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Etoile - Histoire Courte

Histoire Courte "Etoile" est une histoire courte mise en ligne par "Valerie Pocard"..

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Etoile

            Le téléphone sonne dans la pièce vide. La sonnerie rebondit sur les murs, dans le néant… Personne.

            Noam s’interroge. A cette heure-ci, normalement… Il pose son téléphone, empoigne un roman et se met à lire. Du moins, ses yeux parcourent les lignes, les mots, les lettres, mais son cerveau n’y est pas. Impossible de se concentrer, de comprendre ce qu’il lit. Tant pis ! Ce sera pour plus tard.

            Une petite promenade sera peut-être plus bénéfique. Il appelle son chien, Yazou, un magnifique golden retriever, toujours bien vif malgré ses douze ans. L’animal accourt, comprenant qu’une sortie s’annonce.

            C’est l’automne, les couleurs changent, se vivifient. Noam se gorge des parfums du sous-bois, mélange d’humidité, d’effluves végétales, de musc des écorces. Il ressent la douceur du sol meuble sous ses pas. Yazou s’en donne à cœur joie ; il gambade puis s’arrête brusquement assailli par un bruit, une odeur,… Et quel calme ! Quelques oiseaux s’interpellent mélodieusement. Une légère brise effleure les feuilles des arbres dans un frémissement subtile, caressant.

            Les pensées de Noam s’harmonisent avec ce moment paisible. Il se sent plus serein, il éprouve un certain soulagement à goutter cet instant présent, comme plongé dans un monde parallèle où les soucis ne pénètrent pas. Forêt protectrice et gardienne de la paix intérieure. Il sourit à cette pensée. « La paix intérieure » l’a abandonné depuis bien longtemps…

            Ses pensées vagabondent, s’égarent,…le ramènent à une époque où il croyait encore le bonheur possible. Le martèlement de ses pas rythme l’enchaînement de ses souvenirs qui se succèdent, s’amoncellent,… Une jeune femme, une rencontre, un coup de foudre, une histoire, des enfants, une maison, des chiens,… Le bonheur dans la banalité du quotidien. L’illusion de la permanence, de l’acquis. Il retrouve, à travers cette immersion dans sa mémoire, cette douce sensation que procure le sentiment de stabilité et de sécurité.

            Bien sûr, cette vie simple jalonnée de petits bonheurs, de moments de joie, de partages familiaux était bien ordinaire. Mais elle lui suffisait. Et il se voyait vieillir dans cet environnement tranquille et bienveillant au sein duquel grandissait ses enfants, qui, peut-être un jour, auraient à leur tour des enfants qui profiteraient  aussi de ce cocon d’amour,…

            Au loin, des aboiements tirent Noam de ses pensées. Il rappelle Yazou, prêt à le rattacher si besoin. Puis quelques coups de fusils éloignés le décident à prendre le chemin du retour. La magie est terminée. Il rentre chez lui, baigné de nostalgie mais aussi de regrets.

            A cinquante ans, il se dit qu’il a vécu tout ce qui pouvait le faire vibrer. Il ne voit rien aujourd’hui qui l’enthousiasmerait à l’image des cadeaux de sa première moitié de vie : l’amour, la paternité, l’épanouissement dans une vie familiale comblée d’amour. Le côté professionnel n’était pas mal lui non plus. Alors ?...

            Aujourd’hui force est de constater qu’il est seul. Adieu femme, enfants envolés vers leur propre épanouissement, le boulot,… la routine, il en a fait le tour. Vie désormais triste et solitaire.

            Rentré, il prend à nouveau son téléphone pour composer le même numéro. Une voix mécanique lui répond : « Le numéro que vous avez demandé n’est plus attribué ». Une erreur de chiffre, sans doute,… Il essaie de nouveau, vérifie le numéro, …même message laconique. Il vacille, perd pied. Comment est-ce possible ? Ce numéro, ces huit chiffres qu’il a composés des dizaines, non des centaines de fois,… Juste pour une petite seconde, juste pour entendre encore, un tout petit peu, sa voix, cette voix chaude, synonyme de réconfort. Et elle lui serait retirée, aussi, de cette vie chaotique ?

            Machinalement, il se dirige vers son canapé, s’allonge, ferme les yeux…

            Une belle étendue de sable s’offre à lui et devant, radieuse, Julia qui sourit, rayon de soleil surpassant tous les autres. Il se noie dans la profondeur de ses yeux verts ; son nez mutin, l’expression radieuse de son visage le ravissent. Il est submergé d’émotion et de frissons en entendant la chaleur de sa voix :

« Alors, Noam, tu rêves ? Viens te baigner avec moi ! »

            Main dans la main, ils courent jusqu’à l’océan et se jettent dans la douceur de son eau. Le sel leur pique les yeux ; ils s’éclaboussent, ils rient,… Le bonheur… La jeunesse, et tout l’avenir devant eux.

 

            Mais aujourd’hui, tout est bien terminé. Une page s’est renversée emportant dans sa chute tout le ciment qui fondait leur couple. Julia s’est détournée, Julia a rencontré quelqu’un, Julia est devenue inaccessible.

            Noam se met à sangloter, tout doucement, puis le chagrin le bouleverse, l’oppresse ; secoué par des spasmes de plus en plus violents, il gémit, finit par crier,… Il se déteste ; il en veut à la terre entière. Surtout, il voudrait disparaître pour ne plus ressentir cette souffrance et cette béance intérieure qui le vrillent, l’étouffent !

            C’est alors que, du fin fond de sa souffrance, du fin fond de ses entrailles torturées, il perçoit un bruit, un grattement tout d’abord, suivi,…peut-être,…oui, suivi d’un gémissement. Les yeux voilés par les larmes, la gorge nouée de sanglots, il se dirige, se traine plutôt, jusqu’à la baie vitrée qui le sépare de la terrasse. Il découvre un chiot visiblement mal en point, couvert de sang. Il pousse de petites plaintes tout en grattant la vitre avec l’une de ses pattes.

            Comment est-il arrivé là ? Noam ouvre sa baie vitrée et prend délicatement l’animal dans ses mains. Il craint de lui faire mal, d’aggraver son état mais il ne peut pas le laisser ainsi, sans rien faire. Il l’enveloppe délicatement dans une serviette puis le pose sur un coussin. La petite créature le fixe de ses grands yeux interrogateurs : que se passe-t-il ? Pourquoi cette sensation si douloureuse ? Que m’arrive-t-il ? Noam a la sensation que ce petit chien l’interroge…

            Il décide d’emmener le chiot chez le vétérinaire. Sa propre souffrance attendra ; il y a plus urgent ! Le chiot saigne et semble s’affaiblir à vue d’œil.

            Le vétérinaire lui apprend que ce chiot est un yorkshire âgé de trois, quatre mois, tout au plus. Difficile de comprendre les circonstances de ses blessures. Cependant, il est sûr que le bébé chien a été attaqué par plus fort que lui : le sang s’écoule de deux énormes morsures. Il est très affaibli et va nécessiter des soins importants.

« Ce n’est donc pas votre chiot ? » insiste le praticien. Noam répond que « non ».

            En l’absence de puce d’identification, impossible de retrouver un éventuel propriétaire. Se serait-on débarrassé de l’animal ?

            Noam hésite, indécis,…et s’il prenait en charge ce petit chien sans défense, seul, comme lui … ?

 

            Le vétérinaire lui explique alors les soins journaliers dont le chiot aura besoin, les visites rapprochées au cabinet pendant les premières semaines afin de s’assurer que l’infection est bien enrayée, et le coût financier. En écoutant toutes les explications du praticien, Noam sait que sa décision est prise : impossible d’abandonner ce petit animal, il veut l’adopter, le soigner, lui offrir une belle vie. Et Yazou sera ravi d’avoir un compagnon.

 

            Les premiers jours sont compliqués. Les soins sont astreignants, le chiot souffre, gémit beaucoup. Yazou passe tout son temps allongé près de son nouvel ami. Noam a le cœur tout retourné ; il se dévoue totalement pour sauver le petit animal ; l’infection résiste, le vétérinaire se montre de plus en plus pessimiste.

            Noam en oublie sa propre douleur tout absorbé par celle du chiot. Il l’a baptisé Etoile, espérant découvrir en lui « sa bonne étoile », même si pour le moment elle a du mal à briller. Pendant plusieurs semaine l’incertitude qui entoure la santé, la vie même du chien accapare totalement le cœur et l’esprit de son nouveau maître.

 

            Et enfin, une éclaircie, un horizon qui se dévoile : l’infection recule, le petit chien reprend des forces, la cicatrisation va pouvoir faire son œuvre dans de bonnes conditions. Noam peut respirer. Il ressent un intense soulagement et désormais il n’a plus aucun doute : Etoile fait partie de sa vie et va l’accompagner pendant bien des années.

            Il découvre enfin le plaisir d’observer les progrès d’Etoile, de le voir s’épanouir pour devenir au fil des semaines et des mois un chiot comme un autre. Après toutes ces incertitudes, Noam accueille avec une joie qu’il n’avait pas ressentie depuis très longtemps les bêtises de son chiot.

 

            La vie est capricieuse et pleine de surprises…

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Blog

Valerie Pocard

25-10-2022

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Etoile n'appartient à aucun recueil

 

Histoire Courte terminée ! Merci à Valerie Pocard.

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