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Dimanche
Dimanche est revenu !
Oh l’étrange réalité ! Il y a une semaine à peine, il était déjà venu ce Dimanche pour lequel, maintenant, vous savez mon aversion. Me croyez-vous ? Il est déjà de retour !
Oh comme il est habile !
Je le vois avec ses grands yeux qui me regarde par ma fenêtre, il vient sans prévenir avec son cortège de météos changeantes : un coup radieux, un coup pluvieux, un coup frileux. Il lui arrive même de trembler. Je le vois avec son sourire en coin qui en dit long sans jamais rien dire : il trace son chemin dans les familles unies et les cœurs esseulés. Il est là revêtu de ses habits. Il aime se déguiser. En couleur de poésie. En cris d’enthousiasme. En jour de repos, en sens du sacré ou en vieille solitude.
Oh comme je hais les Dimanches !
Il est là, tellement fidèle, pile à l’heure, comme si je l’attendais. Mais non, il se trompe, d’autres l’attendent mais pas moi. Pourquoi cette ponctualité comme un amant transi ? Franchement n’a-t-il pas mieux à faire ? Il est là, parfumé avec son air d’esprit Zen et de détente. C’est Dimanche, faut avoir l’air content, faudrait sauver les apparences.
D’ailleurs, l’avez-vous remarqué ? On peut être triste le lundi mais pas le Dimanche. On dit bien : « Je vais comme un Lundi », parce qu’on débute une semaine de travail. Ou bien : « je vais comme un Vendredi » parce que c’est fini. Pourquoi ne dit-on pas : « Je vais comme un Dimanche ! » ? Tout simplement, parce qu’il n’y a rien à en dire ! Dimanche c’est Dimanche. C’est une pause, une absence, un vide, un trou dans l’agenda. Un machin qu’on doit aimer. On n’a pas le droit de détester le Dimanche. Ça ne se fait pas.
Et les chrétiens, tout bien vêtus pour la messe dominicale, alors, ça ne compte pas pour toi ? Si si bien sûr. C’est bien. C’est même très important. Vous connaissez ma foi. Mais bon, quand c’est terminé, c’est la solitude. Tout le monde retourne à sa famille, à son repas, à son entre-soi, sans tenir compte des autres. Tous ces autres si nombreux. Tellement que plus personne ne les voit.
Oh comme les Dimanches sont difficiles !
Faudrait que je devienne un être uniquement spirituel dépourvu de tout autre besoin. Je suis une âme, certes, mais j’ai un cœur aussi, un corps, des appétits. Le dimanche ne ressemble qu’à un oreiller sans mémoire de forme. C’est pas confort. C’est pas douillet. Je dirai même qu’il blesse autant qu’une rose qu’on tient main grande ouverte en oubliant les épines. C’est plus fort que moi, je suffoque, dès que, comme un marteau sur ma tête, je réalise : « Mon Dieu, c’est dimanche ! ». Immédiatement, l’effet poil à gratter me prend. J’ai comme des envies de gigoter sans bien savoir pourquoi. Il m’insupporte. Il me tord à l’intérieur. On dirait un mauvais farceur. Vous savez, là, comme les clowns affreux censés amuser les enfants. La vérité, une fois sur deux, c’est qu’avec leurs grimaces, ils leur font plutôt peur.
Oh que c’est con un Dimanche !
Bien oui quoi, ça vous étonne un gros mot dans ma bouche ? Et pourquoi pas d’abord ? S’il était vraiment intelligent, Dimanche s’occuperait à rendre tout intense, tout coloré, tout vivant. Mais c’est tout le contraire ! En vérité, j’ai parfois l’impression d’entrer ce jour-là dans un souterrain, en mode taupe, cachée loin de toute lumière. Comme ça, personne ne me voit. Je n’ai plus à faire semblant d’être à l’unisson de cette réalité temporelle forcément belle. Forcément intéressante. Forcément utile.
Oh Comme Dimanche aime les honneurs !
Dimanche est faux ! Il est trompeur, c’est là sa cruauté. Il joue des biceps, fait « Ouistiti » devant la glace, puis imite les starlettes en mal de succès. Il se croit talentueux le pauvre. Épris de sa propre personne. Il fait des selfies en mode « narcissique ». Il se croit supérieur aux autres jours de la semaine. Quand il se présente, il s’écrie bien haut : « C’est Dimanche ! ». Comme si c’était un diplôme. Une prise de guerre. Une décoration. N’importe quoi ! « Comment il se la pète ! » diraient les jeunes. Monsieur n’est pas modeste, c’est là sa particularité. Très conscient de sa dignité !
Oh comme le Dimanche est lourd !
Je n’aime pas ses blagues, ni son costume, ni ses manières. Bienheureux Dimanche qui se croit vertueux, surtout en société. Il a de la réparti bien sûr. Toujours dans sa bouche, vous trouverez tout ce qu’il faut : des propos très en vogue, des réponses bien aiguisées, des certitudes bien énoncées. Il est sûr de lui. Il croit tout savoir. Il est du genre orgueilleux, je vous l’ai dit. C’est qu’il n’est pas n’importe qui. Il aime le monde, tourne tout en sa faveur, surtout pendant de longs repas aux discussions nombreuses. Il aime briller. C’est fou comme il se croit premier de la classe, toujours en tête de la semaine qui vient. A aucun moment, il ne lui viendrait à l’esprit qu’il pourrait être bon dernier hebdomadaire ! Certainement pas ! Chez ces gens-là, Monsieur, il n’en est pas question.
Oh comme sont pénibles les Dimanches !
À vrai dire, j’allais oublier, Dimanche n’est pas toujours bien éduqué. Par moments, il se lâche. Que voulez-vous, après tout, il n’est que Dimanche. Il aime le bruit, les desserts indigestes, les chants grivois, les critiques acerbes, les commentaires indignes, les mesquineries. Plus c’est gras, lourd et lent, plus il se vautre avec délectation. Il se croit tout permis parce qu’il est Dimanche. Comme si toutes les politesses, les convenances, les charités, comme si tout cela ne comptait plus. Pour être tout à fait juste, par moments, je ne peux m’empêcher de penser que c’est sa vraie personnalité. Comme si, en mode censure pendant la semaine, il se lâchait à tout va quand vient son tour. Il me fait pitié. C’est un gars mal élevé souvent.
Et puis….Vient « Mon » autre Dimanche à moi….
C’est un Dimanche à nul autre pareil. Il est simple, sans fioritures, ni faux-semblant, sans souci des apparences et pas mondain. Je me retrouve un peu comme sur une île. Ma petite embarcation flotte jusqu’à ses rives. Je vois au loin une grotte illuminée par la clarté du jour. J’aime bien m’y cacher. J’hiberne un peu. Comme les ours bruns au sommeil réparateur. Je prie parfois. La météo des saisons froides est un appel à l’intériorité. Quand il fait beau par contre, je marche au gré du vent, dans les allées désertes. Mon île n’est rien qu’à moi : Ses plages en extase devant les remous des marées montantes, ses arbres solitaires qui observent au loin le tumulte du monde, ses fruits aux saveurs uniques que je suis seule à goûter.
Et puis…Vient "mon" Dimanche à moi….
Il n’est pas toujours facile de l’apprivoiser. Mais le Petit Prince m’a prise un jour par la main, il m’a dit : « Pense à ma rose. J’ai fini par l’aimer parce que j’en ai pris soin ». Voilà plus de 50 ans que nous nous rapprochons. Nous nous familiarisons. Mon Dimanche, je l’invente. Il me recrée. Je l’inaugure. Il me célèbre. Je le planifie. Il s’en réjouit. On n’est que deux. Comme seuls au monde, on imagine notre famille, on monte jusqu’au divin, on écrit notre poésie, on mange quand on a faim, on fait au mieux…
Jusqu’au jour, enfin, où, dardée par ses rayons lumineux, je resterai pour toujours cachée dans la joie d’un Dimanche qui ne finira pas.
Blottie dans la plénitude du Dimanche Éternel.
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Dimanche
appartient au recueil Textes et poésies
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