Tricard - Tranche de Vie

Tricard 1  (Mauvaise nouvelle)

Je t’invite à mon pot
à mon pot de départ
tu verras
il y’ aura tous les fêtards

Là j’en suis à ma dernière agence de pub. On est en 1990 et je m’en vais après 10 ans de bons et créatifs services au service de cette profession dont la devise est Retournement de veste, Pouvoir et Pognon, en passant par la case Politicailleries. Je pars en bisbi avec mes 2 patrons Olivier et Bernard, 2 menteurs de première et 2 trouillards. M’ont annoncé que j’étais désormais au placard (avec un salaire mirobolant) et (comme si c’était la fin de ma vie) tricard. J’ai préféré dégager. Tricard à leurs conneries, elle est où la mauvaise nouvelle ?

Je pars. Je vais faire autre chose. Quelque chose qui a du sens. Monter un groupe de rock qui ne délivrera que des chansons importantes par exemple.

Je pars dans de bonnes conditions financières (j’ai bien négocié mon départ), mais dans de déplorables conditions psychologiques relativement à mes patrons. Quoique j’en ai guère envie, je fais quand même un pot de départ, ne pas le faire équivaudrait à partir coupable ce qui n’est pas le cas. Mais, vue l’ambiance désagréable, je programme le pot à l’heure du déjeuner, moment nettement moins festif que le traditionnel apéritif de fin d’après-midi.

La tradition veut que les filles (pourquoi toujours elles ?) aillent récolter les dons financiers auprès de chacun pour offrir un cadeau à celui qui les quitte. C'est une grosse agence, la somme récoltée est en général conséquente, la tradition veut également que les filles (toujours elles) interrogent l’intéressé sur ce qui lui ferait plaisir ou ce dont il a besoin, une machine à linge, un équipement hifi, un aller-retour pour l’Irlande ou le Portugal…

Des tickets à gratter, tout le grisbi en tickets à gratter ! je leur dis aux filles. Des Banco, des Las Vegas…, que sais-je encore !

Tiens ! Bernard vient au pot de départ. Pas si trouillard que ça en fait, tant mieux pour lui.

Un certain malaise s’installe lorsque je reçois mon cadeau surprise, enveloppé dans une boîte à chaussure ceinte d’un élégant papier et d’un nœud bolduc. D’abord de la curiosité, puis de la perplexité dans l’air : songez, près de 500 euro de tickets, ça en fait un paquet de chances au grattage, et qui sait s’il n’y a pas le gros lot dans le pactole. Je sais, c’est marqué dans mon thème astrologique, je suis un pervers.

Les perplexes en seront pour leurs frais. Croyaient peut-être que j’allais me mettre à gratter les tickets illico et sur le champ. Eh ben nan. Je prends tranquillement mon paquet sous le bras et m’en vais me faire pendre ailleurs. Vers des cieux plus honnêtes et j’espère bien meilleurs.

Tricard 2  (Matérialisme)

-          Eh Tonton Ancolies, sois pas vache, file nous le fin mot de l'histoire !

-          Quelle histoire les amis ?

-          Tu sais bien, une chance au grattage ! Ta dernière agence de pub, ton pot de départ, ta boîte à chaussures surprise, tes 3000 tickets loto !

-          Et alors ?

-          Alors t'as gagné ou pas ? t'as touché l' pacson ou quoi ??

-          Le pacson ?! Pfffttt… t'as vu comme les gens y sont matérialistes ! comme disent les crameurs de bagnoles, de pétrole et d'écoles, tandis que les grands frères tètent les gros pétards sur les bancs de touche des terrains de foot.