Le Chapelier et son Château - Chronique

Le Chapelier et son Château

A.J. Cronin

J. Mason et D. Kerr dans l'adaptation de L. Comfort (1942)

L’intrigue

Levenford, petite ville morne de l’Ecosse de la deuxième moitié du XIX ième siècle. James Brodie, chapelier de son état, vit avec sa famille dans une maison qu’il a voulue à l’image de sa propre grandeur. En effet, la seule raison de vivre de James Brodie est d’accéder au statut et à la reconnaissance sociale qui selon lui, correspondent à sa réelle valeur. Véritable tyran, il terrorise depuis toujours ses proches qu’il coupe du monde extérieur et qui doivent vivre depuis des années selon les règles drastiques qu’il a édictées. Seulement un jour, un dénommé Denis Foyle va venir troubler l’ordre mis en place par Brodie, qui le considère comme un être vil et inférieur, en séduisant sa fille Mary. Cet événement va être le point de départ de la décadence de la famille Brodie, et sous la plume impitoyable de Cronin, chacun de ses membres va voir son destin se sceller de manière souvent dramatique.

Les personnages

James Brodie : personnage central du roman, sa cruauté et son orgueil démesuré sont au cœur de l’intrigue et sont des éléments déterminants du destin de chaque membre de sa famille. Brodie est convaincu d’être lié par le sang à la prestigieuse lignée des ducs de Winton, et considère que sa fonction de chapelier et son statut dans la société de Levenford ne sont pas à la hauteur de son ascendance noble et de sa personnalité hors normes. Sa très haute opinion de lui même le conduit à considérer le reste du monde comme inférieur ; et en premier lieu, les membres de sa propre famille, qu'il humilie et maltraite continuellement. 

Margaret Brodie : la femme de James Brodie n’est plus que l’ombre d’elle même après vingt années passées à ses côtés. Totalement soumise à son mari, elle ne lui tient jamais tête, même lorsqu’il s’agit de défendre sa propre fille. Son unique préoccupation est de satisfaire les moindres désirs de son tyran d’époux, afin de ne pas subir son courroux. Subissant sans mot dire les pires humiliations, la vie ne lui apporte qu’une seule joie : son fils Matt, qu’elle vénère, et pour lequel elle ferait n’importe quoi.

Matt Brodie : le fils de James Brodie, qui a dix neuf ans au début du roman, n’est pas à la hauteur des attentes de son père, et pourtant, il lui ressemble sur de nombreux points. Imbu de lui même et profondément égoiste, il perd cependant tous ses moyens face à son père. Les grands airs qu’il se donne ne parviennent pas à masquer la lâcheté et la fragilité qui le caractérisent.

Mary Brodie : la fille ainée, âgée de dix sept ans, se démarque nettement du reste de la famille. D’un caractère doux, affectueux et dévoué, Mary possède un courage et une dignité qui confinent presque à la sainteté. Dans la première partie de l’histoire, Mary sera, de manière tragique, victime de la folie cruelle de son père.

Nessie Brodie a douze ans. D’un naturel plutôt gai et enjoué, Nessie a également une santé et un tempérament fragiles. Son père a fondé de grands espoirs sur elle ; les attentions particulières dont elle est l’objet vont de pair avec la pression constante qu’il met sur ses frêles épaules. Il espère qu’un jour, la réussite de Nessie fera rejaillir la gloire sur son nom.

Ce que j’aime

Comme dans la plupart des romans de Cronin, l’intrigue se noue autour du destin  et de la psychologie des personnages principaux.

Une grande importance est accordée à la description des personnalités de chaque personnage, mais aussi de la manière dont il pense, des raisons pour lesquelles il agit. L’auteur réussit ainsi à créer une tension dramatique qui nous tient en haleine, alors qu’on a affaire à une écriture et à un contexte très réalistes. Malgré l’aspect tragique de certaines situations du roman, la plume de Cronin reste froide (il ne cherche pas à « faire pleurer dans les chaumières ») tout en réussissant à nous faire ressentir chaque scène, chaque émotion.

Les personnages (et en particulier Brodie) exercent une sorte de fascination sur le lecteur, parce que Cronin ne leur laisse jamais la possibilité de nuancer la personnalité souvent antipathique, du moins loin d’être héroique ou admirable, dont ils les a dotés. A aucun moment, le personnage ne dépasse son égoisme, sa lacheté, sa cruauté, lors d’une remise en question intérieure qui soulagerait le lecteur parce qu’elle lui permettrait d’éprouver enfin de la sympathie pour le personnage. Mais cette privation que Cronin impose au lecteur provoque justement cette fascination pour cette histoire et ces personnages sans compromis. A l'exception de Mary, qui  possède toutes les qualités dont les autres manquent, mais qui de la même façon, ne montrera jamais signe d’une faille dans cette perfection. On pourrait trouver tout cela très caricatural ; mais je trouve que c’est ce qui constitue la force de ce roman. 

C’est un auteur que j’aime beaucoup, et j’avais ce roman sous la main, mais je conseille aussi à ceux que le thème de cette histoire ne tenterait pas mais qui aiment les romans ou l’on suit un personnage dans son cheminement de vie, la Citadelle, les Clés du Royaume ou encore Les Vertes Années.