ici pour concourir, pour lutter, faire face à la concurrence. Il te faudra performer, tu verras, chaque jour sera une lutte, il faudra faire tes preuves, tu ne t’ennuieras pas ».
La valise arrêta là son récit. Elle sentait mauvais depuis le temps qu’elle était là, coincée entre deux autres compagnes, elle se mit à tousser. L’odeur des sachets de lavande placés en son centre n’y pouvait pas grand-chose. L’autre bagage placé juste au-dessus l’interrogea :
- Qu’est-devenue Sybille ?
Au vu de l’impatience de son amie d’infortune, la petite valise de couleur marron, à la poignée fatiguée, avec une roulette un peu cassée reprit son histoire :
« Un jour Sybille a eu 15 ans, elle dit à sa mère : « Un jour je ferai ma valise, c’est trop naze ici. On ne peut même pas profiter d’internet, des sorties, des copains. D’abord, je fumerai si j’ai envie, c’est pas ma faute si à l’école je m’ennuie. J’aime pas les profs ». Maman avait répondu : « Bien sûr mon chou, un jour tu feras ta valise. Tu partiras là où voguent les projets, dans l’espérance d’un avenir meilleur. Tu feras comme bon te semble. Pour le moment, tu es là, près de moi, je veille aux valises de ta vie, ce qu’elles contiennent, ce qu’il te faudra prendre ou bien laisser ».
- Et alors, qu’est-ce qu’elle a fait après ta Sybille ? A demandé l’autre compagne juste en dessous dont la toile intérieure déchirée en disait long sur ses âges et ses blessures :
« Un jour, Sybille a eu 30 ans, elle dit à sa mère : « Un jour je ferai ma valise, c’est trop compliqué maintenant. Je ne les supporte plus. Ni eux, ni les autres, ni ma vie, ni mes amours. Je vais prendre l’air, tout lâcher, m’en aller loin d’ici. Là-bas, je trouverai enfin tout ce que j’ai toujours voulu. Ici, tout me fatigue ». Maman avait répondu : « Bien sûr mon chou, un jour tu feras ta valise. D’ici là, on n’abandonne pas sa vie comme ça. C’est plus facile à dire qu’à faire. Je t’ai inculqué le sens des responsabilités. Tu peux rêver bien sûr mais tu as des devoirs ».
- Alors, elle ne part jamais ta Sybille finalement ? C’est ça qu’tu veux nous dire ? Rouspéta de nouveau celle du dessus, celle dont la roulette à gauche pendait dangereusement.
La petite valise se réjouissait maintenant, elle avait obtenu l’attention de ses auditeurs. Elle reconnaissait bien le tempérament fougueux autant qu’impatient de ses compères. « D’ailleurs, à bien y réfléchir, se disait-elle, c’est bien le propre d’une valise : la fougue des imprévus, l’impatience des lendemains, l’espoir des transports et des voyages ». Elle se remémora ses souvenirs :
« Un jour Sybille a eu 50 ans, elle dit à sa mère : « Un jour, je ferai mes valises, je partirai loin d’ici, loin des miens. J’ai tout donné, il est temps de penser un peu à moi. J’ai envie de connaître d’autres horizons. Je me sens de nouveau libre, curieuse, insatiable » Maman avait rajouté : « Bien sûr mon chou, un jour tu partiras, tu connaîtras encore bien des joies. Tu n’es pas encore trop vieille, tu as bien le droit de te reposer, d’aller vers un ailleurs, là où tu peux déposer tes valises, rencontrer d’autres gens. Rien n’est jamais trop tard ».
- Alors, elle est partie cette fois ta Sybille ? C’est pas pour dire, mais elle commence à nous agacer grave ta petite biographie.
La petite valise, se mit à glousser devant la mine contrariée de l’autre valise dont la roulette venait de tomber. Elle prit sa respiration :
- Vous allez être contents : Sybille a beaucoup voyagé. Dès l’âge de 5 ans. - Qu’est-ce que tu racontes ? Tu viens de nous dire le contraire ! S’exclama la copine du dessous dont le produit contre les mites incommodait son cuir.
La valise alors reprit son sérieux, elle s’éclaircit la voix pour répondre :
- Il y a des valises toujours entre deux trains, deux avions ou deux voitures. Les fuyards, les chanceux, les opportunistes. Pour moi, c’était tout différent : Sybille n’a jamais pu faire sa valise, alors, je l’ai accompagné partout.
- C’est n’importe quoi ton discours ! Comment peux-tu l’accompagner quelque part puisqu’elle n’a jamais fait sa valise ?
- La vérité, c’est que je suis le cadeau de sa mère, un jour elle lui avait dit : « Voici une petite valise qui me vient de ma mère. Je l’aime beaucoup. Elle ne m’a jamais quittée. Un jour elle sera à toi. Elle ne contient pas grand-chose mais c’est tout ce qui me reste de ta grand-mère. Tu seras heureuse de la posséder. Il y a en elle un trésor à nul autre pareil ».
- Ah oui ? Intervint celle dont la poignée s’étirait avec langueur, tu as un trésor toi ? On dirait pas comme ça !
Les autres valises, sacs à dos, sacs à courses, tous se mirent à rire. Alors, la petite valise que plus rien ne parvenait à vexer, conta la fin de son histoire :
« Oui, En vérité, j’ai un trésor au fond de moi. Sybille n’a jamais pu partir : La vie, les épreuves, les deuils, les chemins, les virages et les détours… Alors, moi, je suis là, dans ce placard, mon trésor est fait de rêves, de trajets improbables, de sentiers perdus, de routes inconnues. Je suis le compagnon de ses voyages immobiles : Tantôt la fusée vers le cosmos plein de comètes et de songes, tantôt le train express qui va de ses rêves illusoires jusqu’au consentement du réel. J’ai les ailes des oiseaux migrateurs qui s’élancent d’un côté ou de l’autre de l’équateur, j’ai la beauté des saisons d’une terre étrangère sur une photo d’un livre de tourisme. Je suis l’élan, la grâce, la folle allure des esprits en quête d’un ailleurs. Je connais les sensations, les frissons intérieurs, l’émerveillement dans les yeux de l’enfance, les envolées oniriques des jours de fatigue, les bouffées d’air frais dans les heures sombres, la lumière des nuits aux étoiles réverbères. Le rêve à l’état pur. Placée devant son regard, toujours à portée de main et de voyage, je l’ai aidée à grandir, à mûrir, à vieillir ».
- Moi, je n’aimerais pas être une valise comme toi. Je suis faite pour passer du rêve à la réalité. Tout ce que tu dis ne me dit rien qui vaille. - Si tu es pleine de linge mais vide d’espoirs, si tu es riche de destinations mais absente de toi, si tu es toujours occupée mais sans jamais avoir le temps, si tu ne peux plus « Envier d’avoir envie » (*) comme dit le chanteur : Tu t’agites, tu fuis, tu te balades, tu remplis, mais en vérité, jamais tu ne voyages.
Chacun sa valise, chacun son destin. Il y a autant de valises que de vies. Pourtant, malgré tout, rien ne vaut les transports de la vie intérieure. J’ai pour devise une parole d’un grand poète, le plus grand que je connaisse :
« Le bout du monde et le fond du jardin Contiennent la même quantité de merveilles ». (Christian Bobin) (*) Johny Halliday
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La pt'ite Valise
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