Je vous offre les mots... - Réflexion

 Je vous offre les mots...

                          Ernest Pignon - 1978                      

Prendre la plume.

Ecrire, écrire oui et oui, mais il faut vraiment trouver à qui et savoir quoi lui dire.

Pour écrire nous devons entendre par avance les réponses à nos textes. Nous devons pouvoir écouter tout ce qui se dit dans nos rêves, mettre au clair nos pensées pour que les mots les transportent dans d'autres esprits.

Parfois il m'arrive de croire que pour bien écrire, il faudrait ne plus rien attendre de la vie. Mais tu es arrivé pour me prouver le contraire.

Ecrire c'est un peu ne plus respirer pendant un long moment, pour figer le présent, le temps de bien l'observer. Ma crainte dans l'écrit c'est sa lenteur, entre le début et la fin d'un livre je peux avoir envie de tout changer car la vie m'a encore appris d'autres choses. Je peux réaliser  que les vérités affirmées hier en sont beaucoup moins aujourd'hui.

Et lorsque je te vois agir, toi le poète, toi l’écrivain, je me dis que tu dois l’avoir cette angoisse là. Je suis sûre que lorsque tes mains finissent de pétrir une pâte, ta tête est déjà ailleurs. Sauf que chez toi, ce n’est pas une angoisse sûrement, juste une simple peurette.

Tu es fait de la terre, poète. Tu es la terre.

L’écriture longue favorise ceux qui connaissent le monde une bonne fois pour toutes. Mais nous devons écrire aussi le constant trouble face à cette vie trop courte pour espérer en percevoir le sens.

Ecrire pour dire « je sais et je vais vous expliquer. »

Ecrire pour dire « je ne suis sûre de rien et je vous le dis. »

Ecrire pour dire « je n’ai rien à dire mais je vais tenter de dire quelque chose. »

Ecrire pour remplir le vide des cœurs de ceux qui n’entreprennent rien.

Ecrire oui, mais quoi dire et à qui ?

Mon poète, tu m’aides à rencontrer celui qui veut bien me lire. Celui qui trouvera dans mes mots des outils pour aller un peu plus loin dans sa propre vision du monde. Qui trouvera dans mes mots du réconfort, de la force, de l'espoir, de la liberté, de la grandeur, de la poésie, de l'apaisement et pourquoi pas, en nos temps, une bonne raison de révolte.

Mon poète, nous écrivons car nous savons que c'est aussi pour nous.

Nous écrivons pour tendre la main à tous ceux qui se reconnaîtront en nous, pour faire une grande famille et aussi pour préparer l'arrivée d'autres idées, plus fabuleuses encore, chez ceux qui auront à le faire après nous.

Dans chaque livre, nous devons rédiger au moins une phrase qui n'a jamais été écrite. C’est elle qui donne son droit d’exister à l’écrit. C’est elle qui légitime notre plume. Pour ne pas être stérile, notre écriture doit avoir force de réflexion ou exalter et célébrer Calliope, dans tous les cas, user de rhétorique.

Ecrire doit être un grand moyen pour contempler les étoiles. N’est-ce-pas là que le poète marque sa différence ? Dans la provenance de son écriture? Platon a fait des Muses les médiatrices entre le Dieu et tout créateur de l’intellect. Dans l’antiquité, le poète trouve cette provenance dans un déchiffrage de mots sacrés.

Poète, depuis la haute antiquité as-tu changé vraiment ? Non, je pense seulement qu’écrire doit être le grand moyen pour contempler les étoiles, celles qui ne sont pas visibles à l'œil nu, en osant espérer qu'elles sont aussi une écriture... mais d'origine divine.

 Illustration: Ch. Guerry

Texte: Ca.Valmalette

20-10-2015