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Bourricot - Scénario ou Pièce de théâtre

Scénario ou Pièce de théâtre "Bourricot" est un scénario ou pièce de théâtre mis en ligne par "J.L.Miranda"..

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SCENE II

 

RICOT, ARLETTE

 

ARLETTE (entrant par la porte du fond) – Michel, où est Michel ? Il est parti ?

RICOT (montrant la porte latérale d’un geste) – Oui, par-là, la tête basse. (devant l’air mécontent d’Arlette) Il m’a toujours traité comme un petit fonctionnaire minable. L’occasion était trop belle, j’ai pris ma revanche. Je crois qu’il se trouvait con en partant.

ARLETTE – Nous devrions peaufiner l’accord de divorce à l’amiable. C’est pour cette raison qu’il est venu. (elle met les mains sur les tempes pour suggérer les oreilles d’un bourricot.) Si l’affaire échoue, je sais où trouver le responsable. Ce ne sera pas la carotte, mais le bâton.

RICOT – Il a décidé de s’en aller, je ne l’ai pas poussé dehors. Cela dit, j’avoue que j’étais ravi de le voir s’en aller défait, titubant, le cœur en lambeaux.

ARLETTE – Que s’est-il passé ? Vous avez eu des mots ?

RICOT – Il m’a trouvé l’air con en arrivant. Cette remarque a été le point de départ d’un dialogue assez croustillant. Nous avons disserté sur la connerie et ceux qui la pratiquent bien malgré eux.

ARLETTE – Ah, très intéressant !

RICOT – Mais, dans l’histoire, c’est moi qui avais le rôle du con. Michel me regardait avec hauteur, prétendant me donner une leçon d’intelligence.

ARLETTE – Vous aviez sans doute l’air de deux marmots qui se chamaillent au sujet de la couleur des billes qui s’entrechoquent sur le carrelage.

RICOT – Michel a fini par se trouver pris au piège de son raisonnement.

ARLETTE – Comment ça ?

RICOT – Tout en jouant le rôle du con que Michel m’a assigné, je l’ai amené à admettre qu’il pouvait être con lui-même, malgré l’intelligence qu’il se targue de posséder. La preuve en est que son nom et le mien accolés donnent : bourricot.

ARLETTE Très amusant ! Et il s’est fâché de ta trouvaille ? Il ne veut pas qu’on le traite de bourricot ?

RICOT – Bien au contraire, nous avons éclaté de rire. L’atmosphère s’est gâtée quand je lui ai dit que c’est malheureux d’être con et cocu à la fois.

ARLETTE Tu lui as dit que nous avons... ? (se mordant les lèvres, l’air contrit, Ricot fait un signe affirmatif de la tête) Tu l’as blessé dans son amour-propre. S’entendre dire qu’il a été fait cocu par un... gui-gnol !... Il ne pouvait que s’effondrer devant pareille humiliation. Un coup de pied dans le derrière l’aurait fait moins souffrir.

RICOT – Si au moins la pique lui avait été lancée par un personnage en vue sur la scène politique... mais, un con comme moi, qui plus est inconnu... (dévisageant Arlette) Il a bien cherché son humiliation ! Qu’avait-il à pinailler sur la connerie ?

ARLETTE – Il ne restera pas longtemps la tête basse. Je le connais très bien. Il est rancunier et vindicatif, (les mains tendues et les doigts recourbés) il aime à s’acharner sur ses proies, les griffes avides de chair saignante.

RICOT – Il s’est plu à me rabaisser, m’a pris pour le dernier des cons, lui. Et moi, je n’avais qu’à fermer ma gueule ? C’est ça que tu voulais ?

ARLETTE – Tu l’as blessé dans son honneur, tu n’en avais pas le droit ! C’est indigne ce que tu as fait. Il te faudra bien plus de tact, si tu veux que je te garde mon estime.

RICOT – Eh oui! c’est indigne, j’en conviens. Accabler un ami de cette façon... (à Arlette, vivement) Ah ! je sens la morsure de tes ongles dans ma chair. (en aparté) C’est une vraie tigresse, elle ne lâche sa proie qu’après en avoir extrait la quintessence.

ARLETTE (lui tournant le dos) – Ça n’allait pas dans mon ménage, je déprimais un peu, et qui plus est, j’étais un peu ivre ce soir-là. Tu as profité de la situation, j’aurais même pu t’accuser de viol.

RICOT (bégayant, abasourdi) Qu’est-ce qu’il ne faut pas entendre ?  M’a-cu-ser de viol, m-moi ? Mais je-je rêve ! C’est toi qui...

Ricot se met à faire de la gymnastique respiratoire pour évacuer son trouble.

ARLETTE – (contenant avec peine l’envie de rire) – Une sérieuse mise au point s’impose en présence de Michel. Je lui ferai croire que tu as menti pour l’humilier. (S’approchant du téléphone) Je vais le rappeler.

 RICOT (arrêtant son exercice) Non, je t’en prie ! Ne fais pas ça !

ARLETTE (composant un numéro)Tu as peur de l’affronter, n’est-ce pas ? Je le vois devant toi, t’écrasant du haut de son mépris. Il te trouvera plus minable que jamais. Petit fonctionnaire non imposable. N’est-ce pas comme ça qu’il t’appelle ?

RICOT – Il se croit au-dessus de tout soupçon, parce qu’il fait de la politique et a des amis haut placés. Eh bien ! en fouillant bien, je trouverai peut-être quelque chose à me mettre sous la dent. Et alors, le petit fonctionnaire non imposable s’imposera par son zèle.

ARLETTE – Michel, c’est Arlette. Pourquoi es-tu parti précipitamment ?... Quoi ? Mais qu’est-ce que c’est que ces âneries ?... Laisse-moi t’expliquer, s’il te plaît... Non, pas au téléphone, chez moi... Alors, reviens, je t’attends... A tout de suite.

RICOT – Crois-moi, je regrette la gaffe que j’ai faite. Je n’ai pas su résister à la volupté de la revanche. Enfin,  je pouvais lui rabattre le caquet. C’était trop tentant, je l’avais devant moi, à portée d’estocade...

ARLETTE – La gaffe en elle-même, je la comprends, je l’excuse presque. Ce qui me déplaît c’est le côté hâbleur de ta personne qu’elle met en évidence. Puis-je encore te faire confiance ? Franchement, je ne le crois pas.

RICOT – Je te trouve bien trop sévère à mon égard. Je suis plutôt réservé de nature, presque timide, tu l’as dit toi-même ! As-tu jamais vu punir un bourricot qui rue parce qu’on lui tire la queue ?

ARLETTE (en riant, joviale) – Ah, la pauvre bête ! Je lui donnerais volontiers une carotte. Et je la caresserais bien dans le sens du poil.

RICOT – Une femme dépitée est mauvais juge, mais de là à me rabaisser au rang de guignol, parce que j’ai eu la faiblesse de me venger !...

ARLETTE – Comment as-tu pu oublier que Michel est mon mari ? Avec ta vantardise, tu compliques la procédure de divorce. Je peux tirer un trait sur les conditions avantageuses que j’étais en droit d’espérer.

RICOT – Il venait d’admettre qu’il pouvait être con, et vlan ! je lui mets encore un mot doux en supplément.

ARLETTE – Possédé que tu es par la haine et l’envie ! Tu lui paieras cher ta petite satisfaction.

 RICOT – J’ai ressenti une agréable sensation en le voyant s’effondrer. C’était un peu comme un orgasme sans épicentre, touchant toute ma personne avec une intensité égale. Le conseiller Bour, imbu de sa personne, si fier de sa réussite, se trouvait tout à coup con et cocu à la fois.

ARLETTE – Que des ravages ne peut-on pas faire avec des mots ! Il ne manquait plus que cette histoire de cons pour compliquer mon drame conjugal.

RICOT – C’est plutôt une improvisation réussie, non ? A ton avis ?

ARLETTE – Il ne fallait pas amener mes fesses sur les plates-bandes de ta connerie.

RICOT – Elles sont voisines de palier. Je les vois parfois faire les poubelles ensemble. (devant le froncement de sourcils d’Arlette) Je ne parle pas de tes fesses en particulier... bien qu’elles ne soient pas plus intelligentes que les autres. Par contre, elles sont vachement bien tournées, ça, je te l’accorde.

ARLETTE – Tu as tort de prendre les choses à la légère. Devant Michel, tu auras vite fait de perdre ta belle assurance.

RICOT – Je peux te garantir que je n’ai pas prémédité cette sorte de sketch que nous avons interprété sur le thème de la connerie.

ARLETTE – Tous les deux, vous n’avez été que les interprètes d’un être invisible, l’esprit malin peut-être, qui aura été à la fois l’auteur et le metteur en scène d’une farce irrésistible. C’est ça que tu veux insinuer ?

RICOT – Au départ, je voulais juste m’amuser. Aux impôts, mon travail n’a rien de passionnant. Rien que des chiffres à longueur de journée. Pour échapper à cet univers fonctionnel où la rigueur la plus stricte règle chacun de mes gestes, j’aime jongler avec les mots. Tu sais que j’aurais voulu être comédien. J’ai raté ma vocation, je me console comme je peux.

ARLETTE – Au fil des mots, flattant adroitement son amour-propre, tu as travaillé Michel avant de lui porter... l’estocade ?

RICOT – Au bon endroit et au bon moment... Quand je l’ai aperçu, j’ai pris l’air ébahi d’un paysan qui se rend pour la première fois en ville. Il a mordu à l’appât ; ensuite, il m’a suffi de donner libre cours à ma fantaisie. Lui, il a joué le jeu à fond. On aurait dit que nous avions répété.

ARLETTE – Mais tu as prononcé un mot de trop. Il faudra bien que tu assumes les conséquences fâcheuses qui en résultent.

RICOT – L’explication à trois ne me semble pas la meilleure façon d’arranger les choses. On risque de tacher encore plus le linge qu’on prétend blanchir.

ARLETTE – En effet, quel que soit le savon que tu comptes utiliser, tu risques fort de glisser dessus pour te trouver en mauvaise posture.

RICOT – Je parle sérieusement. Écoute-moi bien ! En mari trompé, Michel se méfie, naturellement. J’aurai beau échafauder des explications visant à t’innocenter, j’aurai beau lui faire d’emblée mes plus sincères excuses, la mise au point risque de tourner à l’affrontement. Et dans ce cas, je ne suis pas sûr de pouvoir me contrôler.

ARLETTE – Je dois donc me débrouiller toute seule ? Une bonne scène de ménage vaut cent fois mieux que tes explications, puisque tu seras à l’écart de nos déchirements, mais pas à l’abri. Je t’enfoncerai autant que je pourrai auprès de mon mari.

RICOT – Tu es assez intelligente pour savoir où se trouve ton intérêt. Il te suffit de feindre que tu n’es au courant de rien. Michel t’aime toujours, tu n’auras aucun mal à le convaincre que tu ne le tromperais jamais avec... un guignol de mon espèce.

Arlette, qui se tient à l’écoute, sent l’approche de quelqu’un.

ARLETTE (sentant l’approche de quelqu’un) Michel arrive, sauve-toi, vite ! (Haussant la voix) Tu peux rentrer, Michel ! On dirait que tu hésites à me rejoindre.

 

Ricot se dépêche de sortir par la porte du fond.

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Auteur

J.L.Miranda

23-07-2017

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Bourricot appartient au recueil Théâtre

 

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