L'Enlèvement - Histoire Très Courte

 « Ralentissez-les ! Ralentissez-les ! »

     Quentin criait à plein poumon afin qu'on l'entende. Son visage était crispé, en une grimace effrayée, inquiète. L'un de ses co-équipiers se faisait enlever sous ses yeux, et les autres ne parvenaient pas à arrêter les kidnappeurs, et lui, le leader, le chef d'équipe ne pouvait rien faire, blessé à la jambe, il était cloué au sol.

     Il s'imaginait déjà les pires scénarios. Et voyait des photos, glissées sous la porte du QG, montrant son acolyte assassiné, comme il était arrivé si souvent depuis qu'il avaient démarré cette affaire.

     Les renforts arrivaient seulement, mais c'était trop tard. J.-B. avait déjà été enlevé, et tous savaient ce que cela pouvait signifier. Ils se regardèrent les uns les autres, les bras ballants, plantés au milieu du jardin d'une petite maison de quartier. Ils avaient encore échoué.

     Un mois plus tôt, l'histoire avait commencé pour l'équipe Très Spéciale du Commissariat Central de Paris. On les avait appelé pour une affaire de vol mystérieux de bijoux. Les voleurs s'en prenaient aussi bien aux professionnels qu'aux particuliers, et ne laissaient jamais aucune trace de leur passage, si ce n'est l'absence des dits bijoux. Du moins, c'est ce qui avait semblé aux agents qui s'occupaient jusque là de l'affaire. Mais l'équipe Très Spéciale, elle, avait remarqué très vite qu'ils agissaient suivant un mode opératoire très particulier.

     Tout d'abord, quel que soit le type de victime, ils faisaient toujours en sorte de la divertir pendant le vol. Électriciens, plombiers, agents d'entretien, ils avaient revêtu toute sorte de casquettes. De plus, les victimes ne voyaient toujours qu'un seul des criminels, bien qu'il soient une bande de cinq. Et la façon dont ils s'y prenaient pour dérober toute sorte d'objets précieux demeurait un mystère. Toujours est-il qu'avant de repartir, ils signifiaient systématiquement leur passage en déplaçant trois choses, avec lesquelles ils formaient un triangle, au sol ou sur un meuble, peu leur importait tant que c'était en vue de tous, le plus en évidence possible.

     L'équipe Très Spéciale avait tout de suite demandé à avoir les portraits robots des « divertisseurs » et, comme ils s'en doutaient, il n'y avait que cinq visages différents. Ce qui était passé pour trop évident aux yeux de leurs collègues était en fait la clé de l'affaire.

     Ils s'étaient donc, naturellement, tout de suite lancés à leur poursuite et étaient parvenus à les suivre près d'une semaine. Oui, mais ils s'étaient fait repérés un soir et les deux agents en plaque à ce moment là avaient été enlevé et cruellement assassiné.

     Depuis, les policiers de l'équipe Très Spéciale s'activent avec plus de ferveur encore pour les arrêter. Et ce serait bien plus simple si les voleurs n'avaient pas stoppé leurs méfaits, sans doute pour se faire oublier.

     Malgré leur volonté spontanée de passer inaperçu, l'équipe avait réussi à continuer à les surveiller, bien que plusieurs autres vies en ait payé le prix. Jusqu'à aujourd'hui, où l'opération qu'ils préparaient jours et nuits depuis des semaines avait été un cuisant échec.

     Des rires éclatèrent dans le silence qui avait enveloppé ce jardin d'apparence si paisible. Les voleurs revenaient, le visage illuminé par leur sentiment de victoire. Quentin se leva, un sourire timide aux lèvres, et déclara :

« C'est pas normal que vous gagniez à chaque partie ! Vous devez forcément tricher à un moment ! »

     Tous les jeunes garçons se mirent à rire en cœur face à la mauvaise foi de leur ami, qui n'acceptait jamais la défaite à leur jeu favori, Police-Voleurs.