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Et si la vie... - Réflexion

Réflexion "Et si la vie..." est une réflexion mise en ligne par "Cathou inafrica"..

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Et si la vie...

 

Et si la vie n’était que du temps à l’envers ? Et si le temps n’était que l’envers de la vie ? Et si l’envers n’était que….

Pour que le monde ait un côté face il lui faut un côté pile…. C’est important  pour ce que nous sommes, peu importe si c’est vrai ou non, mais c’est mieux quand les choses ont une image à deux faces et qu’elles se portent toutes seules, qu’elles ont un avant, un arrière, un début, un pendant et une destinée.

Puis peu importe… Nous les hommes devons avoir un monde avec ou sans côtés, mais suffisamment vaste pour ne pas risquer de l’user trop vite, et surtout pour maintenir l’espoir ou l’illusion d’avoir un ailleurs disponible pas trop loin, prêt à nous recevoir dans le cas fort possible où de charmants voisins en voie de sous alimentation voudraient transformer tout ce qui bouge en rations de survie.

Car c’est bien la nécessité de survivre qui est dans les motivations premières de toutes les réflexions. Utiliser sa vie à optimiser les chances d’entendre la douce musique du réveil matin à chaque pirouette solaire est une des occupations les plus répandues dans ce bas monde d’Homosurvivanus. Même la promesse souvent répétée d’un paradis céleste de toute première classe, offert par contrat à tous ceux qui savent se tenir tranquille et aux ordres, en prévoyance du jour où la vaporeuse dame à la faux viendra les prendre par la main, ne semble pas être un grand succès commercial. Le plus grand nombre d’entre nous préfère voir passer le temps (encore lui) en flânant entre les grands emmerdes et les petits plaisirs de la vie, non pressé d’aller rejoindre les plus illustres et historiques personnages qui nous ont précédés et qui encombrent les paradis de toutes les marques, dans l’interminable et ennuyeuse éternité.

On dit que la civilisation est née le jour où l’homme a pris conscience de sa mort, certains disent même conscience de son âme. Belle affaire de se savoir touriste dans son corps. Nous ne sommes donc que les locataires d’une machine aux performances qu’il faudrait notablement améliorer et les occupants égarés dans une époque qui a des fourmis dans les jambes.  Expulsés que nous avons été de la paix éternelle comme on expulse un point noir sur un gros nez boutonneux,  nous sommes sortis du ventre de notre mère sans avoir été consultés ni prévenus.  Au fond des maternités d’accueil, quelques jours suffisent pour que nos oreilles nous informent de la présence d’un voisinage surchargé et bruyant. Et à peine plus de temps pour constater les premières injustices issues des avantages facilement accordés, dès le départ, à ceux qui abusent de leurs cordes vocales anormalement surdéveloppées.

Ces toutes premières colonies de vacances passées dans une maternité, occupées essentiellement à réclamer et ingurgiter des hectolitres de substance laiteuse, transformés  sans délais en une onctueuse et saumâtre déjection garantissant une prospérité sans pareille aux nombreuses usines à couches jetables, ne sont pas aussi vides de réflexion qu’il ne paraît. Avec un peu d’attention, nous pouvons discerner dans les areux-areux  haut de gamme de nos chers bambins des propos forts intéressants sur la condition humaine.… traduits en langage plus intello par des experts bien formés cela peut donner ceci :

 « Excusez-moi partenaires,  cellules et organes de mon corps, c’est votre conscience qui s’adresse à vous. Comme vous le savez déjà, nous allons être les colocataires d’une même tranche de temps. L’esprit que je suis se retrouve, sans trop savoir pour quoi, installé dans un corps qu’il n’a pas choisi et qu’il espère ni trop laid, ni trop bête. Notre collaboration imposée n’est pas obligatoirement un évènement heureux, elle n’est pas une fusion mais seulement un simple contrat à durée limitée. Très cher corps, quoi que tu fasses tu n’es que mon véhicule porteur, il est donc inutile de chercher à inverser les rôles en voulant paraître. Un jour viendra où on devra se quitter pour mettre fin à notre courte et bizarre association.

Celui qui  m’a envoyé ici ne me laisse pas le choix, un séjour millénaire aurait été plus opportun pour pouvoir mettre en valeur notre  existence, mais tout semble urgent et cher en ce moment. C’est probablement à cause des dimensions de la planète qui nous reçoit, elle est trop petite pour une expérience d’une telle ampleur et en plus très fragile. Il faut prévoir de la place pour ceux qui sont sur les listes d’attente et qui vont arriver d’un jour à l’autre sans se soucier de savoir s’ils auront encore assez de place pour atterrir.

Puis, une surpopulation n’est pas envisageable, elle serait dangereuse pour toute l’espèce humaine et très pénalisante pour les anciens qui s’attarderaient de manière abusive. C’est comme ça, je n’y peux rien. Je tiens aussi à vous dire que l’indispensable esprit que je suis souhaite une cohabitation intelligente et  bienveillante entre nous. Bien sûr j’attends de vous une bonne tenue, sans maladies ni essoufflements injustifiés, j’espère être installé dans un corps sain et harmonieux pour pouvoir m’y sentir à l’aise.

Il ne faudra jamais oublier que le temps est un monstre dévoreur de vies. Il nous rejoint, nous accompagne quelques temps et sans prévenir il accélère en nous laissant sur place. Il file à toute vitesse, très vite, trop vite pour nous. Après avoir consumé notre part d’existence comme une chandelle qui a entièrement brûlé alors qu’elle n’a été allumée qu’une fois, nous nous séparerons. Moi je repartirai comme je suis venu, en te laissant sur place, et si tout s’est bien passé, je serai attendu dans un club ultra privé pour de très longues et reposantes vacances, loin d’ici, près de la résidence principale du grand patron, dans une ambiance certes un peu coincée mais très tendance et stable dans la durée.

Toi, mon cher corps bien aimé, tu resteras là, car tu es trop lourd et encombrant pour aller quelque part. Mais ne t’inquiète pas, tout est prévu par la civilisation et depuis longtemps, sauf grand chambardement plus ou moins atomisé qui vaporise même les souvenirs, notre séparation sera suivie pour toi d’une belle cérémonie et d'une prise en main par des professionnels très expérimentés qui se chargeront de te trouver une utilité rentable ou faute de mieux une sépulture bien façonnée, histoire de te faire oublier rapidement et ne pas empester les lieux de la séparation très vite réoccupés. Mais pour le moment il est l’heure de te mettre à gueuler, ton estomac est vide, et il faut penser à grandir ».

 

« Grandir… oui mais pourquoi faire ? » demanda un jour un jeune petit-fils à son vieux grand-père.  « Pour me faire des arrières petits-fils, mon petit… Bientôt tu seras grand et tu vas trouver parmi tes copines une belle fiancée, une aussi jolie et aussi belle que l’a été ta grand-mère quand elle était jeune. Avec elle, tout en me faisant plaisir, j’ai fait ton père, qui, après avoir lui aussi fait plaisir à sa voisine de palier, t’a fait toi. Quand tu seras grand, ça sera ton tour, pardi. Un jour ta  voisine viendra chez toi manger du saucisson. »

« Du saucisson ? » demanda le petit visiblement étonné.  «  Oui, du saucisson ou autre chose, c’est comme ça qu’on dit quand on ne peut pas dire les choses comme on devrait pouvoir les dire. Il ne faut pas être trop pressé pour faire des petits, et si tu n’en n’as pas,  il faut d’abord que les poils te poussent. Ils vont te dire tout ça dans quelques années à l’école, ce n’est pas à moi de tout t’expliquer. Les savants disent que ces choses là, c’est l’instinct qui le veut, on dit même que c’est l’instinct de reproduction. Comment te dire… parfois quand on est grand, parfois, ça nous chatouille dedans, ça nous chatouille tellement que ça nous pousse à faire ce qu’il faut pour fabriquer des petits, il n’y a que ça pour nous calmer. En puis on n’est pas les seuls à être comme ça, l’autre jour tu as bien vu la chienne des voisins qui est venue se coller à Nestor. Pour  te parlant scientifiquement je te dis qu’il faut se reproduire pour perpétuer l’espèce, et l’espèce c’est nous, tu comprends ? »

On imagine facilement le petit reconstituant dans sa tête la scène où grand-père est collé dos à dos avec grand-mère, pour fabriquer des papas. Enfin… on pourrait en rester là, car ce type de réponse a traversé glorieusement les ages sans prendre la moindre ride. Elle tient encore bien la route aujourd’hui et certainement pour longtemps… quoi que ?

Il est possible qu’au fond de chacun d’entre nous il y ait l’épouvante de se retrouver un jour seul sur une terre vidée de toute son humanité et pour toujours, après une apocalyptique série d’événements calqués sur le modèle « Je te pousse parce qu’on me pousse ». Comme une blanche et statique procession de morceaux de sucre fraîchement sortis de leur boite, serpentant sur la table d’une cuisine, ayant utilisé toutes les réserves de patience disponible, un jour de mauvais temps, chez l’insomniaque de service, qui a laissé imprudemment la fenêtre ouverte et qui se fait surprendre par un éternuement rebelle, mal orienté, qui ratiboise le petit chef œuvre dans une réaction en chaîne capable d’émerveiller un concepteur débutant de centrales atomiques.

Mettons-nous à la place de l’unique survivant de la reine des catastrophes planétaires. Pour faire disparaître toute une espèce, il doit y avoir pléthore de solutions à la disposition de dame nature, mais imaginons que la solution retenue est de type gros météore, comme celui qui a détrôné la dynastie des dinosaures il y a 60 millions d’années. Il arrive, tout le monde lève la tête, on entend dire par ci par là «  tiens, je ne savais pas qu’un feu d’artifice était prévu pour aujourd’hui » … Le temps de ne rien comprendre et badaboum…..  Alors là toute la série, chaleur, onde de choc, poussière, tempête, raz de marée et tout ce qui va avec.  Puis, après cet enfer, un long moment de silence, rien ne bouge, sauf quelques fumeroles qui font penser à de gros cigares mal éteints. Au milieu d’un amas de branchages notre héros dort, un peu assommé par les évènements. Il finit par se réveiller, s’extrait péniblement des débris sans trop avoir mal, encore étourdi et déjà énervé d’avoir sali son costard tout neuf. Il tapote la poussière qui le recouvre, se tourne et retourne dans tous les sens, puis les deux mains sur la taille, il prospecte d’un regard crispé les environs dans l’espoir de repérer le gros con qui s’amuse à tout faire sauter pour aller lui arracher la gueule.

Mais cette fois, contrairement à l’habitude il n’y a plus de gros con en position verticale. Seuls quelques rats complètement abrutis tentent de se reconnaître sans se préoccuper du clébard qui court sur trois pattes en hurlant tout ce qu’il peut.  

« Mais où sont passés les autres ? » S’interroge-t-il.

« Les ambulances, les pompiers, les hélicoptères,  le gouvernement ? »

Il est terrifié à l’idée qu’il aurait pu se faire très mal sans qu’il y ait un porteur de blouse blanche pour le soigner. Mis à part quelques soubresauts chez des agonisants en partie enterrés, plus personne ne bouge, plus personne ne parle sauf le chien qui continue à hurler tout ce qu’il sait en courant dans tous les sens.

Il fait quelques pas, tente sans succès de se repérer, il scrute les environs sans en croire ses yeux et se dit qu’il ne sait pas quoi se dire.  Bien sûr, il ne sait pas encore qu’il est le seul homme survivant de la catastrophe et sur toute la terre. D’ailleurs il va mettre beaucoup de temps à s’en rendre compte. Après bien des appels,

« Il y a quelqu’un ? Répondez s’il vous plait … »

restés sans réponse, il conclue qu’il a été abandonné par tous les autres, faute de s’être réveillé à temps. Tout le monde est parti, dans l’urgence, en le laissant pour mort. Paumé au milieu des rats, du chien et des autres, sans même un frigo intact pour prendre une bière fraîche. Sa galère ne fait que commencer, personne pour l’informer, personne pour l’aider à retrouver son chemin, même pas un commissariat de police pour aller se plaindre.

 

On peut avoir un peu de compassion pour le tout dernier dinosaure qui a vécu sur terre et imaginer ce qu’il a pu se dire le jour où il s’est retrouvé tout seul, sans aucun pote ni copine à draguer, même pas une vieille ou une laide ou même une estropiée dont personne n’aurait voulu à la belle époque, rien, des nèfles. Pauvre dinosaure, plusieurs millions d’années à régner sur la planète, à faire des orgies avec les voisins, histoire de ne pas trouver le temps long.

 

Question certainement idiote pour certains, vieille comme le monde, de la même famille que celles qui nous rendent imbéciles.

Quand on a 5 ans on est facilement épaté par les possibilités des gamins qui en ont 10. Vers 10 ans on regarde beaucoup ce que font ceux qui en ont 20. Après 20 ans on trouve ceux de 40 prématurément vieillis et à 40 on se dit qu’il faudrait trouver le moyen de ne plus bouger, plus très jeune mais pas encore vieux et dans le meilleur des cas, il ne reste que la moitié du réservoir pour finir tout ce qui reste à faire.

Que la vie est courte quand on ne sait pas bien quoi en faire, et que la vie est vide quand on ne sait pas à quoi elle sert. Pour pouvoir mieux utiliser la vie il faudrait pouvoir faire un ou deux tours de reconnaissance, des tours de chauffe et de réglages entre les bornes des étapes qui vont marquer l’existence. Cela permettrait de repérer les gros obstacles et évaluer les forces nécessaires avant tout projet. Il faudrait dans un temps raisonnablement court pouvoir aller et venir entre les tranches d’age, comme on essaie les vêtements que l’on emmène avec soit lors d’un long voyage.

 

A moins que la vie soit un monde égaré, un monde orphelin, ayant perdu son présent, son image, sa destinée. A moins qu’elle soit seulement la trace d’une tornade céleste, d’un éternuement divin ou une ombre chinoise produite avec une lumière à contre courant  du possible et qui amuse des plaisantins, festoyant dans l’ivresse du savoir très en amont de ce que nous pouvons être.

 

Pour nous les humains il n’y a pas de temps sans mémoire, il n’y a pas de temps sans passé, à croire que le passé n’est lui-même que du passé fait des intentions stériles d’un présent qui ne sait pas exister. Le problème est de trouver une bonne raison à cette obstination à consommer du temps.  

 

Notre monde, celui de notre éphémère conscience se meurt dans sa réalité, pour exister il doit se métisser, s’acoquiner, s’accoupler à l’inconcevable.

 

Il n’y a pas de temps sans conscience d’être, il n’y a pas de mémoire sans les sens pour l’écrire.

 

Et si la vie n’était que de l’inconcevable ? Et si l’inconcevable était la vie…

Ca. Valmalette

27-11-2014

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Cathou inafrica

27-11-2014

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Et si la vie... appartient au recueil Tout, rien et un peu plus

 

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