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Hubert le Hibou - Tranche de Vie

Tranche de Vie "Hubert le Hibou" est une tranche de vie mise en ligne par "Ancolies"..

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HUBERT LE HIBOU



Nuit d'hiver. Quelque part sur une terre. Une départementale. Il neige. Seule au monde, la petite voiture progresse. Seule, vraiment ? En fait nan ! Invisible, immobile et pas frileux juché sur sa branche, Hubert le Hibou fixe sans cligner des yeux la grêle lueur jaune des phares qui s'avance vers lui, arrive à sa hauteur et le dépasse. Hubert le Hibou qu'en a vu d'autres opère un imperceptible mouvement rotatif de la nuque pour suivre de façon parfaitement rectiligne la progression du véhicule. Sans mélancolie, il fixe la grêle lueur rouge des feux arrières de la voiture qui s'éloigne et disparaît maintenant et pour toujours de sa vie de hibou.

 

Cet après-midi, le ciel était triste à rester couché. Maintenant il est à la fois dégagé et tourmenté, vaste pâleur lumineuse traversée de traînées d'encre mauve déchiquetées. Les hautes forêts sombres soufflent de lents et majestueux saluts à l'humble voiture qui passe. Aussitôt dévoilées par les phares, les formes bordant la route replongent dans l'obscurité glaciale. La danse muette des flocons accompagne le rassurant ronronnement du moteur et le délicat chuintement des pneus glissant sur le tapis gris-bleu. Bien sûr le véhicule roule lentement, insuffisamment cependant pour que la neige puisse parfaitement recouvrir les péchés, les regrets, les solitudes, les inquiétudes de ses occupants. A défaut, elle les emmitoufle et les apaise.

 

La lune, celle qui n'a jamais renoncé, est curieuse : une R5 seule dans la nuit, voyons ça de plus près ! Un rayon désœuvré est aussitôt dépêché.

Courageux mais pas téméraire, Rayon de Lune prend le parti d'aborder la voiture par la banquette arrière. Une fillette, 3 ans, endormie, inscrira-t-il ensuite dans son rapport. Puis il poursuit son exploration en s'en allant lécher les vitres avant. Ah ! c'est Demi-Papa de fillette qui conduit, moi Ancolies quoi ! Bon, se dit Rayon, à tous   les coups c'est sa compagne sur le siège passager. Consciencieux, s'en va vérifier. Ce faisant, il heurte maladroitement la vitre. Ciel mes clés ! s'exclame ma compagne - car c'est bien elle - subitement tirée de sa rêverie.

 

Un peu confus et très poli, Rayon de Lune s'excuse. Demande aussi si, euh... on pourrait éviter d'avertir ses supérieurs de sa petite maladresse. C'est bon ! tranche-je, désireux de tirer au clair cette affaire de clés.

 

Ciel mes clés ! Mauvaise nouvelle comme vous vous en doutez. S'agit de celles de l'appart parisien de ma compagne vers lequel la R5 de retour de week-end en cette nuit cingle. Elle les aurait laissées là-bas, là d'où on vient, elle en est sûre !

En cette époque, la jeune femme manque parfois de sang-froid mais jamais de détermination. Oh comment c'est possible une chose pareille ! Demi-tour toute !! Demi-tour toute donc pour rejoindre la propriété quittée plus d'une heure de petite route neigeuse plus tôt. On dormira sur place, on repartira très tôt demain matin. Bien.

 

Du haut de son vieux et maousse chêne, Hubert le Hibou rigole. En réalité il savait très bien qu'ils les reverraient ceux-là. Question d'expérience. Très haut, près des étoiles, un grand aigle insomniaque et à la vue perçante ne peut que constater loin dessous-lui que la réputation de perspicacité de son cousin Hibou n'est en rien usurpée.

 

Entre nous, y' en a un bien persuadé que les clés sont dans le grand et stupéfiant sac à mains de sa compagne, mais entre obscurité, état des lieux et panique grimpante, laisse tomber.

 

Réveiller les potes surpris, déclencher la furie de la meute des chiens de chasse installée dans l'enclos nord, dresser un campement léger et pieuter tout le monde.

 

Enfin presque tout le monde. C'est pas que je meurs pas d'envie de m'écrouler, roupiller, oublier. J'y aspire même très fortement. Mais c'est que 1 : Garder le cap. Ouaip, lâche les nerfs et qui sait dans quel état ils seront une poignée d'heures plus tard pour faire face à 3 bonnes heures de route verglaciale. Et c'est que 2 : je suis un peu euh... vertigineusement élancé par euh… par une intime fissure anale. Raison pour laquelle je danse 4 h durant la gigue d'un salon à l'autre dans le manoir nocturne et glacé. Sans allumer et sur la pointe des pieds, pour pas réveiller les gentils chienschiens.

 

Entre les gigues, m'assieds dans un fauteuil, un autre, fume dans le noir. Soudain et sans prévenir, bondis à nouveau et recommence à sautiller en scandant en braille des chapelets d'ouille ouille ouille, aïe aïe aïe, ouille ouille aÏe !! Me demande au passage si y' aurait pas là matière à chanson mais renonce vite. Comment dire, j'ai pas l' cul à ça. Bref, telle la chèvre de Mr Seguin, je résiste toute la nuit aux assauts du loup. Vais même vachement plus loin puisque, contrairement à la pauvre chevrette, je ne meurs pas au petit matin.

 

Quelle nuit les amis. Douceur douceur !

 

4 h du mat, gelé malgré mes sautouillis et danses barbares. Enfin l'heure d'agir. J'ose une maigre loupiotte dans la gigantesque cuisine. C'est bon, les chiens semblent écraser. Je lance un café. Grimpe à l'étage, éveille doucement mon amie, profite qu'elle se frotte les mirettes pour transporter et installer fillette emmitouflée et endormie à proximité du départ, regrimpe chercher la mère que je guide d'une main sûre dans l'escalier noir, la fais tourner à droite dans l'aveugle entrée, puis encore à droite direction loupiotte, pour enfin la mener jusque la chaise la plus proche du confortant fourneau. Une fois la douce bien calée entre dossier de bois et table de 80 m2, nous verse à tous les 2 un bon bol fumant. Ah ! apprécie chérie revenant à la vie, un bon café, voilà qui va nous réveiller !

Nous réveiller ? Tu l'as dit bouffi.

 

Le gars Ancolies rigole un peu moins sur le trajet retour, au motif principal de stupéfiants et fulgurants coups de poignards dans le cul. Hubert le Hibou le console de ces funestes élancements d'un salut majestueux et cette fois définitif. Bon, tout va bien en bas ! note le grand aigle très haut et très seul.

 

Et quoi ? Ah oui, je vois c' qui vous tracasse : les clés étaient dans le sac de Chérie.

 

 

 

 

 

 

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Ancolies

15-09-2012

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Hubert le Hibou appartient au recueil Nouvelles d'une vie

 

Tranche de Vie terminée ! Merci à Ancolies.

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