Le mal que fait le monde - Tranche de Vie

Le mal que fait le monde

On habitait dans le Lot et il avait 5 ans. Fiston. Un soir sa mère et moi on lui a annoncé qu’on se séparait. Et on a passé 1 heure à lui expliquer que maintenant ce serait différent, mais le plus important c’est qu’il aurait toujours son papa et sa maman. Et je lui ai dit que j’irais probablement m’installer pas loin, à Toulouse.

Il n’a pas dit un mot de la soirée. Sauf à la fin, quand sa mère et moi ne savions plus quoi dire. Là il a posé une seule et unique question : Papa, t’as dit que t’allais probablement à Toulouse. Ça veut dire quoi, probablement ?

Je lui ai répondu que j’avais dit probablement parce que je n’avais pas encore trouvé de solution pour m’installer à Toulouse mais que c’était ce que je voulais faire pour rester près de lui. Et que si je ne trouvais pas de solution dans les temps, j’irai habiter chez mon frère à Paris, le temps de la trouver cette solution. Il n’a rien dit.

(J’avais dit « probablement » parce que je ne voulais pas construire cet instant crucial sur ce qui pourrait lui apparaître comme un mensonge, si je ne la trouvais pas, cette solution toulousaine.)

Ce soir là il n’a rien dit d’autre.

Le lendemain soir on a dîné et puis il est parti se coucher. Comme chaque soir sa mère est allée lui lire 2 histoires. Puis, comme chaque soir, je suis monté dans sa chambre à mon tour pour chanter avec lui 2 chansons.

Et puis j’ai éteint la lumière et l’ai embrassé. Et là il a dit : Papa, tu vas mourir à Paris ou à Toulouse ?

J’ai pris un coup de poignard en plein cœur. Il croyait qu’il n’aurait plus son papa, la moitié de son univers brisé. Le pire : il disait ça allongé dans son lit, sans révolte, sans cogner de ses petits poings contre les murs. C’est ça, encaisse mon petit gars, encaisse.

Le mal que fait le monde.