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Kaamelott - Chronique

Chronique "Kaamelott" est une chronique littéraire mise en ligne par "Pierre en vie".N'hésitez pas à proposer vos critiques littéraires sur des Auteurs, Artistes, Artisans d'art...

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Kaamelott

  Qui ne connaît pas Kaamelott ? Bon, certaines personnes ne connaissent peut-être pas, alors j'explique, succinctement, ou j'essaie.

  Vous connaissez la légende arthurienne ? Excalibur, Merlin l'Enchanteur, la table ronde, la dame du Lac, Lancelot, Perceval, Yvain, Gauvain, Guenièvre, la fée Morgane et tout le bazar ? Normalement oui. Ces vieilles légendes bretonnes ont bercé bien des enfances grâce à Disney, ou à Chrétien de Troyes et dérivés. Ce sont ces vieilles légendes qui ont en partie inspiré toute l'heroic fantasy actuelle. Ce bon vieux Gandalf, et ce cher Dumbledore, que sont-ils sans Merlin ? Le triangle amoureux Arthur/Guenièvre/Lancelot est une des sources des histoires d'amour que l'on a raconté depuis. Films, romans, bandes dessinées, mangas, comics, dessins animés, chansons, poèmes, on ne compte plus les descendants des nobles chevaliers de la table ronde, symbole merveilleux d'équité, de noblesse d'âme et de justice.

  Ces légendes fondatrices, si signifiantes, si présentes, peut-on les prendre à la légère ?

  Alexandre Astier répond oui et non, et ce en imposant la mini-série/série télévisée la plus drôle et la plus intelligente faite à ce jour, tous pays confondus (il s'agit ici de mon avis, critique oblige).

  Bienvenue dans Kaamelott, où les chevaliers sont tous incompétents et/ou stupides, quand ils ne sont pas carrément dérangés. Merlin est un danger public incapable de faire bouillir de l'eau sans provoquer une explosion, Guenièvre est plate à en pleurer des larmes de rire, les trois quarts... Non. La totalité des personnage redéfinit la notion de stupidité. Arthur est fainéant et dépressif.

  Mais rien de tout cela n'est lourd ou maladroit, grâce aux extraordinaires dialogues, grâce à un jeu d'acteur simplement sans faute, grâce à une ambiance d'humour absurde omniprésente. C'est hilarant à chaque instant.

  Les deux dernières saisons (5 et 6) ont moins plu à certains, elles sont pourtant toujours aussi drôle, simplement, la longueur a permis à Astier de développer plus avant l'intelligence de son propos, et donner matière à réfléchir au coeur du rire, cela peut déranger.

  Je parle d'intelligence dans Kaamelott ? Ciel, hérésie ! Hérésie ? Certainement pas, et l'étude de quelques personnages le montre bien. Pourquoi l'étude de personnages ? Parce qu'Astier, dans cette série au moins, considère que le plus important dans la mise en scène, dans le décor, les costumes, les tons, les grimaces, dans le visible est de porter le message du personnage, centre d'intérêt principal.

  Je ne dis pas que chaque épisode vous fera cracher 25 dissertations de philo (rien de plus intelligent, n'est-ce pas ?) mais, on trouve des pépites de finesse et de réflexion assez souvent, pour peu qu'on ouvre les yeux.

  Arthur est le roi et le personnage principal, celui qu'on voit le plus souvent. Il est parfois mou, parfois trop autoritaire, souvent gamin, souvent déprimé, avec une apothéose de cet aspect d'enfant dépressif dans les deux dernières saisons, qui contiennent deux voyages initiatiques, un vers le fond de la détresse, poussé et guidé par la Réponse, avatar de la croyance de l'humain en une fatalité morbide, et l'autre dans le passé, où là encore, Arthur affronte la fatalité et son impuissance. Arthur, c'est chaque être humain, la difficulté qu'il a à gouverner, essayant de contenter tout le monde, c'est la difficulté de mener une vie, tout simplement, le fait que l'on soit parfois impuissant face à quelque chose qui semble être inévitable. Faut-il accepter et subir, ou essayer de se battre coûte que coûte ?

  Guenièvre n'est pas vraiment à son avantage dans cette adaptation, et c'est là qu'Anne Girouard, l'actrice, joue extrêmement bien. Les jeux de faciès, le ton, la diction, rien n'est laissé au hasard, et voilà que l'incarnation de la passion tiraillée fait éclater de rire. Mais, n'est-ce que cela ? Ne voit-on pas autre chose derrière le masque bouffon ? Eh bien, en effet, il y a une profondeur. On la trouve un peu dans la mise en scène des amours de Guenièvre et Lancelot au fil de la série, mais plus encore dans la vénération unilatérale que voue Guenièvre à Arthur. Elle l'aime sans retour, et pourtant, elle ne cesse pas de l'aimer, quoiqu'il arrive, qu'il soit roi ou pas, elle l'aime à la manière des grandes tragédies de Racine et Corneille.

  Lancelot est un autre genre de cas. Etant donné l'histoire du bonhomme dans les vieilles légendes, comment espérer en rire ? Comment faire du parangon de la chevalerie, de la noblesse d'âme et du dévouement amoureux désespéré un sujet à plaisanterie ? La réponse d'Astier : en le traitant cruellement. Si Kaamelott est drôle, c'est en partie parce que le fond de légende, avec ses codes, est confronté à des codes et des façons de penser bien actuelles. Il en va ainsi pour Lancelot. Lui est le seul à posséder le vieil esprit chevaleresque, il est le seul à ne pas avoir été 'actualisé'. Par conséquent, il se trouve en décalage avec l'univers dans lequel il évolue ; et il est drôle de cette manière : constamment moqué, rembarré, vu comme archaïque, hors de propos ("Je protègerai la reine de la férocité des bêtes de la nuit !"). Le pauvre chevalier à la charrette en devient sociopathe, agoraphobe et presque fou.

  Du tragique dans Kaamelott ? Oui, il y en a beaucoup, fatalité et amour désespéré, mais, il y a aussi l'espoir de l'humanité, dans un personnage éminemment positif, et presque angélique. Il s'agit du gallois Perceval.

  Perceval est mon personnage favori. Chacune de ses apparitions, chacune de ses mimiques, chacune de ses répliques, tout dans le chevalier gallois est hilarant. L'acteur et le personnage se fondent magnifiquement dans une figure encore inégalée à ce jour dans une série comique. Perceval est intéressant dans l'aspect dont je parle, parce qu'il n'est pas stupide. Oui, j'ose le dire ! Yvain, Gauvain, Caradoc... Il y a une pléthore de personnages idiots, Perceval n'est pas de cela. Il le semble parce qu'il est absolument et entièrement ignorant, il ne sait rien, et dans un monde plein d'implicites et de sous-entendus, il semble être un crétin profond, alors qu'il a juste l'heurt d'être vierge de toute éducation, de quelque sorte que ce soit ; en cela, il représente bien la légende initiale de Perceval ou le Conte du Graal. De plus, sa pûreté, au sens littéral du terme, s'associe au caractère épique du personnage pour ne rien gâcher. Perceval est le meilleur chevalier présent dans la série Kaamelott au sens où il est l'incarnation de la loyauté envers Arthur, comme il le dit en parlant de son roi : "Au moins, je sais ce que c'est que de vraiment aimer quelqu'un." Toujours sûr d'avoir affaire à un gros bêta ? Oui, parce que le rire dissimule très bien. Trop bien peut-être.

  Ne nous méprenons pas pour autant, Kaamelott est fait pour rire, pour s'esclaffer et autres synonymes. Mais, en se penchant un peu sur ce qui se passe, on voit des fulgurances de développements géniaux sur le genre humain. Un conseil en conséquence : foncez (re-)voir Kaamelott !

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Auteur

Blog

Pierre en vie

26-05-2015

Auteur public

Alexandre Astier

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Kaamelott n'appartient à aucun recueil

 

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