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Le moindre mal - Grande Nouvelle

Grande Nouvelle "Le moindre mal" est une grande nouvelle mise en ligne par "Emmalys".. Rejoignez la communauté de "De Plume En Plume" et suivez les mésaventures de Ned, Decke, Faren et cie...

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     Les gros transports avaient l'avantage d'être faciles à infiltrer, en raison des trappes d'évacuation du puits thermique destinés à refroidir les moteurs. Ces trappes se situaient généralement sur les flancs des vaisseaux, au niveau des ponts inférieurs, et se fermaient automatiquement quand les moteurs étaient froids. Le système de verrouillage de la trappe n'opposa pas une grande résistance à Ned, qui se contenta juste de lui donner du jeu afin de ne pas laisser un trou béant en se faufilant dans le conduit.

Il y avait néanmoins une raison de taille pour que les trappes soient si sommairement obstruées. Si le moindre élément étranger était détecté dans le conduit lors de la mise en route des propulseurs, un dispositif de sécurité purgeait aussitôt le réseau de canaux menant au puits, afin de préserver les moteurs de tout débris pouvant les endommager. Et un cargo de cette taille nécessitait plusieurs heures de chauffe avant le décollage.

Ned glissa ses outils dans les poches de son veston, prévues à cet effet et se pressa de remonter le conduit avant de déboucher devant la grille qui permettait d'accéder aux moteurs principaux. Il écouta, aux aguets, à l'affût du moindre son qui pourrait indiquer une présence, puis tâta prudemment la grille avec une tige de métal enrobée d'isolant pour s'assurer qu'elle n'était pas protégée par un courant électrique. La démonter ne s'avéra pas plus difficile que la première. Ned jugea tout de même préférable de vérifier qu'il n'y avait pas d'autre dispositifs de sécurité avant de la franchir, non sans surveiller avec un brin d'appréhension le bourdonnement caractéristique qui annonçait la mise en marche des moteurs. Ce n'est qu'après l'avoir remise en place qu'ils se permit de souffler un peu avant de reprendre sa progression.

Explorer intégralement un bâtiment de cette taille lui aurait pris trop de temps aussi Ned préféra-t-il se concentrer sur les ponts inférieurs. Il savait par expérience que les découvertes les plus intéressantes se faisaient rarement en surface. Une longue carrière de franc-tireur lui avait également appris que les cachettes les plus simples étaient souvent les meilleures. Il ne fut donc pas surpris de voir la cale réaménagée avec du matériel de pointe. Rien ne l'amusait davantage que de rivaliser avec ce que d'aucun considérait comme la parade ultime aux intrusions.

   Le système parfait n'existait pas. En réalité, il n'existerait  probablement jamais. C'était une chose que son peuple d'origine avait appris à ses dépends : même la faille la plus infime pouvait avoir des conséquences désastreuses. Il ne fallait jamais sacrifier l'efficacité à la recherche de la perfection. Les systèmes les plus complexes se trouvaient souvent ceux dont les failles étaient les plus grossières. Celui qui fermait la porte de la cale ne dérogeait pas à la règle. Ned le fit sauter en un clin d’œil et se faufila à l'intérieur, aussi discret et silencieux qu'une ombre.


   Ce qu'il découvrit ne le surprit pas vraiment, même s'il aurait voulu pouvoir penser le contraire. Rien qu'une fois, il aurait aimé l'être, goûter au simple plaisir de se tromper et constater que les apparences cachaient parfois des secrets moins sordides qu'ils n'en avaient l'air. Au contraire, plus le temps passait, plus il avait l'impression que les bornes de l'abject reculaient chaque fois davantage. Bien sûr, Tantale était un monde à part, un monde sous le joug de l'Hydre mais surtout de Séli ; et si ce dernier avait un jour eu un semblant d'éthique, il l'avait remisée au placard depuis belle lurette. Cela n'excusait pas ses actes pour autant.

Ned fit rapidement le tour de la cale, prit les preuves qui l'intéressait et s'apprêtait à mettre les voiles quand des bruits de pas se firent entendre derrière la porte. Il eut tout juste le temps de rebrancher le système de sécurité et de se glisser dans un caisson inoccupé dont il laissa le couvercle entrouvert avant qu'un homme ne fasse irruption dans la pièce.

-   Connerie d'alarme, bougonna-t-il en avançant à pas traînants dans le champ de vision de Ned. Je suis sûr que c'est encore un rat qui a bouffé les fils, à moins qu'un de ses foutus zombis ne se soit encore réveillé !

Ned jura entre ses dents. Il y avait donc bien une alarme quelque part et il l'avait déclenchée sans même la voir. Décidément, il se faisait vraiment trop vieux pour ce boulot.

Pendant ce temps, le gardien continuait sa ronde. Ned l'entendit cogner contre la vitre d'un caisson puis :

-   Hé, le greffé du cerveau ! Tu m'entends ?

Il avança encore. Soudain, sa face de reptile se plaqua sur le couvercle de Ned.

-   Mais que...

Celui-ci ne lui laissa pas le temps de réfléchir et lui ouvrit la paroi sur la gueule, aussi fort qu'il le put. Sonné, le gardien vacilla mais tint bon. Ned jaillit alors de son caisson et plaqua son bras sur sa gorge pour l'asphyxier. Le gardien s'agita désespérément pour se libérer mais Ned resserra sa prise jusqu'à ce que finalement, sa proie s'effondre, inconscient.

  Nul ne se serait douté, à le voir, qu'il était capable de rivaliser de force avec un Drenaï. C'était un avantage qui lui avait bien souvent sauvé la mise par le passé. S'il devait sa silhouette filiforme à quelques gènes Hespéro, il avait aussi hérité de leur robustesse et de leur agilité.

Il jeta le gardien par-dessus son épaule et l'étendit dans le caisson dont il referma complètement le couvercle. La machine émit une série de bips puis se mit en marche. Ned tapota le capot avec satisfaction.

-   Tu avais l'air fatigué, mon vieux. Quelques heures de sommeil au frais ne peuvent pas te faire de mal, dit-il en rajustant son veston avant de prendre la poudre d'escampette.

Ce ne fut que lorsqu'il prit le chemin de sa planque qu'il remarqua qu'on le suivait. Le type était plutôt doué et Ned ne l'aurait même pas aperçu s'il n'avait eu lui-même de vieux réflexes, acquis au cours d'une longue carrière d'agent infiltré. Sans compter qu'il n'était pas bien difficile de deviner qui se cachait derrière cette filature. Ned avait l’œil pour repérer les hybrides et celui-là en était un, à n'en pas douter.

S'il avait hérité des meilleurs gènes Hespero, être à moitié Téma lui conférait également quelques avantages. Il rasa les murs, puis arrivé dans un recoin sombre, fit le vide dans son esprit et se plaqua dans un renfoncement, à l'abri de la lueur des lanternes sourdes. Le type le dépassa sans le voir, perplexe, et porta la main à son oreille en murmurant quelques mots.

Amateur, pensa Ned en levant les yeux au ciel.

Celui-là n'avait pas dû être recruté depuis bien longtemps pour se faire larguer aussi facilement. Il surgit derrière le type, lui tapota l'épaule d'une main en lui arrachant son oreillette au passage ; et le délesta de son arme de l'autre.

-   Vous cherchez quelqu'un, peut-être ? demanda-t-il d'un ton badin.

-   Inutile, je viens de le retrouver, répliqua l'autre, nullement troublé.

-   Sachez que les Témas peuvent, d'une impulsion à courte distance à votre cerveau, se rendre invisible pour la durée où vous restez à portée.

-   Je le savais, fit l'autre.

-   Et pourtant, vous vous êtes fait berner.

-  Vous êtes plus rapide que je ne le croyais.

-   L'ennemi est toujours plus rapide qu'on ne le croit et en l’occurrence, je ne suis pas le vôtre, dit Ned. La cible ne doit pas être éliminée, un plan plus important se cache derrière son activité et nous devons savoir lequel. C'est peut-être toute l'Hydre qui est impliquée.

Le jeune agent se dandina, mal-à-l'aise.

-   Un commando s'apprête à remplir le contrat à votre place et ensuite, ils doivent vous arrêter.

Ned poussa un chapelet de jurons.

-   Ils sont en ligne ? lança-t-il en désignant l'oreillette.

La recrue acquiesça. Ned mit l'appareil en place et donna son matricule, suivi du code de la mission.

-   Faites annuler l'ordre d’exécution, aboya-t-il dans le micro.

A la confusion qui régna un bref instant à l'autre bout du fil, il devina que son interlocuteur s'était fait éjecter de sa place par l'un de ses supérieurs.

-   Trop tard, Neidhart. Nous avons à contrat à remplir et il le sera, fit un voix désagréablement familière aux oreilles de Ned.

-   C'est plus important que vous ne le croyez, répliqua ce dernier, excédé. J'ai des preuves et Séli en sait sûrement plus qu'il ne veut bien le montrer...

-   Revenez au QG pour le débriefing. Nous reparlerons de votre insubordination plus tard, répliqua son supérieur avant de couper le micro.

Ned se tourna vers la recrue, qui n'avait pas bougé d'un iota.

-   Où se trouve le commando ?

Ned savait qu'il n'arriverait pas à temps à L'Apocalypse pour intercepter le commando chargé d'éliminer Séli. Il n'y avait qu'un seul moyen de saboter leur projet, un moyen qui n'allait pas plaire du tout à ses supérieurs. Il se brancha via son communicateur sur la fréquence du corps de la garde de Tantale et exigea qu'on lui passe Faren.

-   Il est occupé. Qui êtes-vous ?

Cette voix ! Je connais, cette voix...  Merde !

Ned hésita. Decke n'avait aucune raison de secourir Séli. Il avait plutôt même intérêt à le laisser mourir s'il espérait un jour pouvoir quitter Tantale. Pourtant, Ned savait qu'il n'avait pas le choix.

-   Ecoutez-moi attentivement car je ne me répéterai pas, dit-il. Un attentat va être commis sur la personne de votre chef. Des tireurs d'élite sont postés aux fenêtres, prêts à faire feu dès qu'il remuera le moindre orteil. Si vous voulez bénéficier d'une promotion en lui sauvant la mise, c'est maintenant ou jamais.

-   Qui êtes-vous et comment avez-vous eu accès à cette fréquence ?

Ned devina qu'il cherchait à gagner du temps pour le localiser aussi lui raccrocha-t-il au nez sans plus de cérémonie. Puis, il piqua un sprint sur les derniers mètres qui le séparait encore de la boîte, chose qu'il n'aurait jamais cru faire pour une aussi grande pourriture que Séli. Malgré lui, il repensa à Decke et à tout ce que son tortionnaire lui avait infligé. Il s'en voulut de lui voler probablement la seule chance qu'il aurait jamais de quitter Tantale. Pourtant, il n'avait pas le choix. Des deux maux, il préférait choisir le moindre, peu importait le prix.

Il accéléra encore, oubliant la douleur qui commençait lentement à paralyser ses muscles. La moindre seconde perdue serait décisive.

Il ignorait la position précise du commando mais il lui suffisait de se baser sur ses propres connaissances pour pouvoir la deviner. Les tireurs d'élite n'avaient en réalité que très peu d'ouvertures possibles, en raison de leur matériel encombrant. Il leur fallait un endroit discret, facile à défendre, avec une vue d'ensemble sur le terrain et où ils étaient sûrs de ne pas rater leur cible. Les autres membres du commando ne servaient en réalité qu'à assurer l'extraction du groupe ou à suppléer le tireur en cas de besoin.


   Séli n'était pas fou. En tant que tête de l'Hydre particulièrement exposée, il avait déjà été la cible de nombreux attentats, au point de devenir un maniaque de la sécurité. L'Apocalypse était sa forteresse, son bastion de résistance et il y trônait tel un monarque en son palais, avec la même arrogance, la même certitude d'être intouchable et ce sentiment d'invulnérabilité qui caractérisait les grands de ce monde. Mais évidemment, il ne pouvait penser à tout, et encore moins que quelqu'un puisse l'atteindre à l'intérieur de sa boîte si bien protégée.

Quand bien même l'alerte aurait été donnée, Séli ne pouvait fermer L'Apocalypse car elle était le symbole de son pouvoir sur Tantale et la plaque tournante des activités majeures de la station. Cependant, Ned constata rapidement que la sécurité avait été doublée. Soit Decke avait transmis le message, soit quelqu'un d'autre l'avait intercepté. Dans un cas comme dans l'autre, les mesures prises ne suffiraient pas à arrêter des professionnels bien entraînés et surtout, déterminés à aller jusqu'au bout.

Un tumulte lui fit lever la tête. Sur l'un des balcons VIP, Decke tenait une conversation animée avec Faren. Ce dernier repoussa violemment l'humain contre le mur et poursuivit son chemin en direction du bureau de son employeur. Une large baie aux vitres teintées ouvrait sur le club, juste en face d'un local technique. Ned n'hésita pas une seconde.

Pourtant, arrivé au niveau du local, un reflet attira son attention. Le tireur se trouvait là, juste devant le bureau, perché sur le bord d'une poutrelle soutenant les écrans holo, positionnés en hémicycle au-dessus du comptoir central. Le verre de ses lunettes thermiques renvoyaient la lumière des spots et  ce détail  venait de trahir sa position. Ned ignorait comment il était parvenu jusque-là. Accroupi en équilibre sur la poutrelle, il ne portait pas l'un de ces fusils de précision à canon long prisé par les snipers de commando mais un pistolet automatique de gros calibre muni d'une lunette de visée. Le genre d'arme dont les projectiles pouvaient traverser une vitre blindée aussi facilement qu'une feuille de papier. Le genre d'arme tapageuse qu'utilisait habituellement l'Hydre.

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Auteur

Emmalys

03-10-2012

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Le moindre mal appartient au recueil Marche à l'Ombre

 

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