"Les Treize Rêves" est un texte du domaine public mis en ligne par
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Maurice Rollinat, admirateur d’Edgar Poe, s’est toujours senti proche de son style littéraire. Le fantastique, le rêve et le macabre font partie de sa manière d’exister. D’Edgar Poe dont il avait traduit certains poèmes, il écrivait : « Il n’y a vraiment que le surnaturel d’Edgar Poe qui soit le sorcier de mes songes, le cher Démon familier de ma tristesse et de ma solitude. » A ceux qui ne connaissent pas Maurice Rollinat, j’ajoute que George Sand fut sa marraine littéraire. Il fut également l’un de ses nombreux amants. Ses détracteurs disaient qu’il copiait le style d’Edgar Poe, tout comme celui de Baudelaire. Je pense que s’il les admirait, il avait suffisamment de talent pour avoir un style bien personnel.
Attention ! Ces treize rêves sont surtout treize cauchemars :(
Maurice Rollinat
Les Apparitions 1896
Les Treize Rêves
A fait le plus horrible songe ? » Chacun parle à son tour et conte ce qui suit :
LE PREMIER
Je rêvais que j’étais pieds liés, bras au dos, Dans la camisole de force : Une dame très pâle et coiffée en bandeaux, Les yeux fixes, la bouche torse, Me souriait avec langueur Et m’entrait lentement un stylet dans le cœur. Je la regardais sans un cri, sans même Un mouvement ; mais autant qu’elle blême ! Et si je restais là, figé de telle sorte,
LE SECOND
Par des tunnels bas, des corridors froids, Par de longs souterrains étroits, J’arrivais dans un carrefour. J’entendais qu’on chauffait le four Quelque part, ici, là, mais je n’y voyais goutte. Qu’on me prît… et l’on m’enfournait Dans le brasier claquant qui pourléchait sa voûte.
LE TROISIÈME
On me guillotinait : l’exécuteur narquois S’y reprenait à plusieurs fois. Ce n’était qu’au septième coup Que ma tête quittait mon cou. Dans le baquet de son qui lui semblait un gouffre Elle roulait, elle roulait… Tandis que son tronc qui la revoulait
LE QUATRIÈME
J’entrais dans un palais dont les portes ouvertes
LE CINQUIÈME
Fléchissant sous l’énorme poids De je ne sais quelle bête, J’allais seul, la nuit, par une tempête. Les objets dans un noir de poix Avaient fini par se dissoudre. Tout l’espace n’était qu’une rumeur de foudre ; Et nul éclair ! rien ! les ténèbres seulement Pas de pluie ! aucunes rafales ! Mais un grand cri, par intervalles, Un grand gémissement, fou, d’un plaintif aigu, Tel que je n’en ai jamais entendu !… Comme un chant d’horreur extraordinaire Accompagné par le tonnerre…
LE SIXIÈME
J’étais très malade — en danger de mort. Quand même, j’espérais encor, Ma mère persistant à me crier : « Courage ! » Dans le rassurant de ses yeux. Enfin, elle venait s’asseoir à mon chevet : De la confiance et de la tendresse. Brusquement, elle se levait, M’enlaçait, pareille aux serpents des jungles, Et m’étouffait avec ses ongles. Ma mère n’était plus qu’une sorcière folle…
LE SEPTIÈME
Tiens ! moi, j’avais aussi la démence méchante : En face d’un grand billot plat J’aiguisais vite une serpe tranchante Qui luisait d’un terrible éclat. Soudain je dis : « Vas-y ! puisque si bien tu flambes ! »
LE HUITIÈME
J’étais dans le caveau d’un immense musée De cire, et ma vue était médusée Par des mannequins froids et solennels Qui représentaient de grands criminels. Je frissonnais bien, mais je tenais ferme. Tout à coup, une voix longue criait : « On ferme ! » À la voûte, plus de clarté, Toute la cave était tissue D’une compacte obscurité. J’appelais avec violence, Rien ne répondait qu’un morne silence ; Et je sentais la solitude en haut, Dans la salle au-dessus de mon noir cachot. Alors, se rallumaient les lampes, Et je voyais — l’effroi m’en glace encor les tempes ! — Tous ces mannequins s’animer hideux Pendant que je claquais des dents au milieu d’eux.
LE NEUVIÈME
En chair, en os, j’étais reptile infâme, Crapaud pelotonné sur le sein d’une femme. Tout ramassé dans ma laideur, Immobilisé de lourdeur. Je ne pouvais bouger de cette place Où je mettais mon froid de glace. J’étais si conscient de mon corps odieux Que des larmes mouillaient le rouge de mes yeux, J’aurais tant voulu, pauvre bête affreuse, M’en aller de la malheureuse !… Sa respiration courte, inégalement, Soulevait mon poids opprimant… À la fin, elle dit d’une voix chagrine : « Mais ! qu’est-ce que j’ai donc là, sur la poitrine ? » Après un hurlement de peur. Et le réveil — horreur qui navre ! Me retrouvait crapaud pleurant sur un cadavre.
LE DIXIÈME
Je perdis l’équilibre au bord glissant d’un puits. Ainsi qu’un fil qui se dévide Je descendais lent dans le vide ; Sous ma chute le rond du gouffre ténébreux S’élargissait toujours plus creux ; Et, comme si toujours d’une nouvelle cime Dans l’indéfiniment profond Je tombais sans toucher le fond.
LE ONZIÈME
Un ennemi Protée, un fantôme changeant Pendait juste une immense glace, Si bien qu’avant le coup j’ai pu voir l’éclair froid
LE DOUZIÈME
Un moutonnement faible, un bombement très vague, Comme d’une herbe ou d’une vague, Tout au fond de la chambre attirait mon regard : Et voici qu’en un jour blafard Je voyais de dessous une ample couverture Sortir un énorme serpent Dont j’allais être la pâture. Moitié dressé, moitié rampant, Lent, cauteleux, avec un silence farouche, Il arrivait jusqu’à ma couche. Tout vibrant de fluide et la gueule en arrêt, Le magnétiseur me considérait. Puis, les crochets dardés en flammettes furtives, Et j’entendais bientôt craquer mes os Sous le vissement lisse et froid de ses anneaux.
D’où je sortais comme un damné, Les défunts me criaient, les uns après les autres : « Non ! tu ne seras plus des nôtres ! « Pour qui s’est lassé d’être, en son ennui béant, « Tu n’auras pas cette ressource. « Tu dois exister désormais « Pour jamais ! pour jamais ! « Retourne au mal, au deuil, à l’argent, aux amours, « Pour toujours ! pour toujours ! « Va-t-en lutter, souffrir, penser, « Sans plus repouvoir trépasser ! »
Leurs frémissements et leurs voix, S’écrièrent : « Voilà le plus horrible rêve ! »
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Les Treize Rêves
n'appartient à aucun recueil
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