"Cher Pirate" est un coup de gueule mis en ligne par
"Deogratias"..
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Cher Pirate,
Bon, je dois bien te l’avouer, tu me fatigues. Cette année, cela fait deux fois que tu me voles mes numéros de carte bancaire. Dans ma mémoire, un pirate était un genre de corsaire avec un short jusqu’aux genoux, un bandeau sur un œil, un crochet à la place d’une main et un aventurier tout feu tout flamme. Enfin, je ne sais pas si cette dernière expression est la mieux choisie, parce que, de fait, en général tu es plutôt copain avec la flotte, non pas avec le feu. Tu navigues sur un gros bateau à voiles pour voler les autres embarcations. T’es pas un gentil. Mais au moins tu fais ça en direct. Tu voles, tu pilles et tu zigouilles. Le tout en présentiel, sans smartphone, ni webinaire, ni mots de passe. La distance, tu ne connais pas. Tu attaques et basta !
Mais maintenant, en vérité, t’es un gros naze. Parce que tu combats à distance aujourd’hui. Plus de bateau, plus de voiles, plus de grands mâts. Plus de vagues, plus de luttes en face-à-face. Plus de moqueries, plus de rires tonitruants, plus de rien. Tes méthodes ont tellement changé que je suis la première à me faire avoir.
« Je me suis fait pirater » : voilà une expression assez récente dans le fond. Avant, on disait : « Je me suis fait cambrioler », « Je me suis fait dérober » etc. Remarque bien que cela veut dire la même chose mais il y a une nuance, et pas des moindres, quand on dit : « Je me suis fait pirater », cela signifie : « On m’a volé, mais à distance ». La voilà la subtilité moderne : A distance. De surcroît : par nos propres gestes.
À y regarder de près, c’est bien plus moche. Tu ne regardes même pas les gens dans les yeux, tu ne les affrontes même pas en vis-à-vis, tu te contentes de ce genre d’avertissement :
« Si vous ne réactualisez pas vos coordonnées bancaires, nous ne pourrons pas vous débiter de la somme que vous nous devez. Merci de faire le nécessaire en cliquant sur le bouton ci-dessous. Sans cela, nous serons contraints d’annuler votre compte définitivement ».
Et moi, petit pioupiou qui ne peut pas croire que le gros logo mis en exergue est un faux, je réponds. Je donne tout : ma banque, mon nom, mon téléphone, ma vie administrative. T’es un vrai pervers. Les gens fatigués, les personnes bien intentionnées (Je suis justement d’une naïveté confondante), les personnes handicapées, tout le monde y passe : À tous les coups, tu les voles, sans vergogne, sans les connaître, sans répit. Tu ne peux pas voir le désespoir qui s’ensuit : les heures à pleurer, l’argent qui ne pourra plus servir à manger ou à payer les factures. Plus rien pour subsister ! Je ne parle même pas du traumatisme : on se sent coupable. On n’a pas su comprendre que c’était un pirate. On a fait confiance.
Quand un gros salopard te vole dans ta maison, tu peux à la limite te sentir responsable si tu n’avais pas fermé à clef. Et encore. Pas sûr. Dorénavant tu es cambriolé même en ayant fermé les portes. Mon frère le policier pourrait te raconter les récentes techniques des bandits aguerris ….
Mais toi, tu es un pirate. Le côté pervers : c’est que là, tu n’es même pas venu par les fenêtres ou le toit ou la cave ou les entrées. Non, tu es entré par la crédulité d’une personne âgée dépassée par tes manières numériques. Tu voles. Qu’importe la méthode, le tout sans effraction, sans casse, sans marteau, sans piquet, sans pied de biche. Juste avec quelques codes informatiques, quelques habilités en ligne. C’est dégueulasse, c’est même pas « franc du collier » !
Comme le dit le psaume 139,22 : « Je te hais d’une haine parfaite ». Désolée, mais comme le disait le père Guy Gilbert au sujet de ses méthodes parfois peu orthodoxes avec des délinquants : « Je leur donne un bon coup de poing évangélique ». Cela surprend mais j’imagine que venant de lui avec l’amour du contexte qui précède et s’ensuit, il y avait sans doute de l’efficacité dans ce coup de poing là. Mais moi, je ne peux cogner personne, ou alors seulement de manière virtuelle, alors je récite ce verset biblique qui me soulage. C’est cathartique.
Cher Pirate, tu te sers de mon honnêteté, de ma droiture d’esprit pour agir : « Oh mon Dieu, les pauvres, ils ne vont pas pouvoir se payer la dernière commande que j’ai passée ! Je vais vite réparer cela ! ». Et hop, ni vu, ni connu, me voilà prise au piège. Tout est dérobé, à commencer par mon innocence. Mes valeurs morales auxquelles je suis très attachée : Faire confiance, payer ce qui est dû. Ne jamais être endettée. Ne pas même avoir de retard dans le paiement.
Le vol numérique à distance a cela de particulier c’est que le pirate passe par notre obéissance, notre probité, notre bienveillance. Dans le vol physique, il peut surprendre avec rapidité, par une seconde d’inattention de notre part, par une de nos omissions. Mais avec un ordinateur, c’est tout différent : En plus de tout cela, le pirate passe par NOS propres valeurs pour s’octroyer ce qui n’est pas à lui. C’est un peu comme si je lui avais tendu le marchepied pour franchir la clôture de mon espace sans jamais l’avoir désiré !
Cher Pirate, je te déteste. Tu es un pervers : Tu manipules la bonne conscience des bonnes gens. Tu me fais penser à ce qu’on décrit dans certaines situations sectaires : La victime se sent coupable tandis que l’auteur des faits, lui, n’éprouve aucune empathie. Aucune culpabilité. D’aucune sorte.
Pirate de mon argent, de mes valeurs, de mes biens. Mais il y a pire encore : Pirate de mes espérances et de mes projets.
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Quand tu viens de t’inscrire à Pôle emploi, naturellement, moi j’y crois…Jusqu’à ce que je découvre effarée qu’à notre belle époque riche en manigances toutes catégories, qu’il s’agissait de fausses offres d’emploi. Le but étant, par la suite, de nous convoquer à un rendez-vous d’embauche. Une fois sur place, notre domicile est entièrement cambriolé. Ou bien, de nouveau, on s’entend dire : « Oui, c’est entendu. Je vous embauche. Donnez-moi votre RIB, cela nous permettra de vous payer par virement. Signé là ! ». Faux contrat, faux métier, fausse embauche, faux employeur, fausse société. Tout est faux….
Et toi, Pirate, tu jubiles. Tu ris. Tu te gausses d’un mauvais cri de victoire salasse. Pendant ce temps, moi, évidemment, je commence à échafauder des projets d’avenir : « Je vais enfin pouvoir présenter un salaire pour m’aider à déménager…M’offrir cette machine à coudre de mes rêves...M’acheter une nouvelle paire de chaussures… ». Et vlan, soudainement, tu es avertie : « Ne donnez pas suite à une annonce qui prétend venir de nos services Pôle emploi si vous n’avez pas reçu antérieurement notre convocation. En cas de doute, merci de nous contacter ». J’appelle, je raconte. Je blêmis. Je pleure. J’en ai marre. Encore un sale pirate à la con que je « hais d’une haine parfaite ! ».
Cher Pirate, va te faire voir ! Toi le nouveau moderne, je voudrais te faire bouffer ton chapeau, ton bandeau, ton épée. Tu n’es pas borgne, en vérité, tu es aveugle. Comme ta méchanceté, ton appât du gain, ton esprit avili.
Mon Dieu, protégez-nous des pirates. Laisse-les se noyer avec leurs ordis, leurs identifiants, leurs compétences de Hacker, leurs écrans, leurs sottises. Et voguent leurs ancêtres, leurs grands navires, leurs bijoux, leurs bandanas, leurs crochets et leurs malles au trésor !
Qu’ils aillent tous se perdre en plein cœur de l’océan ! Au milieu des vagues scélérates, qu’une d’elles se lève enfin et les engloutisse sans retard, sans scrupule et sans hésitation !
Pirate, je ne te dis pas à bientôt. Mon coup de poing évangélique te précède pour te faire retourner d’où tu viens ! Va dériver pour des siècles sur le radeau perdu de ton existence en pleine mer !!! Avec les piranhas voraces mangeurs de crapules !
Deogratias. |
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Cher Pirate
appartient au recueil coups de gueule
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Coup de gueule terminé ! Merci à Deogratias. |
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