De plume en plume - Texte court

De plume en plume

Fixée sur une plume, je vole dans l'espace, au-dessus de la terre des douleurs. Je vois au loin les foules en colère, elles lèvent les poings. J'entends le bruit de leurs cris. A gauche : Des bombes et des fumées. Juste devant : Les enfants de la guerre avec leur arme à la ceinture.  Derrière : Les volcans qui crachent eux-aussi le feu qui les dévore.

Assise sur une plume, légère, je poursuis mon voyage. Je vois des vagabonds dont le regard éteint me transperce. A gauche : Des enfants abandonnés mendiants d'un regard. A droite : Des petits vieux se laissent mourir éloignés de leur famille. Juste devant : Des hôpitaux avec plein de monde en salle d'attente. Derrière : Des femmes cachées de la violence des hommes.

Installée sur ma plume, un peu plus lourde, ma course folle poursuite sa route. Je vois des prisons pleines de désespoir aux milles suicides. A gauche : Des inondations par des moussons imprévues, les pieds dans l'eau les gens pleurent. A droite : Des dauphins échoués sur des plages viennent mourir. Derrière : La chaleur assèche les étangs, les lacs, les rivières. Partout, tout se meurt sous le soleil caniculaire.

Etourdie par ma plume, de plus en plus essoufflée, mon épopée s'envole un peu plus fatiguée. A gauche : Des tsunamis ont noyé des îles, les migrants climatiques s'en vont sans savoir où aller. A droite : Des camps de réfugiés sans eau ni confort tout épuisés par les guerres. Juste devant : Des icebergs fondent sur le pôle, les ours blancs cherchent pitence. Derrière : Les dunes du désert écrasées de chaleur aux dromadaires esseulés.

A genoux sur ma plume, je gagne en vitesse tout le long de cette randonnée inattendue. J'entends l'écho des prières, les bouches se lamentent éperdues de tristesse. A gauche : Les enfants travaillent dans les champs dès l'âge de cinq ans, ils n'ont jamais connu l'amour. A droite : Les fous de l'amour déçu s'ennivrent sur les trottoirs de leur ébriété continuelle. Juste devant : La pauvreté espère un avenir meilleur. Derrière : Les arbres des forêts qu'on abat.

Debout, à présent, sur ma plume, tout s'est arrêté. Globe-trotter sur ma mappemonde, je vois, j'entends, je frémis.

Y a -t-il un Dieu pour nous entendre tandis que les maux de la terre viennent jusqu'à moi ? Y a -t-il un au-delà consolateur des chagrins universels ? Depuis le commencement du monde jusqu'à sa fin, y a-t-il quelqu'un, un mouchoir, une réponse à tant de délaissements ? Sommes- nous abandonnés ?

Un jour, j'en suis sûre, quelqu'un soufflera sur ma plume, elle s'envolera pour toujours vers un ailleurs infini, sublime, sans souffrance et sans la mort. Un jour, ma plume voguera dans l'espace pour rejoindre ce monde meilleur qui tant manque à nos coeurs.

De plume en plume, un jour, la terre de douleurs toute enroulée de nos tendresses, vivra dans la douceur. 

Un jour que Dieu seul connait, je le verrai, Lui, j'aurai toutes les réponses. Par son souffle divin, nos plumes au langage indicible iront par les monts et les vallées, dans le ciel sans nuages, dans l'au-delà de l'Amour....

....Qui surpasse tout Amour.

(J'ai écrit ce texte sur ce sublime Ave Maria que je ne connaissais pas. Il est magnifique. Le violon ajoute une touche extraordinaire...)