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Plutôt la vie - Extrait

Extrait "Plutôt la vie" est un extrait mis en ligne par "Ancolies"..

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Plutôt la vie

 

 

Pas là pour perdre, pas là pour perdre

pas là pour perdre, pas là pour perdre

et à la fin, le boulot fait

pas là pour perdre

 

Tu vois cette femme, tu vois cette femme

tu vois cette femme, vois cette femme

elle a travaillé pourtant, pas pour du vent

pas là pour perdre

 

Tu vois cet homme, tu vois cet homme

tu vois cet homme, vois cet homme

il est usé pourtant, pas pour du vent

pas là pour perdre

 

Tu vois cet enfant, tu vois cet enfant

tu vois cet enfant, vois cet enfant

il est né pourtant, pas pour du vent

pas là pour perdre

 

Pas là pour perdre, pas là pour perdre

pas là pour perdre, pas là pour perdre

et à la fin

le boulot fait, fait, fait, fait

pas là pour perdre

 

 
 

 

 

1 /  Passage du cap mort 

 

BANG ! Waouff, quel boucan ! T'entends ça, comme ça résonne dans la nuit de ce parking souterrain, comme la déflagration se répercute et rebondit sur les tôles des voitures, et comme elle s'engouffre par les rampes en spirale, claque à l'étage au-dessus puis encore à l'étage au-dessus, avant d'aller mourir contre le volet d'argent de la porte rabattante d'accès, mourir sans que l'air libre et malade du dehors et le vent souffrant sur la ville ne l'entendent. Tout ça pendant que la balle expédiée fait en un milliardième de seconde une course de même pas dix centimètres. Enfin bref ça y' est, t'as réglé ton affaire ! Et maintenant que c'est fait, laisse-moi te dire que c'est pas trop tôt, après ce que t’as fait flipper ton monde depuis des années, toi et tes méthodiques travaux publics de démolissure privée. Enfin, maintenant c’est bon, t'as assumé, t'as fait ton boulot, bravo, on en cause plus.

 

- Un instant les amis !

- Quoi ?

- J'ai comme un souci.

- Tu déconnes ?! tu peux plus en avoir, de souci ou de rien du tout vu que t'es mort. Pis tu vas pas remettre ça, tout le monde a son compte, et de toute façon c’est fini, trop tard.

- J'ai un souci, te dis-je.

- Laisse tomber putain, t'es mort, sois sérieux. Game over mec.

- La ferme.

 

Pourtant j'ai tout bien fait. Dîner avec une belle copine (Marianne, nos étranges week-end d’hiver à Honfleur et Etretat), la déposer dans la nuit de Paris, rouler et rêvasser encore un peu (y’ a pas le feu), rejoindre ce troisième sous-sol de parking, et puis allons-y. Presser la gâchette. Instant duraille, je vous le dis.

 

BANG et BRAOUM ! C'est du costaud, du méchant. Le dossier conducteur m'évite de valdinguer soixante mètres en arrière. J'avais pas pensé à cet aspect des choses, à cette délicate violence. J'avais pensé à rien, surtout à rien. Maintenant non plus j'y pense pas. A l'insensée stupéfaction du choc. Nan j'y pense pas du tout, maintenant je suis enfin tranquille. Tout se barre à toute blinde. C'est fait, réglé. dix secondes à tout casser, et voilà, fin de la piste, fin de la peine. Stupéfait, assommé, arrivé, plus qu'à fermer les yeux. Comment ça se passe ? Nan toute ma vie me défile pas sous le nez en quelques micro secondes comme on dit des défunts par noyade. Pourquoi pas, mais là c’est pas comme ça.

 

- D’accord c'est pas comme ça. Alors c'est comment ?

- Alors waoufff… tout se barre par wagons entiers sur un immense écran panoramique, toute la matière emportée, aspirée de gauche à droite, et c’est agréable, et la lumière de plus en plus en plus pâle, transparente, et c’est vers du sable blanc que je glisse. Ouais, blanc et bien gagné je me dis. Et voilà... voilà que juste quand je vais atteindre l'aube du ciel...

- Quoi ?

- Juste quand je vais l'atteindre, l'aube du ciel, la blanche prière : problème !

- Tu l'as déjà dit. Quel problème ?

- Quelque chose qui va pas, pas à sa place.

- Quoi ?

- J'ai du planter, erreur. C'est pas ça que je veux.

- Tu pouvais pas le dire plus tôt non ? Obligé d’en arriver là, quand c’est trop tard, pour t'en apercevoir ? Obligé de mourir pour comprendre que tu veux vivre ?

- Ben ouais faut croire. La part con obligatoire faut croire. Le nombre d'accidents qu'il faut pour apprendre.

 

Bon, on cause on cause mais j'ai pas que ça, j'ai pas que vous à faire moi. Ouais, là tout de suite, assommé en mon fauteuil conducteur, réflexions, négociations, tergiversations sont purement et simplement hors jeu. La ferme ! je leur dis m'imposant pour une fois. C'est que Waoufff…tout qui se barre et s’efface, la vie c'est tout de suite ou plus jamais, c'est tout à fait clair. Dans trois secondes, y' aura plus rien, dans trois secondes je pourrai plus. 3 secondes pour sauver le monde.

 

Alors ?

 

Alors plutôt la vie ! Contact je redémarre, tape murs et piliers de béton de passage, remonte en surface. Tout se barre, se lave et s'efface, mais j'ai les bras sur le volant, les pieds sur les pédales, et le cerveau toujours en fonction : pas d'hésitation sur les rues à enfiler à sens interdits pour rejoindre une avenue avec l'idée floue d'un commissariat sis. Bonne pioche. Je plante la caisse en pleine ligne blanche. Maigre loupiotte brûlant au dessus de la porte, entrée triomphale, polo vert foncé de sang, et voix sincère sans visage sous l'uniforme : Ben mon gars, qu'est-ce qui t'arrive ?

 

A part ça, je suppose que j'ai bien fait de laisser la pétoire dans la voiture, c'eut pu mal tourner, j'eus pu leur flanquer la pétoche aux défenseurs de l'ordre, qu'ils dégainent à leur tour pour sauver leur peau. D'efficients motards transportent le sang salvateur une partie de la nuit. Je cuve ma part de coma. Un mois ça dure. Pis faut bien y retourner.

 

  

2 /  Merde

 

Des montagnes. Que des montagnes. Majestueuses, enneigées des pieds des fougères aux cimes des plus hautes crêtes. Des montagnes immobiles, immuables et silencieuses, sans un souffle de vent, sans le moindre oiseau rapace planant en vastes cercles dans la transparence piquante de l'air. Par delà les escarpements, le ciel d'un bleu dense et pur. Très beau très joli, mais j'ai soif, violemment soif, vitalement soif. Je vais pour attraper une poignée de neige et la porter à ma bouche mais quelque chose me transperce, m'arrache un murmure de cri et les montagnes s'évanouissent.

Après. Les montagnes continuent de se taire. J'ai beau scruter minutieusement versant par versant, je repère pas le plus infime mouvement qui trahirait la présence réconfortante d'un lièvre blanc. Je guette tout aussi vainement la trille douce et fraîche d'un engoulevent dans l'absence de vent. Je me demande s'il existe des aigles blancs. Et aussi des arbres complètement blancs. C'est pas que je projette de gambader dans la prairie, grimper aux branches ou voler tout là-haut, je peux absolument pas bouger. En fait si, je peux pivoter mon torse d'un ou deux tout petits centimètres mais vues les terrifiantes douleurs aussitôt déclenchées, mon corps sait tout seul ce qu'il a à faire : rien. Surtout ne rien faire. Et même, respirer à peine, du bout du bout des lèvres. Respirer déchire. J'ai soif, plus que soif, je brûle d'eau mais je prévois pas de renouveler l'expérience de la neige fondue.

 

Les immenses posters de montagnes couvrant tout un mur de la pièce, les odeurs d'éther, la lumière blafarde verte, le lit, les perfusions, le tuyau dans le poumon, les événements antérieurs..., je sais pas si ça prend des secondes ou des jours pour faire le point. Merde ! je sursaute aussitôt que l'ajustement s'opère. Ouais, Merde ! est la première pensée qui me vient, de retour parmi vous les amis. Plutôt rigolo comme cri de naissance, comme érection primale non ?! Ainsi poliment avisé, me voici bel et bien réveillé. En effet, ben merde alors ! je peux que constater. Déjà c'était pas de la tarte, on dirait que je viens d'en rajouter une bonne couche. Bien joué. Comme vous le constatez, je peux penser. Mais pas parler. De l'eau putain ! je dis avec les yeux. Encore trop tôt, ils répondent.

 

Ils disent aussi que maintenant que je suis réveillé, ils vont extraire la balle, qu'aurait donc achevé son infiniment violent et bref voyage en se logeant dans le bras sous l'aisselle après traversée du poumon. Rien à foutre, faîtes votre boulot les mecs. Avec ce drain enfoncé en ma poitrine, qui pompe et pompe les dégâts internes de ce poumon violenté, de toute façon je sens plus rien.

J'aime bien aussi quand ils viennent régulièrement presser le tuyau de ce drain pour booster l’évacuation tout comme il faut. Vachement Efficace ! je hurle en silence.

 

Certes le temps ressemble maintenant fortement à ce maousse goutte à goutte à l'envers, mais le monde s'est pas arrêté. Voici Doc Volvo, terrifié et bien pâlot. Soigne ton psy ! je ricane in petto. Et si j'ai envie de quelqu'un que je connais en guise de lampe de chevet ? eh ben non, pas du tout.

 

La nuit. L'une ou l'autre des sympas infirmières passe un bras sous ma nuque, me redresse, m'administre quelques taffes sans filtre, et même quelques gorgées de blanc sec voire de mousseux quand elles célèbrent un anniversaire. Merci les filles.

 

Plus tard. Ils s'amènent à trois. Celle qui joue la gentille m'adresse quelques babilles tandis que ses deux collègues masculins s'affairent à la tête de lit, aux perfusions j'imagine. Arrrchhhh ! Les salopards viennent d'arracher d'un coup sec le drain. Les montagnes tourbillonnent, partent en vrille mais finalement tiennent bon. Mais ouais ça va, mais non  je vous en veux pas les gars. J'aurais fait comme vous, je ne me serais pas prévenu. Valait mieux pas, à tous les coups je me serais comme qui dirait crispé. Et voilà, hop c'est réglé !

 

 

  

3 /  Va dire à ton capitaine (que je t'aime)

 

Après.

 

Après je suis là, ailleurs, nulle part. Qu'importent les endroits, je suis en moi ici là-bas. Comme avant, mais curieusement c'est peinard. Curieusement ? Pas tant que ça en fait. C'est que je suis comme qui dirait soulagé (nan, pas délivré, trop biblique), maintenant bien obligé de reconnaître mon désir : vivre. Ce fait somme toute banal et simple comme ce bon vieux soleil offre pourtant l'immense avantage de réduire à néant et une bonne fois pour toutes l’hypothèse opposée. Ouais une très bonne chose de faite. Fugitif, j' suis plus volontaire. Ouf.

 

Rincé d'accord mais néanmoins rescapé des 40èmes et 50èmes rugissants et hurlants, ayant contre presque toute attente franchi presque indemne son cap mort, tâchant de laisser tout ça derrière lui, tous ces mondes passés avalés par son propre sillage, le marin n'a plus qu'à déplier sa nouvelle et succincte feuille de route : Vivre ! y' a tout simplement marqué. Vivre ? Humm humm... Le marin louche sur l'horizon louche et fronce les sourcils tout en se gratouillant les traumatismes. N'empêche, avoir foutu à la baille ses cartes et instructions destroy précédentes clarifie vachement le débat. Débarrassé de son originel indécrottable slogan no futur, le marin rescapé n'a plus qu'à reporter son attention sur d’autres étoiles de route. Et de s'en trouver et vite fait, et de bonnes de préférence.

 

Bof ! se dit le nouveau skipper face à son destin, S'agit jamais que de bateaux et de traversées pas vrai ?! Et y' a jamais eu autre chose que des bateaux et des traversées pas vrai ?! Et qui a dit que la mer devait être que calme ? et que la marée était que lasse ? Alors n’aie plus peur, lève-toi, navigue et vogue mille sabords. 

 

Vite fait ? Croyez-le, y’ a pas eu de miracle, on n’a pas fait demi-tour au premier obstacle (9 pts). Ben ouais. Quant aux miracles, à vrai dire je crois pas trop aux anges gardiens.

Un de mes beaux-frères, si. On en a un chacun, d’ange gardien, et je te prie de croire que je prie chaque jour pour le tien. Ah bon ? ben merci alors !

 

En fait, si, j'y crois, aux anges gardiens. Maintenant   j'y crois. Ben ouais, c'est moi. Un de mes moi multiples. A droite sur la photo familiale, entre Frère Comptable et Frère Coupable. Où ça ? Troisième rangée, entre Frère Casse-Couilles et Frère Barré. Où ça  tu dis ? Mais là ! le goguenard avec la moustache blonde et la peine sur l'épaule, c'est lui, Frère Ange Gardien. Ah ouais ! l'a l'air sympa en fait ! Tu l'as dit, et pas manchot non plus. Un vrai mur transparent ! A ce jour, chaque fois là où il faut chaque fois qu'il faut. Merci l'ami ! dit mon fils.

 

Se pardonner j'ai mis au programme.

Ouais, si possible et de préférence.

 

Aux sables de l'aube, les filets déposent

des âmes à la mer, des péchés mortels

Aux sables de l'aube, dans la vaste faute

qu'haubans blancs et mauves à nouveau le sauvent

(Maudit Dick - chanson à moi, zéro pt).

 

 

4 /  Le terminus peut attendre

 

Quelques considérations désuicidaires, si je puis me permettre.

 

Z'avez pas été sans remarquer que de mon affaire de parking je me suis tiré. Remarquez également qu'à trois secondes près j'eus pu ne pas.

 

Est-ce que cette fois-ci Frère Ange Gardien était de la partie ? Est-ce c’est lui qui l’a dit : J'ai du planter, erreur !

Et même s'il l'a dit dans ce parking, vous convenez que c'était moins une, que Frère Moi-Même et ma bande de frangins on s'en tirent. Wwou !! celui-là il rentrait, c'était le même prix ! comme on souligne au foot après une puissante frappe contre laquelle aucun ange défenseur ou gardien ne peut rien, mais qui finalement rase le poteau et meurt dans les gradins. Bref, de nombreux suicidés ont-ils pensé Damnation, erreur ! mais c'était trop tard ? Oui, je me demande si des candidats suicidés ont eu cette pensée, à l'instant trop tard, cette pensée qu’ils faisaient une connerie. Connerie ? Oui parce qu’après c’est fini. Terminé, plus rien, plus rien à aimer. En plus que ça arrivera de toute façon même s'il s'avère que cette fois on n’est pas, mais vraiment pas du tout d'accord avec la chute de la blague, des fois qu'on aurait justement quelque chose à aimer encore. Des fois qu’on serait tordu de douleur à la pensée de la peine qu’on inflige à ceux qui restent et vous aiment

Si tu les croises toi qui nais, salue-les les choses que j'aimais.

 

Allez, pour quelques poignées de curiosité, de liberté, de chansons à partager seul ou à plusieurs, pour quelques sentiments majeurs face à quelques goulées d'air gazé et quelques glaciers de souffrance, le terminus et les spots de néant peuvent bien attendre. En ces conditions, pourquoi ne pas bazarder ce qu'on peut de valises et de bagnoles, pourquoi ne pas grimper sans destination dans un bus de la ligne bonus et mater nonchalamment le merdier depuis l'impériale du tas de ferraille. Plus rapide à écrire qu'à faire je sais. Alors rappelle-toi : n’aie plus peur mon garçon, respire par le ventre, lève-toi et aime. 

 

 

 

5 /  Forces fragiles

 

Ensuite.

Des forces naissent, des forces s'usent. Vouloir encore : jamais dans la poche. Chaque matin, après-midi, soir, chaque nuit sans sommeil et chaque médiation nocturne qui l'accompagne, chaque jardin et chaque aube se gagnent. C'est qu'on sort pas tout neuf du garage comme vous savez. Terreur : lâcher, débander, et qu'alors il n'y ait plus de forces, plus rien. Mais bon, question vouloir j'ai maintenant une bonne petite poignée de raisons : certes quelques miennes, et toutes celles de Fiston. Il a grimpé dans mon bus genre dix ans après l'affaire du parking. Et aujourd'hui j'en suis à déjà dix ans de bonus avec lui. Et ce trajet-là, j'imagine que vous imaginez si j'apprécie.

 

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Ancolies

25-01-2017

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Plutôt la vie appartient au recueil Nouvelles d'une vie

 

Extrait terminé ! Merci à Ancolies.

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